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Moyen Orient et Monde - Sommet du climat

Le pays hôte de la COP22 entre de plain-pied dans la transition énergétique

C'est la deuxième fois que le Maroc accueille une conférence de l'Onu sur le climat (seul autre pays arabe à part le Qatar). Pour le coup, c'est aujourd'hui l'un des pays du monde qui se lance le plus dans les énergies renouvelables. Le point avec un écologiste marocain.

Abderrahim Ksiri, coordinateur de l’Alliance marocaine pour le climat et le développement durable (AMCDD). Photo Suzanne Baaklini

La COP22 qui a lieu actuellement à Marrakech – et qui sera clôturée aujourd'hui à moins d'une prolongation – est la seconde qu'accueille le Maroc, la première étant en 2001. Entre ces deux dates, ce pays du Maghreb a beaucoup évolué et semble, à première vue, être l'un des pays arabes et africains les plus progressistes en matière de lutte contre le changement climatique. Qui de mieux qu'un militant écologiste local, Abderrahim Ksiri, coordinateur de l'Alliance marocaine pour le climat et le développement durable (AMCDD), pour faire le point sur les vulnérabilités de ce pays en matière de climat, le bilan de sa transition énergétique, l'évolution de sa société civile et dresser un premier bilan de cette COP et des positions des pays arabes dans les négociations.

« De par sa situation géographique, le Maroc est l'un des pays les plus affectés par le changement climatique, rappelle d'emblée M. Ksiri, rencontré en marge de la COP22. Pour deux raisons principales : d'une part le pays se trouve au nord d'un grand désert d'Afrique, un désert qui couvre 65 % de sa superficie. En tout, plus de 90 % de ce pays est aride et semi-aride. De plus, son climat méditerranéen, connu pour sa grande biodiversité, reste fragile. Ces dernières années, nous constatons la disparition de certaines saisons, comme l'automne : le cycle des plantes est perturbé, d'où un problème qui doit être réglé par un renforcement des capacités et une formation à l'adaptation des agriculteurs. »

« En matière d'adaptation aux changements climatiques, le Maroc, qui n'est pas producteur de pétrole, à l'instar du Liban, par exemple, a décidé d'entreprendre une transition énergétique majeure, explique l'écologiste. Actuellement, l'importation de pétrole absorbe quelque 97 % du budget de l'énergie. Il a donc développé une stratégie énergétique particulièrement reconnue à l'échelle mondiale. »

 

(Lire aussi : À Marrakech, Kerry se veut rassurant et table sur les marchés)

 

Énergies renouvelables
Le Maroc a commencé par s'engager à produire 42 % de son énergie à partir de sources renouvelables, mais il a augmenté ce chiffre à 52 % lors du Sommet de Paris en 2015. « Le pays a immédiatement mis en œuvre cette stratégie, poursuit-il. Le projet éolien a pris tellement d'ampleur que, désormais, il existe une production marocaine à ce niveau. Et le coût de l'électricité ainsi produite est tombé très bas, à 30 centimes, devenant ainsi compétitif par rapport au pétrole. »

Toutefois, ce sont les ambitions marocaines en matière d'énergie solaire qui retiennent l'attention. « Nous avons la plus grande station solaire au monde à Ouarzazate I, et nous lançons Ouarzazate II, III et IV à l'horizon 2020, dit-il. Ces stations vont éclairer plus de la moitié de la population, soit quelque 15 millions de personnes, étant donné que toute cette énergie est injectée dans un seul circuit, le réseau national. »

Le projet a quand même fait l'objet de critiques, certains dénonçant son coût exorbitant par rapport aux revenus du Maroc... « L'investissement dans le pétrole est bien trop considérable, estime M. Ksiri. Ce projet représente, à mon sens, un investissement qui sera amorti rapidement. Par rapport au pétrole, on ne peut pas arrêter d'en importer pour autant. Mais d'un point de vue stratégique, ce projet, malgré son coût, permettra de profiter de bien plus d'électricité gratuite ultérieurement. »

M. Ksiri souligne que la société civile a été capable d'accompagner ce mouvement. « Depuis deux ans, nous avons créé l'AMCDD, dit-il. Ce groupe rassemble actuellement plus de 800 ONG et est présent dans les réseaux régionaux et internationaux. » Un développement jugé « très positif » par le militant, qui estime que les organisations de la société civile deviennent, pour la première fois, des interlocuteurs. L'alliance a même organisé des « pré-COP » dans les différentes villes du Maroc, en vue de préparer les acteurs de la société civile à la COP22, organisant des événements comme la marche qui a rassemblé 6 000 personnes dimanche dernier à Marrakech.

 

(Lire aussi : « Si Trump veut se retirer de l'Accord de Paris, il le peut, mais il devra en assumer les conséquences »)

 

Des sujets « orphelins »
Cette COP22, justement, comment l'évalue-t-il ? Le militant la trouve satisfaisante du point de vue de l'organisation et de la mobilisation, marquant le fait qu'un sommet africain a été organisé dans ce cadre. « La question du financement est en bonne voie, la feuille de route pour atteindre les 100 milliards de dollars par an pour l'aide aux pays devant faire face aux changements climatiques, dès 2020, est prête apparemment », souligne-t-il.

M. Ksiri déplore cependant des « blocages sur des sujets qu'on appelle orphelins, tels l'éducation au changement climatique, la question des réfugiés climatiques, le rôle de la société civile dans le suivi et la transparence... » Selon lui, la déclaration qui sera faite aujourd'hui à Marrakech reflétera les quelques avancées réalisées, ainsi que le statu quo sur le reste des questions, notamment le débat sur l'adaptation et l'atténuation (efforts pour faire baisser les émanations des gaz à effet de serre).

Le Maroc, comme le Liban, fait partie du groupe des pays arabes dans les négociations climatiques... un groupe hétéroclite s'il en est. « Le chef de file de ce groupe est l'Arabie saoudite, et il est normal qu'elle défende les intérêts des pays producteurs de pétrole, affirme M. Ksiri. Le Maroc et le Liban ont des positions différentes par rapport à certaines questions. Nous sommes d'ailleurs plus proches des positions africaines. »

Le groupe arabe devrait-il être plus progressiste en matière de climat, et peut-il l'être? « Je trouve qu'il y a déjà eu une évolution, dit-il. Auparavant, ce n'était un secret pour personne que ce groupe était surtout là pour bloquer les négociations. Actuellement, ces pays ont quand même des propositions, mais plus pour bénéficier de fonds que pour appuyer des pays qui en ont besoin, s'estimant lésés par les nouvelles tendances mondiales. »

 

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