Quand on dit impasse politique au Liban, on pense aussitôt au président de la Chambre Nabih Berry. Son habileté, son pragmatisme, sa capacité à arrondir les angles et son imagination font que les différents responsables ont toujours recours à ses services pour qu’il trouve une solution à ce qui paraît insoluble.
C’est pourquoi, une fois de plus, tous les regards se sont tournés vers Aïn el-Tiné lorsque les débats pour l’adoption d’une nouvelle loi électorale ont été bloqués, les deux camps rivaux campant chacun sur ses positions. Mais Berry n’a pas dû cette fois trop se creuser la tête. Il a repris une idée déjà utilisée en proposant de louer un hôtel dans le secteur du Parlement pour permettre aux députés du 14 Mars, qui invoquent des raisons de sécurité pour expliquer leur refus d’assister aux réunions des commissions parlementaires, de se rendre place de l’Étoile. Berry espère ainsi pousser les députés du 14 Mars à suspendre leur boycott des activités du Parlement et surtout reprendre les débats sur l’adoption d’une nouvelle loi électorale.
Berry a dû d’ailleurs essuyer des critiques au sein de son propre camp lorsqu’il a proposé cette formule, certains faucons au sein du 8 Mars estimant que l’invocation des questions de sécurité est une bonne parade pour justifier le désir du 14 Mars d’organiser les élections de 2013 sur la base de la loi de 1960. Pour ces faucons, les députés du 14 Mars n’hésitent pas à tenir des conférences de presse au Parlement lorsque leurs intérêts l’exigent et ils ne craignent pas de se déplacer pour solliciter les ministres, quand ils ont des demandes précises à leur présenter. Mais lorsqu’il s’agit d’accomplir leur devoir de législation, ils invoquent les questions de sécurité. Celles-ci sont sans doute sérieuses et justifiées mais, toujours selon les faucons du 8 Mars, elles ne doivent pas être utilisées pour servir des intérêts politiques.
Pour Berry, il s’agit surtout de détruire tous les arguments qui justifient le boycott des séances parlementaires par les députés du 14 Mars, d’une part pour faire avancer les projets qui touchent aux intérêts des citoyens et d’autre part pour mettre le 14 Mars face à ses responsabilités au sujet de la loi électorale. Mais le temps presse et de moins en moins de parties libanaises croient à la possibilité d’adopter une nouvelle loi électorale dans les délais prévus. Si l’on en croit le ministre de l’Intérieur, Marwan Charbel, à partir de la mi-janvier 2013, il ne pourra plus organiser des élections législatives sur la base d’une nouvelle loi. Ce qui réduit sérieusement les possibilités. Soit un miracle a lieu dans les dix prochains jours et les les commissions parlementaires se mettent d’accord sur un nouveau projet qui sera rapidement adopté par le Parlement réuni en séance plénière, soit les députés s’entendent pour apporter quelques amendements à la loi de 1960, soit, enfin, ils ne s’entendent sur rien et les élections sont organisées sur la base de la loi actuelle.
Le 8 Mars évoque un quatrième scénario dont l’idée commence à faire son chemin, c’est celui du report des élections le temps nécessaire à l’adoption d’une nouvelle loi. Il justifie cette possibilité par son refus d’appliquer le plan du 14 Mars qui prévoit de créer un fait accompli avec l’obligation d’organiser les élections à la date prévue par la loi actuelle. Et lorsqu’on lui répond que le fait de pousser au report des élections est actuellement une lourde responsabilité, surtout à cette période où, avec le vent de démocratisation, la plupart des pays arabes procèdent à des élections, le 8 Mars précise que ce sont ceux qui refusent de remplir leur mission de législation et de discuter d’une nouvelle loi électorale qui portent la responsabilité du report. On ne peut pas paralyser les institutions et ensuite prétexter la nécessité de respecter les échéances démocratiques pour exiger la tenue des élections à la date prévue.
Selon ses sources, le 8 Mars craint en effet que l’on veuille lui imposer des élections selon la loi actuelle qui, soit donnent une courte majorité au camp du 14 Mars, soit partagent le Parlement en deux camps en donnant à un bloc centriste formé des députés de Walid Joumblatt, du président de la République et du Premier ministre Nagib Mikati un rôle déterminant. Les mêmes sources affirment que l’idée de créer un bloc centriste aurait l’aval de la communauté internationale qui, par ce biais, aurait une influence certaine sur le cours des décisions au Liban et cesserait ainsi d’être totalement dépendante du 14 Mars. L’expérience des derniers mois avec le président Michel Sleiman et le Premier ministre Nagib Mikati aurait été concluante à ses yeux. Certains pensent d’ailleurs que le président de la Chambre pourrait faire partie de ce bloc qui deviendrait le plus efficace au Parlement, faisant et défaisant la majorité, selon le vote de ses membres. Mais les proches du Hezbollah démentent ces rumeurs, précisant que Nabih Berry est, pour les questions vitales, dans le camp de la résistance.
Les positions qui pourraient paraître contradictoires ne seraient, en fait, qu’une distribution des rôles, l’objectif étant le même : protéger le Liban et la résistance tout en préservant le tissu social dans sa diversité. Dans ce contexte, l’idée d’un bloc centriste déterminant au Parlement ne dérange pas forcément le Hezbollah qui voit en Nabih Berry une garantie, non une menace.
Lire aussi :
Les Libanais condamnés à s’entendre, le commentaire d'Emile Khoury
Une vague solution à la libanaise émerge du brouillard syrien, l'analyse de Philippe Abi-Akl
C’est pourquoi, une fois de plus, tous les regards se sont...
commentaires (8)
Ouiii c'est c'la, tout droit vers le VIDE sidéral et l’Abysse !
Antoine-Serge KARAMAOUN
08 h 29, le 22 décembre 2012