Rechercher
Rechercher

À La Une - Liban

La réalité dépasse la fiction : une station d’épuration sur un site archéologique à Jiyeh!

Encore une aberration au pays du Cèdre : le ministre de la Culture Gaby Layoun a validé le permis de construction de la pompe d’une station d’épuration des eaux sur le site archéologique de Jiyeh! Sur les lieux mêmes où les prospections d’Ernest Renan et de Georges Contenant avaient révélé au début des années 1900 l’emplacement de l’antique Porphyreon. C’est là aussi qu’une basilique byzantine et tout un quartier romain ont été mis au jour.

En 1997, une marina est venue se greffer sur la nécropole romaine.

Le projet de construction d’une pompe pour une station d’épuration des eaux sur le site archéologique de Jiyeh est, à n’en point douter, sidérant. Certes, mais il y a lieu surtout de se demander si cette installation aura des incidences sur le site archéologique. Nos appréhensions sont légitimes, quand bien même, il faut le préciser, il ne s’agit que de 100 m2 affectés au projet. Qu’en pensent les spécialistes?

Lettre du ministre
Dans une lettre portant la référence 2013/A/144 adressée le 18 juillet au président du conseil de la municipalité de Jiyeh, le ministre de la Culture Gaby Layoun cède une parcelle du terrain sur lequel se dressent les ruines archéologiques de Jiyeh pour installer le poste de pompage d’une station d’épuration. La missive souligne que suite à la requête insistante de la municipalité et après de longs pourparlers avec l’entrepreneur Maged Terro, le ministère a décidé de ne pas entraver un projet d’intérêt public et de délivrer le permis de construire à condition, toutefois, que le poste de pompage ne dépasse pas la taille de 12m x 8 m et qu’il soit au niveau de la mer. À condition aussi que les travaux de forage se fassent sous la surveillance de la DGA. L’autorité compétente peut cependant prononcer le retrait de l’autorisation en cas de découverte de vestiges.
Voilà en gros la teneur de la lettre.
Interrogé par L’Orient-Le Jour, M. Layoun fait observer que le bien-fonds 2146 appartenant à la Direction générale des antiquités représente une superficie de 11000 m2 alors que la parcelle offerte est de 100 m2 situés sur les dunes de la plage, à l’extrême sud du site. Il ajoute, d’autre part, que la municipalité s’est engagée à installer une solide clôture pour protéger les ruines. Point.

 

 

Adossés à la butte, les vestiges de la basilique byzantine se déploient sur 40 x 20 mètres.



Vestiges romains et byzantins
Rappel : entre 2003 et 2008, les fouilles menées à Jiyeh par l’équipe archéologique de l’Université de Varsovie, sous la direction de Thomaz Waliszewski, avaient mis au jour un quartier romain de 1500 m2 composé d’une vingtaine d’habitations dont certaines, dotées d’escaliers, laissent supposer qu’elles étaient à deux niveaux. Posé sur une butte qui surplombe la plage, ce «village», également occupé du temps des Byzantins (jusqu’au VIe siècle), est desservi par cinq ruelles. Le sol des maisons est couvert d’un dallage de «mosaïques simples» (tesselles en marbre blanc).
Au nord du quartier, dans la zone dite « industrielle », deux pressoirs à huile ont été dégagés, mais Thomaz Waliszewski avait estimé qu’«il en existait plusieurs autres car de nombreux éléments appartenant à cette industrie ont été déterrés au cours des fouilles». De même, des résidus de production de poterie trouvés sur le site confirment l’existence jadis d’ateliers de fabrication.

 

(Pour mémoire : Un site romain « démantelé » à la pelleteuse au centre-ville de Beyrouth)


Des centaines de pièces de monnaie, de lampes à huile, d’amphores, de verre, de céramiques culinaires et de céramiques fines ont été également recueillies. Thomaz Waliszewski avait signalé que le site recélait une quantité d’outils, de poids, de serrures et tout un matériel de pêcheurs dont un grand ensemble d’hameçons. Toutefois, «aucune trace du port antique» n’avait été découverte.


Toujours côté nord, une nécropole romaine, exhumée en 1997, renferme 28 tombes taillées dans les rochers, dont deux sont ornées de peinture. En 2003, le cimetière antique a été enfoui sans vergogne sous la construction d’un complexe balnéaire, et seuls cinq sarcophages y sont encore visibles.
Plus bas, adossés à la butte, les vestiges de la basilique byzantine sont imposants. Bâtie entre le Ve et le VIe siècle, l’église à trois nefs se déploie sur 40 mètres de long et 20 mètres de large, «sans compter les dépendances ecclésiastiques encore ensevelies sous la dune», avait fait observer l’archéologue. La douzaine de mosaïques, qui pavaient entièrement le sol de la basilique, ont été mises à l’abri du pillage, dès la découverte de la basilique en 1987. Elles ont été démontées et conservées au palais de Beiteddine.

 

(Pour mémoire : « La rescapée de Beyrouth », une exceptionnelle maison à cour de 1820)


«D’après les récits des voyageurs des XIXe et XXe siècles, les ruines de Jiyeh étaient beaucoup plus étendues vers le Sud, et tout près s’élevait un caravansérail, le khan Nabi Younès», affirmait Waliszewski, signalant que non loin des ruines, une mosquée ancienne emploie des éléments architecturaux de la basilique, notamment des colonnes. «Le démantèlement progressif du site a commencé au XIXe siècle, et ce qui en reste n’est qu’un petit fragment du Porphyreon antique.» Qui n’en est pas moins un important vestige de l’histoire du pays.
Le tout est d’éviter de mettre en conflit l’intérêt public, aussi vital soit-il, et notre patrimoine historique, si nécessaire à conserver.

 

 

Pour mémoire

Le roseau pour préserver le cèdre !

 

Une station d’épuration très « verte » à Rimhala


Le Litani, un fleuve essentiel au potentiel négligé

 

Le projet de construction d’une pompe pour une station d’épuration des eaux sur le site archéologique de Jiyeh est, à n’en point douter, sidérant. Certes, mais il y a lieu surtout de se demander si cette installation aura des incidences sur le site archéologique. Nos appréhensions sont légitimes, quand bien même, il faut le préciser, il ne s’agit que de 100 m2 affectés au...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut