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À La Une - En dents de scie

L’amour naissant

Quarante-troisième semaine de 2013.
Elle est très fière, Tripoli. Génétiquement catin, comme toutes ces villes-ports qui s’entrouvrent facilement et en souriant à tous et aux vagues, méditerranéennes surtout, mais tellement fière. Troublante : voyoute, profondément, mais altière ; hiératique presque. Un peu comme Marseille. Ou Naples. Ou Tanger. Surannée et trépidante. Elle sue, elle suinte, elle salive, Tripoli. Et elle sait rester remarquablement belle. Sauf que là, elle n’en finit plus d’agoniser. Encore une fois. Sauf que là, c’est de/du dedans qu’elle se meurt, c’est du dedans qu’on la suicide. Raymond IV de Toulouse, le sultan Qala’oun, Yasser Arafat, entre autres, sont morts. Les virus, croisés, mamelouks, etc., ne viennent plus de l’extérieur, ils sont endogènes. Centuplés par le gang Assad et ses sbires libanais.
Aujourd’hui, Tripoli se noie dans un no man’s land et un no man’s time ahurissants. Comme flottante, Tripoli est une ville ectoplasme. Comme abstraite d’un pays, d’un (pseudo)État. Comme un canton. Comble de l’ironie : le Premier ministre sortant, Nagib Mikati, est Tripolitain. Un Premier ministrable, Achraf Rifi, est Tripolitain. Mais rien n’y fait, ni les énièmes gémissements du premier ni même le coup de gueule/tripes retentissant de l’ancien patron des FSI. Tripoli, en cet an de disgrâce(s) 2013, ressemble à un prologue : celui de la bataille titanesque à venir entre les soldats d’Assad et les rebelles à Qalamoun ; celui d’une gangrène définitive d’un territoire anschlussé, vampirisé par le Hezbollah et ses identités monstrueuses et meurtrières.
Le ministre israélien de la Défense n’a rien inventé : il y a effectivement une guerre civile au Liban entre le Hezb et le Jihad mondial. Et si ces dizaines de fondamentalismes plus rances, plus sclérosés les uns que les autres tentent et réussissent parfois à se greffer partout où ils le peuvent à Bab el-Tebbaneh, c’est uniquement à cause de cet hyperalaouisme gonflé et surgonflé par le Hezbollah à Jabal Mohsen sur ordre de Damas. Le parti de Hassan Nasrallah n’a plus besoin de 7 Mai : occupé outre-Masnaa, il sous-traite, et Rifaat Eid est un excellent exécutant/exécuteur. D’ailleurs, le Hezb ne s’encombre plus le moins du monde de ces scories qui le lestaient avant : plus besoin de portes gouvernementales claquées avec moult bouderies des ministres chiites ni de tentes annexant carrément le centre-ville de la capitale pour paralyser exécutif et législatif et faire porter le chapeau aux autres. Désormais, le parti de Dieu n’a besoin de rien pour prendre en otages quatre millions de Libanais. Il lui suffit juste d’exister.
Même l’armée : héroïque à Nahr el-Bared, qu’est-ce qu’elle attend pour prendre d’assaut tout Jabal Mohsen et en finir une fois pour toutes avec l’essence du problème ?
Même Tammam Salam : porteur de cent et une promesses, qu’est-ce qu’il attend pour mettre tout le monde devant le fait accompli et former le gouvernement qu’il souhaite diriger, flanqué de la primature du chef de l’État ?
Même Michel Sleiman : quasi irréprochable depuis des mois, ce qui ne s’était jamais vu à Baabda depuis des décennies, qu’est-ce qu’il attend pour finir son mandat sur un indispensable, un vital coup d’éclat ? C’est-à-dire un coup d’État. Blanc. Contre le mini-État du Hezbollah...
Cela aurait une sacrée gueule.

P.S. : Trablous el-Cham ? Tripoli viscéralement, organiquement damascène ? Voilà un mythe, aussi has-been soit-il, qui garde la dent (très) dure. Que le sunnisme le plus éclairé ou le plus extrémiste prenne le pouvoir en Syrie n’y changerait rien : aujourd’hui, les Tripolitains ne s’amputeraient, ne se sépareraient de leur Liban pour rien au monde. Aujourd’hui, ils ont compris. Aujourd’hui, ils (s’)aiment. Le Hezbollah aura au moins servi à quelque chose.


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