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Nos Lecteurs ont la Parole - Abdel Hamid EL-AHDAB

L’islam est-il la solution ? Mais alors quel islam ?

L'islam des quatre califes rashidun, Abou Bakr, Omar, Othman et Ali, qui a duré 31 ans (sur un total de 14 siècles), a été résumé par le calife Abou Bakr es-Seddiq en ces termes :
« Mais après, ô gens qui m'écoutez ! J'ai été choisi pour vous administrer bien que je ne sois pas le meilleur d'entre vous. Si j'accomplis bien mon travail, aidez-moi, et si je le fais mal, redressez mes erreurs. La sincérité est fidélité et le mensonge est trahison. Le faible d'entre vous est fort à mes yeux et je lui ferai recouvrer son droit, si Dieu le veut. Le fort d'entre vous est faible à mes yeux et je lui retirerai le droit qu'il a usurpé, si Dieu le veut. La turpitude ne peut se répandre chez un peuple sans que Dieu ne lui apporte le malheur. Obéissez-moi aussi longtemps que j'obéis à Dieu et à Son messager. Si je désobéis à Dieu et à Son messager, vous ne serez pas tenus de m'obéir. »
Cet islam a donné naissance au neuvième siècle à un leadership mondial que se partageaient deux souverains : Charlemagne en Occident, et Haroun al-Rachid en Orient.
Un grand travail de traduction a alors été entrepris qui a fait connaître l'héritage perse et grec. Les Abbassides avaient digéré les deux héritages et les avaient utilisés pour leurs propres besoins en les adaptant à leur mode de pensée et en y ajoutant ce qu'ils avaient pu en déduire. Leur influence fut déterminante en philosophie, mathématiques, médecine, chimie, astronomie, génie civil, construction, musique... et apparurent en ces temps-là Avicenne, al-Farabi, al-Kindi, Ikhwan al-Safa, Omar al-Khayyam, les Mille et Une Nuits...
Tel fut l'islam de la liberté, de la dignité, de la lumière... Mais un autre islam a suivi, apporté par Muawiyah ben Soufiane, un usurpateur qui installa un pouvoir despotique et sanguinaire et qui soutira l'allégeance du peuple pour son fils, Yazid, par la contrainte, afin qu'il lui succède, afin que soit aboli pour l'éternité le droit des musulmans à choisir leurs gouvernants, et afin que soit substitué au pouvoir en charge de la justice un pouvoir monarchique et hargneux. Le lecteur de l'histoire de l'État omeyyade relève que les Omeyyades n'avaient pas hésité à commettre les crimes les plus odieux pour conserver leur pouvoir... Ils avaient attaqué Médine et tué un grand nombre de ses occupants pour soumettre la ville. Le calife Abdel Malek ben Merouan avait même envoyé une armée commandée par el-Hajjaj ben Youssef pour soumettre Abdallah ben el-Zoubair qui s'était rebellé contre le pouvoir omeyyade et s'était retranché dans le « Masjid al-Haram » (la Mosquée sacrée). El-Hajjaj benYoussf avait alors encerclé La Mecque avec son armée et bombardé (par catapulte) la Kaaba avec des projectiles qui détruisirent ses piliers. Il avait ensuite envahi le Masjid al-Haram et tué Abdallah ben al-Zoubair qui se trouvait à l'intérieur...
Tout était devenu, dès lors, licite pour conserver le pouvoir, même une attaque de la Kaaba qui est le saint des saints en islam. L'État abbasside ajouta une nouvelle page à ces horreurs par le biais des massacres qui lui assurèrent la prise et la conservation du pouvoir. Les Abbassides avaient succédé aux Omeyyades qu'ils avaient tous tués sans que leur soient imputées des fautes et sans jugement. Ils avaient même déterré et violé leurs cadavres par vengeance. Le deuxième calife abbasside, Abou Jaafar al-Mansour, avait tué son oncle Abdallah par crainte de le voir lui disputer le pouvoir. Il s'était ensuite retourné contre Abi Moslem al-Kharassani, qui avait institué l'État abbasside, et l'avait tué à son tour. Le premier des califes abbassides, Aboul Abbas as-Saffah, dénommé précisément « as-Saffah » en raison du nombre de gens qu'il avait fait abattre, avait, lui, réuni ce qui restait des princes omeyyades et ordonné de les égorger sous ses yeux. Il avait ensuite couvert leurs corps d'un tapis et demandé qu'on lui serve le repas, et il avait mangé et bu alors qu'ils bougeaient encore et n'avaient pas fini d'agoniser. Il avait dit à la fin : « Par Dieu, je n'ai jamais rien mangé d'aussi bon ! »
L'État abbasside survécut jusqu'en 1258 lors de la chute de Bagdad qui marqua la fin de la domination arabe et du califat musulman arabe. Ce fut le résultat des campagnes menées par les tribus mongoles et turques dès l'année 1253. Le petit-fils de Gengis Khan, Holako, était parti des steppes mongoles avec le projet d'attaquer les Hashashins (proches des
