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Culture - Ce soir, à Beiteddine

Le pouvoir incantatoire du violon de Sergey Khachatryan

Pour la quatrième soirée du trentième Festival de Beiteddine, un monde sonore envoûtant venu du pays de Sayat Nova et de Gomidas. Sur scène, 140 musiciens et choristes pour l'Orchestre philharmonique national d'Arménie sous la férule de maestro Édouard Topchjian, ainsi que le Chœur national de chambre d'Arménie et le Chœur de chambre Hover*. En soliste, le brillantissime violoniste de trente ans Sergey Khachatryan. Rencontre et propos pour un avant-moment somptueux musical.

Une foule de musiciens fraîchement arrivés de l'aéroport grouille dans le hall de l'hôtel face à Zaytounay Bay. Joyeux branle-bas avec les membres du comité du Festival de Beiteddine qui s'activent énergiquement, entre café et boissons rafraîchissantes. Premier objectif dans ce festif brouhaha, se frayer un chemin pour choper une entrevue.


Les cheveux noirs presque annelés, filiforme dans une silhouette très « paganinienne » avec des yeux en amande couleur noisette, le virtuose Sergey Kachatryan, jeans, chemisette et mocassins noirs, barbe de quelques jours, sourire qui a encore beaucoup de l'enfance, allure juvénile très cool, voix douce et bien posée, est d'une désarmante simplicité. Presque timide, d'une humilité confondante et d'une gentillesse extrême.
Discussion en langue arménienne (quoique l'artiste est parfaitement polyglotte et possède aussi bien l'allemand que l'anglais et le russe, et a des rudiments de français) pour entrer dans le vif du sujet du concert qui sera donné ce samedi soir dans la grande cour extérieure du Palais des eaux du Chouf. Lusine, sa sœur pianiste qui fait duo avec lui pour une harmonie qui vient du cœur, ne l'accompagne pas.
Pour son troisième séjour au Liban (en 2006 il était au Bustan, et un peu plus tard, il a donné la réplique à l'Orchestre philharmonique libanais à l'église Saint-Joseph), il avoue ne pas bien connaître le pays du Cèdre, faute de temps à chaque visite. Mais il promet de bien se rattraper cette fois. Tout en soulignant que ses séjours antérieurs lui ont laissé des souvenirs marquants.


Compagnon indéfectible du violon depuis l'âge de 9 ans – où, sous les ovations, il fusionnait à Wiesbaden avec un des orchestres les plus prestigieux de l'Europe –, le voilà aujourd'hui en face à face avec les mélomanes libanais. Dans un programme alliant couleurs arméniennes (des pages de Aram Khatchadourian), bravoure de la boîte magique de l'errance et des joies improvisées, ainsi que de la saisissante beauté d'un deuil monumental où résonne en ondes puissantes et célestes le Requiem de Mozart.
Pour son morceau en soliste, le choix est tombé sur le Concerto op 77 de Brahms. Un morceau périlleux que certains esprits (dont Wieniawsky) ont jugé, tant ses difficultés techniques sont grandes (cordes cassées, arrêts inattendus, célérité infernale, variations de rythmes, cadences de vent), comme un morceau écrit contre le violon et non pour lui... Sans se démonter, commentaire du jeune interprète : « Un des quatre concertos les plus beaux avec ceux de Beethoven, Max Bruch et Mendelssohn. Ici, malgré tout le déferlement romantique, il y a sans nul doute une manière symphonique où le violon s'incorpore à l'ensemble sans être à l'écart de la houle des cordes... »


Quelle est sa réaction face aux tonnes de coupures de presse qui se sont déversées sur lui pour ses prestations de plus en plus appréciées et couvertes à chaque fois d'éloges ? Avec un sourire désarmant, il rétorque : « Hélas, je ne lis pas la presse ! »
Un compositeur précis a-t-il ses préférences, ses faveurs ? « J'aime toujours ce que je joue, dit-il. Et aussi je joue ce que j'aime ! Mais je dois avouer que Beethoven et Chostakovitch viennent en tête des mélodies et accords qui me hantent. Pourtant, je dois préciser que Bach a toujours une place particulière dans mon cœur, sous mes doigts, et dans le chant ou la mélancolie de mes cordes... »
Un concerto célèbre dont le troisième mouvement a inspiré le Dont Cry for Me Argentina d'Evita et, plus proche de nous, pour les jeunes du hip hop, on désigne que l'ouverture du premier mouvement est à l'origine de la chanson Karma d'Alicia Keys. Mais tout cela n'est que balivernes à côté de ce que les cordes du violon de Khachatryan vont faire vivre cette nuit aux portes, sous les arcades et boiseries d'un palais déjà tout ouïe pour un moment qui promet d'être d'anthologie musicale violonistique.


Dernières petites questions indiscrètes. « Être heureux, c'est quoi ? Comment vous sentez-vous pour cette première dans ce cadre princier ? »
Une fois de plus, sourire angélique, avec cette réponse brève mais claire comme du cristal : « Le bonheur, c'est être bien avec ses propres sentiments. Je suis (le) meilleur quand je joue du violon... »

*Un évènement placé sous l'ombrelle du centenaire du génocide arménien et rendu possible grâce au concours de l'Agbu (Union générale arménienne de bienfaisance).

Une foule de musiciens fraîchement arrivés de l'aéroport grouille dans le hall de l'hôtel face à Zaytounay Bay. Joyeux branle-bas avec les membres du comité du Festival de Beiteddine qui s'activent énergiquement, entre café et boissons rafraîchissantes. Premier objectif dans ce festif brouhaha, se frayer un chemin pour choper une entrevue.
Les cheveux noirs presque annelés, filiforme...

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