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À La Une - L'Orient Littéraire

Femme, sans dieux ni maîtres

Il n'y aura pas de justice ni de dignité dans le monde arabe tant que la femme subira les diktats du mâle dans les champs du sexe, de la religion et du pouvoir. Triviale évidence et cheval de bataille de Joumana Haddad, femme arabe et libérée.

Superman is an Arab de Joumana Haddad, The Westbourn Press.

Son récent ouvrage Superman est un Arabe – rédigé en grande partie dans des aérogares ! –, et qui n’est pas un manifeste mais un cri du cœur, œuvre pour le développement de nos sociétés tant cette auteure à l’immense courage et à l’authenticité nue y concentre d’appoint et de férocité contre le sexisme, le machisme, le patriarcat et la domination des religions sur les esprits et y déjoue la « sainte trinité » du sexe, de la religion et du pouvoir.

 

Ce livre fort se situe dans la lignée de la troisième vague du féminisme (Elle Green, Naomi Wolf, Élisabeth Badinter) qui se détourne semble-t-il de l’éternelle lutte dialectique des deux sexes, « de la représentation uniforme de la femme comme impotente victime et de l’homme comme tyran sans pitié », au profit d’une égalité sans identification ni indifférenciation des sexes. Le lecteur averti n’y verra certes que peu d’idées nouvelles, mais il sera subjugué par le fait qu’elle mâche si peu ses mots, ne tournant jamais sept fois sa langue avant de les distiller, crus.

Courage de déclarer publiquement son athéisme. Dans un texte coup de gueule, elle dresse la liste/litanie de toutes les raisons pour lesquelles elle ne « croit pas en Dieu », prenant le risque de faire trembler la terre culturelle du Moyen-Orient dominée par les trois monothéismes. Et cette prière de grâce cruelle et mordante où elle énumère toutes les catastrophes naturelles et humaines dont le réalisme faussement naïf ne trompe personne : « Merci mon Dieu pour les bébés mourant de faim en Afrique, pour les bébés mourant de haine en Palestine… »

 

Pour Joumana Haddad, « l’amour requiert un champ

de bataille et non une salle d’opération stérilisée. »

© Hayat Karanouh

 

 

Courage de poser à ce propos la question essentielle : peut-on en tant que juifs, musulmans et chrétiens, dépasser le patriarcat de l’intérieur de nos religions ? Ces dernières n’oppressent-elles pas la femme avec la même misogynie ?

 

Courage de raconter sa vie intime, de témoigner publiquement de sa sexualité, son érotisme, ses amours clandestines ; courage d’avouer l’échec de son mariage : « Lui et moi, on ne s’est pas accordés sexuellement. »

 

Tous ces aveux la font paradoxalement ressembler par mimétisme à ce voisin exhibitionniste dont elle était, enfant, la régulière victime. Blasphématoires ou scandaleux, ils n’en demeurent pas d’un courage rarement égalé, faisant de sa propre vie le plus haut poème, de sa propre expérience une voie de libération de la femme – et de l’homme – arabes.

La construction originale de l’ouvrage en autorise une lecture libre, un parcours non linéaire et libertaire. Les thèmes se succèdent (ceux des désastreuses inventions telles que celles du mariage, de la guerre des sexes, du péché originel ou de la vieillesse !) avec pour chacun, trois différents modes qui proposent trois tons et trois rythmes concourants, un éventail d’approches qui se suivent régulièrement : celui du poème, de la déclamation et du récit.

 

Le poème Recette pour une insatiable qui illustre le thème de « La désastreuse invention de la chasteté » est un chef-d’œuvre d’amour cannibale, où l’on épluche, suce, mâche, mord, boit, ouvre la poitrine, arrache des côtes, coupe des veines et enfin dévore l’amant. Le corps est ainsi le lieu absolu du désir que la femme célèbre mais également anéantit par son infini appétit.

 

La déclamation est souvent constituée de répétions obsédantes que l’on aimerait scander. Elle donne lieu parfois à un genre inattendu et hilarant, un mode d’emploi sur ton aussi extravagant que juste, une lettre adressée aux hommes pour leur livrer vingt-neuf bons conseils d’utilisation de leur pénis dont je cite l’un au hasard : « L’amour requiert un champ de bataille et non une salle d’opération stérilisée. »

 

Quant au récit, il grouille de souvenirs et d’évocations, mais aussi de témoignages dans un large spectre qui va de l’enfant Joumana lisant sous les draps bouquin sur bouquin, avalant le marquis de Sade une torche à la main comme dans une image d’Épinal, aux témoignages de femmes sur toute l’étendue du monde arabe, du Machrek au Maghreb, de l’Irak jusqu’au Maroc en passant par la Syrie, l’Égypte et la Palestine, l’Arabie saoudite, le Yémen, la Tunisie et l’Algérie. Leurs belles voix dans ma tête : « J’ai appris l’anglais pour pouvoir prononcer le mot sexe sans baisser les yeux », affirme Buthayna L., chimiste koweïtienne. « Je fus molestée par ce même oncle qui assistait chaque dimanche à la messe », avoue Nada K., vendeuse libanaise. « Je me sens quasiment menacé. De longues barbes partout. Le nombre de femmes voilées augmentant de manière exponentielle », s’inquiète l’homme d’affaires sunnite libanais, Samir H.

 

L’auteure de J’ai tué Shéhérazade compte désormais parmi les grandes qui, en complémentarité d’une Laure Moghayzel qui a fait abroger de la législation libanaise des lois iniques contre les femmes et mené des luttes revendicatives, contribue, elle, à changer les mentalités.

 

 

Pour lire L'Orient-Littéraire dans son intégralité, cliquez ici

Son récent ouvrage Superman est un Arabe – rédigé en grande partie dans des aérogares ! –, et qui n’est pas un manifeste mais un cri du cœur, œuvre pour le développement de nos sociétés tant cette auteure à l’immense courage et à l’authenticité nue y concentre d’appoint et de férocité contre le sexisme, le machisme, le patriarcat et la domination des religions sur les...

commentaires (1)

Si par hasard....dieu n' existait pas...je pense que les êtres humains des deux sexes souhaiteraient avoir le droit et le choix ...de choisir ...! leurs dieux parmis les milliers créés depuis au moins 5000 ans ...!

M.V.

09 h 53, le 14 octobre 2012

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Commentaires (1)

  • Si par hasard....dieu n' existait pas...je pense que les êtres humains des deux sexes souhaiteraient avoir le droit et le choix ...de choisir ...! leurs dieux parmis les milliers créés depuis au moins 5000 ans ...!

    M.V.

    09 h 53, le 14 octobre 2012

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