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Moyen Orient et Monde - Vient de paraître

« Amérak », voyage dans un univers absurde

La guerre d'Irak, depuis son lancement, nous a été servie sur tous les tons. Version cinémascope sur certaines chaînes de télévision américaines, tendance militante sur certaines chaînes arabes, mode explication de texte par une armée d'analystes. Avec Amérak, Adrien Jaulmes, grand reporter au Figaro, lauréat des prestigieux prix Albert Londres et de Bayeux, aborde la guerre d'Irak par sa face « absurde », la plus proche de la réalité sans aucun doute.
D'entrée de jeu, Jaulmes plante le décor et donne le ton. « L'Irak est une guerre dépourvue du moindre glamour. (...) Depuis le début, ce fut une affaire sordide. Le pays est ingrat. Il n'a ni l'exotisme du Vietnam, ni le charme méditerranéen du Liban, ni le romantisme des Balkans ou la beauté de l'Afghanistan. »
Avec ce conflit « postmoderne par excellence », cette guerre qui n'a « ni front, ni arrière, ni même la plupart du temps de combats », cette guerre « dangereuse, ennuyeuse et invisible », est né l'Amérak, un monde en soi, un archipel de territoires, une zone verte et des bases militaires américaines bunkérisées dans un Irak perçu comme « une planète hostile, incompréhensible et inhospitalière ». L'histoire de l'Amérak est « celle de la non-rencontre entre l'Amérique et l'Irak ».
Pour aborder ce monde, Adrien Jaulmes s'est armé de deux livres, Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll et le US Army/Marine Corps Counterinsurgency Field Manual du général David H. Petraeus.
Pourquoi le premier ? Pour cette citation, entre autres :
« - Nous sommes tous fous ici. Je suis fou. Tu es folle.
Comment savez-vous que je suis folle ?
Tu dois l'être, sinon tu ne serais pas ici. »
Pourquoi le second ? Pour ses perles, parmi lesquelles :
« Choisissez vos termes avec soin. Les mots sont importants, ils ont une signification précise et décrivent une politique... Évitez de désigner le théâtre d'opérations comme un champ de bataille, ou il pourrait bien continuer à en être un. »
En Amérak, les « boys » et quelques « girls » américains luttent contre la mort, mais plus souvent contre l'ennui. En Amérak, les « stars and stripes » sont en libre-service, les malls vendent des aspirateurs, des tampons hygiéniques, du Gatorade et du beurre de cacahuète en version crémeuse ou croquante. Dans les cantines de l'Amérak, les soldats, assis du même côté de la table pour regarder la télévision, engloutissent des hot-dogs, des T-bones et des tacos servis par des employés indiens ou pakistanais et boivent un café organique d'une marque ayant pour slogan « La guerre est toujours cruelle, mais maintenant on peut la faire avec un bon café ».
L'Amérak est un monde hermétique dont les habitants, qui souvent n'ont pas l'âge d'entrer dans un bar aux États-Unis, n'ont « jamais vraiment mis les pieds en Irak ». L'Irak, il se trouve de l'autre côté des murs de béton qui tentent de tenir la réalité à distance. Une réalité que les Amérakiens n'abordent qu'en véhicules blindés, « fugitivement », lors de patrouilles.
Amérak n'est pas un autre livre sur l'Irak écrit par un reporter de guerre. Amérak est une petite perle littéraire, un concentré de lucidité écrit par un journaliste à l'œil acerbe, à la plume cynique et élégante, et à l'humour légèrement british. Amérak est une réjouissance aux accents noirs et désespérés.

Amérak, Adrien Jaulmes, éditions des Équateurs.
La guerre d'Irak, depuis son lancement, nous a été servie sur tous les tons. Version cinémascope sur certaines chaînes de télévision américaines, tendance militante sur certaines chaînes arabes, mode explication de texte par une armée d'analystes. Avec Amérak, Adrien Jaulmes, grand reporter au Figaro, lauréat...

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