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Un butin empoisonné

Que de tintamarre, empreint ici de jubilation et là d’anxiété, pour un épisode, aussi marquant soit-il, d’une guerre dont nul ne doute qu’elle sera encore bien longue. Mais aussi que de retours de flamme possibles pour les pâles vainqueurs du jour ...

Qousseir, tombée jeudi à l’aube aux mains du régime baassiste, constituait effectivement un précieux nœud de voies de ravitaillement, tant pour l’armée régulière que pour les rebelles. Mais cette petite ville du centre syrien, ce n’est tout de même pas la chute de Berlin ; et encore moins de Jérusalem, comme ont pu le faire croire les délirantes explosions de joie observées dans la banlieue sud de Beyrouth.

On ne saurait pas davantage ignorer l’effet psychologique et politique qu’aura probablement cet évènement, à quelques semaines de la conférence sur la Syrie appelée à se réunir à Genève : un Bachar el-Assad plus intraitable que jamais, une armée syrienne retrouvant le moral, même si elle le doit en grande partie à la très active collaboration (jamais ce mot n’aura été plus adéquat) du Hezbollah. Mais le Hezbollah, lui, que retire-t-il au juste de cette équipée syrienne clairement commandée par l’Iran et qui lui a coûté bien davantage, en réalité, que des dizaines de combattants tombés pour la plus suspecte des causes ?

Avant même que de pécher contre le Liban dont elle se réclame au même titre que de ses patrons de Téhéran, ce Liban qu’elle entraîne tout entier dans l’aventure, c’est à elle-même, telle qu’elle est, faut-il croire une fois pour toutes en dépit d’une intense propagande, que la milice fait en ce moment insulte. Révolu à jamais en effet, le temps où les Arabes, traumatisés par un long passé de cuisantes défaites militaires face à Israël, se ruaient en masse sur le mirage de la divine victoire de 2006 que revendiquait, du haut des ruines, Hassan Nasrallah. Car ce n’est plus seulement l’opprobre de la Ligue des États arabes que suscite l’intervention du Hezbollah en Syrie. Celle-ci est de plus en plus perçue en effet comme une collusion de nature non plus politique mais essentiellement, scandaleusement sectaire avec un régime alaouite usant des plus sanguinaires moyens pour écraser des insurgés sunnites dans leur majorité. En témoignent les anathèmes, d’une véhémence sans précédent, lancés par le grand mufti d’Arabie saoudite et l’influent prédicateur al-Qaradaoui.

Un monde arabo-musulman fracturé – pour longtemps encore – par la relance d’une querelle sunnito-chiite vieille de quatorze siècles... C’est une situation comblant ses espérances les plus folles que l’on est en train d’offrir à Israël sur un plateau d’argent copieusement maculé de sang. Et comme si ce n’était pas encore assez, c’est de la sécurité, de l’unité, de l’intégrité, de l’identité pluriculturelle de leur propre pays que se jouent les tristes paladins fourvoyés dans le bourbier syrien.

Que sert-il, en vérité, de gagner Qousseir, si...

Issa GORAIEB

igor@lorient-lejour.com

Que de tintamarre, empreint ici de jubilation et là d’anxiété, pour un épisode, aussi marquant soit-il, d’une guerre dont nul ne doute qu’elle sera encore bien longue. Mais aussi que de retours de flamme possibles pour les pâles vainqueurs du jour ...Qousseir, tombée jeudi à l’aube aux mains du régime baassiste, constituait effectivement un précieux nœud de voies de...