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À La Une - Syrie

Les Saoudiens redoutent l’influence croissante des chiites

À Riyad, on a le sentiment que livrer des armes et donner des conseils aux rebelles ne sont plus suffisants.

Dans la capitale saoudienne, l’inquiétude grandit quant aux chances de l’opposition syrienne de gagner la guerre civile depuis la prise ce mois-ci par les forces loyales à Bachar el-Assad du verrou stratégique de Qousseir.  Mohamed Azakir/Files/Reuters

En défendant les insurgés syriens, les Saoudiens, de plus en plus mécontents de la retenue observée par Washington dans le conflit, cherchent à empêcher que ce qui était le « croissant » chiite au Moyen-Orient ne devienne une « pleine lune ».
Cette crainte d’une influence accrue du chiisme avait déjà été exprimée en 2009 aux Américains par un ancien chef des services de renseignements saoudiens, le prince Moukrine, à propos de l’Iran, selon les révélations de WikiLeaks. Elle ressort aujourd’hui à propos du conflit syrien. Les forces de Bachar el-Assad soutenues par l’Iran avancent avec le soutien affiché du Hezbollah, face aux insurgés sunnites épaulés par l’Arabie saoudite.


À Riyad, on considère de plus en plus cette guerre comme l’avatar d’un affrontement géopolitique plus large avec l’Iran. Les mollahs chiites iraniens sont considérés par les princes sunnites saoudiens comme des activistes à visées expansionnistes et comme une menace, in fine, pour l’Arabie saoudite. « Si le gouvernement syrien gagne, cela prouvera aux autres pays arabes que l’Iran est capable de protéger ses alliés dans la région. Les alliances occidentales et les alliés occidentaux en seront ébranlés », estime Abdelaziz al-Sager, qui dirige le Centre d’études du Golfe à Djeddah.


Dans la capitale saoudienne, l’inquiétude grandit quant aux chances de l’opposition syrienne de gagner la guerre civile depuis la prise ce mois-ci par les forces loyales à Bachar el-Assad du verrou stratégique de Qousseir.
Dans ce contexte, l’Arabie saoudite a accru ses livraisons d’armes aux rebelles pour y ajouter des missiles portatifs sol-air, a-t-on appris en début de semaine. Le royaume wahhabite, a-t-on souligné, a entrepris de jouer un rôle plus actif dans le conflit syrien face à l’intensification des combats.

 

(Lire aussi : Les réseaux rebelles syriens de la France à l’heure de vérité)

Les USA appelés à s’investir
Mais, en haut lieu à Riyad, on a le sentiment que livrer des armes et donner des conseils aux rebelles ne sont plus suffisants, soulignent des diplomates en poste dans la région du Golfe. Désormais, les États-Unis doivent s’investir davantage, estiment les quatre hommes qui gèrent la politique syrienne du royaume, le roi Abdallah et trois de ses neveux, le ministre des Affaires étrangères, le prince Saoud al-Faïçal, le chef des services secrets, le prince Bandar ben Sultan, et le numéro deux du Conseil de sécurité nationale, le principe Salman ben Sultan. « Cela fait un moment qu’ils disent que la communauté internationale n’en fait pas assez en Syrie, mais ils pensaient que l’opposition pourrait gérer. Ils s’inquiètent vraiment de l’attitude de Washington », dit-on de source diplomatique.
Le pouvoir saoudien est tout à fait conscient de la difficulté de persuader Barack Obama d’intervenir alors que les rebelles syriens sont divisés et que certaines factions importantes se sont radicalisées sur le plan idéologique. « Il faut réduire le risque politique pour M. Obama. Cela veut dire repositionner l’opposition sur le terrain humanitaire, au lieu du terrain islamiste. C’est difficile », dit un diplomate. Tout en estimant que le gouvernement de Bachar el-Assad avait fait usage d’armes chimiques et n’était plus légitime, le président américain a dit lui-même hier à Berlin que les informations selon lesquelles les États-Unis étaient prêts à entrer en guerre en Syrie étaient « exagérées ».

« Les mâchoires de fer de l’Iran »
L’inquiétude est telle à Riyad que le roi Abdallah a écourté ses vacances d’été au Maroc pour rentrer vendredi, disant craindre « les répercussions d’événements dans la région ». Cela a d’ailleurs provoqué une forte baisse de la Bourse saoudienne.


L’inquiétude saoudienne se porte en particulier sur deux milices chiites étrangères présentes en Syrie : le Hezbollah et la Brigade Abou Fadl el-Abbas, venue d’Irak. Le prince Turki al-Faïçal, autre ex-chef des services secrets saoudiens, a estimé il y a quelques jours que cette dernière était comme des « mâchoires d’acier » de l’Iran. Dans le journal al-Hayat, l’influent commentateur saoudien Jamal Khachoggi écrit qu’après une victoire de Bachar el-Assad, l’Iran menacerait la sécurité de l’Arabie saoudite et que les jeunes sunnites en colère se tourneraient vers el-Qaëda, la nébuleuse de feu Oussama Ben Laden, autant hostile aux chiites qu’à l’Occident. « Un cauchemar, n’est-ce pas ? » écrit-il.


Tout en considérant les chiites comme des hérétiques, le wahhabisme officiel saoudien considère aussi les invectives confessionnelles comme dangereuses dans le sens où elles pourraient contribuer à mobiliser les chiites derrière M. Assad autant qu’à galvaniser la rébellion. Riyad craint une répétition de ce qui s’est passé en Irak et en Afghanistan, quand nombre de Saoudiens ont rejoint ce qu’ils estimaient être une guerre sainte avant de rentrer au pays et de prendre les armes contre les dirigeants saoudiens.
Quant à combattre hors du sol saoudien, l’Arabie saoudite y est réticente, tenant à être perçue aussi neutre que possible en tant que gardienne des lieux saints de l’islam. Elle a donc plus que jamais besoin de Washington. « La Russie reste engagée. L’Iran reste engagé. Les alliés occidentaux ne sont pas engagés au niveau que nous souhaiterions. Cela soulève une question importante. Assad peut gagner », estime Abdelaziz Sager.

 

 

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