actuels takfiristes et d'el-Qaëda). Il avait conquis un grand nombre de leurs forteresses et poursuivi sa route jusqu'en Syrie où il avait envahi la plupart des ports syriens avant d'être arrêté par le sultan Baïbars commandant les Mamelouks.
N'avaient pu ainsi protéger la Syrie que les Mamelouks, anciens esclaves. Le califat arabe s'était émietté. Il fut géré par les Mamelouks puis dut affronter les croisés qui ne purent, eux aussi, être chassés que par les Mamelouks. Vint ensuite le pouvoir ottoman.
L'islam est-il la solution ? Mais alors quel islam ?
L'islam d'Abou Bakr, celui de la liberté, de la justice, de la dignité humaine, de la renaissance scientifique et culturelle ? Ou celui de Muawiyah, d'Abou Abbas as-Saffah, des Mamelouks, des Ottomans et, à présent, des Frères musulmans ?
Le printemps arabe qui a envahi notre espace savait bien ce qu'il ne voulait pas : plus de Saddam, plus de Moubarak, plus de Kadhafi, plus de clan al-Assad, plus de Abdallah Saleh, plus de... plus de ... mais pour quel substitut ?
Les Arabes savaient ce qu'ils refusaient, mais ne savaient pas ce qu'ils souhaitaient !
L'Occident avait vécu la même expérience et des révolutions rectificatives, protestantes ou autres ont eu lieu. Puis vint le siècle des Lumières au cours duquel les libres-penseurs se demandèrent ce que les gens voulaient en substitution au despotisme. C'est ainsi qu'après un voyage en France, le cheikh Mohammad Abdo avait dit à son retour en Égypte : « J'ai trouvé en Europe l'islam mais pas des musulmans, et j'ai trouvé, à mon retour en Égypte, des musulmans mais pas d'islam. » Il est dit dans le Hadith du Prophète : « ... Celui qui n'a pas de raison n'a pas de religion. » L'islam d'Abou Bakr, des califes rashiduns, de la liberté et de la justice est, en conséquence, celui de la raison. Il est temps de mettre fin au conflit entre la raison et la religion. L'islam des califes et d'Abou Bakr est l'islam de la liberté, celui préconisé par le verset du Coran qui dit : « Pas de contrainte en religion. La voie droite se distingue de l'erreur... » (verset 256 de la sourate de la vache), ce qui, naturellement et a fortiori, signifie qu'il ne peut y avoir de contrainte en matière
temporelle. Cet islam est la religion de la connaissance comme le réaffirme le verset du Coran qui dit : « ...Mon Dieu, accrois ma connaissance. »
Il est également la religion de la tolérance : « Ne discutez avec les gens du Livre que de la manière la plus courtoise – sauf avec ceux d'entre eux qui sont injustes. Dites : Nous croyons à ce qui est descendu vers nous et à ce qui est descendu vers vous. Notre Dieu qui est votre Dieu est unique et nous lui sommes soumis » (verset 46 de la sourate de l'araignée).
De même : « Si ton Seigneur l'avait voulu, tous les habitants de la terre auraient cru » (verset 99 de la sourate de Jonas).
Enfin : « Dis : la Vérité émane de votre Seigneur, que celui qui le veut croit donc et que celui qui le veut soit incrédule » (verset 29 de la sourate de la caverne).
Pour que l'islam despotique n'impose plus sa domination au monde arabo-musulman et que rayonne en ses lieu et place l'islam de la justice, de la liberté et de la dignité de l'homme, une révolution culturelle, religieuse et rationnelle est nécessaire qui s'attaque à la geôle takfiriste des « Ikhwan ». L'islam ne sera plus uniquement l'enfant de l'inspiration, mais également l'enfant de l'histoire qui demeure ouvert à l'analyse de la raison au lieu de demeurer prisonnier de l'interdit. Certains ont suivi Mohammad Abdo dans sa « Marche de l'éveil », mais il faut prendre également exemple sur d'autres grandes figures, telles que Abdallah al-Kousseibi, Nasr Hamed Abouzeid, Abdallah al-Alayli, Mohammad Arkane, Sadek Jalal al-Azem, Faraj Foudah, Adonis et Nawal Assaadawi et bien d'autres...
Le voyage des mille miles commence par un seul pas. L'université al-Azhar a entamé ce pas, mais avec quelque hésitation et de manière timide, ce qui demeure insuffisant. Le temps est venu où il faut poursuivre la marche pour sauver le vrai islam en l'arrachant aux crocs de ceux qui l'ont usurpé et en ont disposé à leur guise... Pour que Holako ne soit pas le seul à nous sauver des takfiristes et pour que les Mamelouks ne soient pas les seuls en mesure de nous débarrasser des tyrans et bêtes immondes....

Abdel Hamid EL-AHDAB
Avocat

L'islam des quatre califes rashidun, Abou Bakr, Omar, Othman et Ali, qui a duré 31 ans (sur un total de 14 siècles), a été résumé par le calife Abou Bakr es-Seddiq en ces termes :« Mais après, ô gens qui m'écoutez ! J'ai été choisi pour vous administrer bien que je ne sois pas le meilleur d'entre vous. Si j'accomplis bien mon travail, aidez-moi, et si je le fais mal, redressez mes...

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