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Moyen Orient et Monde - Reportage

Les troupes US partent, mais laissent un goût de l’Amérique

Au Chahbandar, le bistrot des intellectuels de Bagdad, Jaafar Bairga ironise sur la schizophrénie de ses concitoyens qui proclament leur haine des Américains et rêvent d'aller habiter aux États-Unis. « Nous avons vraiment un comportement ambivalent : nous manifestons notre joie lorsqu'un soldat américain est tué et nous rêvons d'aller vivre aux États-Unis car nous sommes fascinés par leur mode de vie », affirme ce futur diplomate de 25 ans.
Avec l'invasion de l'Irak voici six ans, les États-Unis ont suscité un large mouvement insurrectionnel contre leur présence, mais sont paradoxalement parvenus à propager « l'American Way of Life » grâce aux chaînes satellitaires et à l'Internet dont les habitants étaient privés à l'époque de Saddam Hussein.
« Le style a changé, on se maquille plus légèrement, la coiffure est plus souple, les vêtements plus décontractés et même la manière de marcher est différente », constate Shaima Ali, 20 ans, étudiante en première année d'arabe à l'Université de Bagdad. Vêtue d'une jupe en jean et d'un body turquoise, elle s'enthousiasme, avec sa copine Marwa, 21 ans, pour les films et les feuilletons américains sous-titrés en arabe. Elles citent les séries culte de la télévision américaine Seinfeld et Friends, la très populaire émission musicale American Idol, le célèbre talk-show d'Ophrah Winfrey ou les émissions de psychologie ou de médecine comme Dr Phil ou The Doctor Show. « Les films arabes sont ennuyeux alors que les films américains sont palpitants. Il y a une atmosphère de liberté. C'est vraiment un pays où je voudrais vivre », confie Shams Haytham, étudiante en biologie de 20 ans. Dans le quartier commerçant de Karrada, Bachar Adnane, 29 ans, confirme l'engouement des Irakiens pour les films américains. « Nous vendons chaque mois 650 DVD américains, contre 200 arabes et 50 européens. Nous avons ceux du "top ten" en même temps que les États-Unis », explique-t-il.
En revanche, la musique irakienne tient son rang. Le propriétaire de Music Shop est catégorique. « Ici, la vedette absolue, c'est Hossam al-Rassam », un chanteur qui évoque les morts, la destruction ou la fraternité perdue et retrouvée entre chiites et sunnites. « Seuls les très jeunes achètent du rap. Nous vendons trois fois plus de CD de musique irakienne », assure Dhia Nimnim.
L'influence américaine est aussi visible dans les tenues vestimentaires. La patronne de la boutique Khawla Fashion reconnaît volontiers que ce sont les séries télévisées américaines ou turques qui dictent la demande et que « les femmes achètent des pantalons identiques à ceux portés par les héroïnes de feuilleton ». En revanche, les soldats américains ne sont pas une inspiration. « Depuis six ans, nous ne les avons vus qu'en uniforme. Ce n'est pas eux qui donnent le ton sauf si on aime les treillis », souligne Oum Nour, 40 ans, marchande de jeans.
Même à Sadr City, ancien bastion de la milice chiite de Moqtada Sadr, les pantacourts ont leurs adeptes. « La première fois que j'en ai porté, un ami de l'Armée du mahdi m'a sermonné pour mon indécence ; six mois plus tard, il avait le même ! » assure Ali, un photographe de 30 ans. « Ils viennent se faire une Spiky (coiffure à l'iroquoise) ou une Spiral (bouclée), des coupes qu'ils ont vues dans des magazines », explique Hussein, un coiffeur de 22 ans surnommé par ses clients Obama Hussein en raison de sa ressemblance avec le président américain.
Au moment où l'armée américaine s'apprête à quitter sa ville, le peintre Qassem Sabti, patron de la galerie Hiwar, porte un jugement mitigé sur le passé. « Ils ont apporté la destruction et la mort. Mais ces éléments négatifs se sont révélés positifs : notre peinture est devenue plus grave, plus mûre et meilleure que sous Saddam Hussein », estime-t-il.

Sammy KETZ (AFP)

Au Chahbandar, le bistrot des intellectuels de Bagdad, Jaafar Bairga ironise sur la schizophrénie de ses concitoyens qui proclament leur haine des Américains et rêvent d'aller habiter aux États-Unis. « Nous avons vraiment un comportement ambivalent : nous manifestons notre joie lorsqu'un soldat américain est tué et nous...

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