En visite la semaine dernière en France, son premier déplacement à l'étranger depuis son élection en mars, Mgr Béchara Raï a défendu le président syrien Bachar al-Assad, pourtant longtemps la bête noire des maronites libanais.
"J'aurais aimé qu'on donne plus de chances à M. Assad pour faire les réformes politiques qu'il a commencées", a-t-il déclaré. Le président syrien "est ouvert. Il a étudié en Europe. Il est formé à la manière occidentale. Mais il ne peut pas faire des miracles, lui, le pauvre".
"Nous, nous avons enduré le régime syrien. Je n'oublie pas (...). Nous ne sommes pas avec le régime, mais nous craignons la transition. Nous devons défendre la communauté chrétienne. Nous aussi, nous devons résister", a-t-il insisté.
Le patriarche a ensuite clarifié ses propos dans la presse libanaise, expliquant qu'il redoutait que la chute de "régimes décrits comme dictatoriaux (...) ne conduise à la guerre civile, dont les chrétiens pourraient être les principales victimes".
Les chrétiens libanais, qui jouissaient autrefois d'une influence politique exceptionnelle par rapport à leurs coreligionnaires dans la région, sont désormais divisés face au mouvement de contestation contre le régime syrien, dont la répression a fait plus de 2.600 morts selon l'ONU depuis la mi-mars.
Ceux des maronites qui se sont alliés avec le puissant parti chiite Hezbollah soutenu par Damas et Téhéran appuient M. Assad et accusent des sunnites radicaux d'alimenter les troubles.
Beaucoup redoutent en effet qu'une éventuelle chute du régime de M. Assad ne laisse le champ libre à une montée en puissance de fondamentalistes, en particulier les Frères musulmans, un mouvement interdit et réprimé depuis des décennies par les autorités de Damas.
Les minorités chrétiennes en Syrie (750.000 chrétiens, soit 4,1% de la population) vivent en bonne intelligence avec la minorité alaouite au pouvoir, tandis que l'immense majorité des 18 millions de Syriens sont sunnites.
Mais d'autres chrétiens libanais, proches du clan pro-occidental de l'ancien Premier ministre Saad Hariri, ont apporté leur soutien aux manifestants qui bravent le régime syrien.
"C'était une grave erreur pour le patriarche d'aller en France, qui soutient les maronites depuis des siècles, pour dire qu'il faut protéger le régime Assad alors que ce régime est en train de s'effondrer", a déclaré le commentateur politique Elias al-Zoghbi.
Pour d'autres, les déclarations de Mgr Raï montrent surtout sa préoccupation pour la survie de sa communauté en déclin.
"Le patriarche n'est pas fou du régime de Bachar al-Assad, et il n'est pas non plus aveugle devant les atrocités dont le Liban a souffert du fait des 30 ans de présence militaire syrienne au Liban", a assuré l'analyste Jean Aziz.
"Il ne défend pas le régime mais il craint que les troubles en Syrie ne conduisent à la guerre civile, qui pourrait voir les chrétiens de Syrie ou du Liban subir le même sort que ceux d'Irak", a-t-il ajouté.
"Les chrétiens de Syrie ne sont pas menacés. Ils vivent depuis longtemps aux côtés des musulmans. C'est juste un nouvel instrument de peur créé par le régime Assad", a répliqué Ahed al-Hindi, un militant syrien basé à Washington et lui-même chrétien, lors d'une réunion d'opposants syriens en Turquie.
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