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Actualités - OPINION

Éclairage La France adopte Sleiman comme interlocuteur privilégié ? Scarlett HADDAD

Ce ne sont ni les accords conclus avec le gouvernement, ni la présence de 50 hommes d’affaires français pour sonder les investissements possibles, ni encore la nouvelle aide financière qui pourrait être accordée au Liban qui ont marqué la récente visite du Premier ministre français à Beyrouth. Selon des personnalités libanaises qui ont suivi la visite et qui ont assisté au déjeuner de vendredi avec toute la délégation, François Fillon a transmis un message clair à ses interlocuteurs libanais selon lequel la France considère désormais le président Michel Sleiman comme son principal partenaire au Liban. Cette attitude, qui pourrait paraître naturelle, le chef de l’État étant généralement le symbole du pays, constitue en réalité un changement avec celle qui était adoptée au cours des dernières années. À cette époque-là, pour des raisons que nul n’ignore, le président de la République française boycottait le président libanais et avait même appelé l’Union européenne à suivre son exemple. Tous les contacts officiels entre la France et le Liban passaient alors par le Premier ministre Fouad Siniora et par le chef du Courant du futur Saad Hariri. Aujourd’hui, cette situation a changé, soulignent les personnalités susmentionnées. D’une part, le Parlement libanais a élu un nouveau président qualifié de « consensuel », sans oublier la conclusion de l’accord de Doha que la France a vivement appuyé. D’autre part, la politique française a elle aussi changé. Tout en restant engagé envers l’indépendance et la souveraineté du Liban, le président Nicolas Sarkozy a entamé une nouvelle démarche, différente de celle de son prédécesseur. Selon les mêmes personnalités libanaises, la France d’aujourd’hui a une approche qui ne ressemble pas à celle de Chirac. Nicolas Sarkozy place en tête de ses priorités la sécurité de la France et celle de l’Europe ainsi que la lutte contre le terrorisme. Il pense, toujours selon les personnalités libanaises qui en ont parlé avec la délégation française, que la Syrie a un rôle important à jouer dans ce domaine. D’autant que, selon les informations recueillies, le groupe Fateh el-Islam s’est développé dans toute la région, autrement dit dans le triangle Irak-Syrie-Liban, et il est pratiquement aux portes de l’Europe. Quelle que soit l’identité de ses commanditaires initiaux, la France est convaincue que ce groupe doit être combattu et sa faculté de nuisance détruite. Au cours du sommet quadripartite qui s’était tenu à Damas au début de septembre et qui a réuni la Syrie, la France, le Qatar et la Turquie, Assad avait exprimé ses craintes face à la puissance grandissante de ce groupe terroriste et avait annoncé sa détermination à agir si personne d’autre ne décidait de le faire. Depuis, le Liban officiel a renoué le contact avec les autorités syriennes et celles-ci ont fait preuve de bonne volonté en annonçant l’établissement de relations diplomatiques avec le Liban. Mais plus important encore, une coordination sécuritaire a été établie entre les deux parties, qui se traduit d’ailleurs par de nombreuses arrestations par les services de sécurité libanais (armée et FSI) de membres de Fateh el-Islam. D’une part, le président français encourage cette coopération, et, d’autre part, il estime que jusqu’à présent la Syrie a donné des signes de bonne volonté dans plusieurs directions. Selon les mêmes sources, Sarkozy aurait demandé avec insistance à son interlocuteur syrien, au cours de ce même sommet, de passer avec Israël des négociations indirectes, via la Turquie, aux négociations directes, plus « sérieuses ». Le président Assad aurait favorablement accueilli cette demande, tout en posant comme condition d’attendre l’élection présidentielle américaine pour sonder la nouvelle administration et lui demander de participer au processus. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles le président français aurait envoyé récemment un émissaire au président élu américain pour lui demander de placer le processus de paix entre la Syrie et Israël en tête de ses priorités. Or, toujours selon les mêmes sources libanaises, dans cette nouvelle politique française avec la Syrie, Paris préfère traiter avec le président libanais dont la personnalité et le passé de neutralité sont rassurants, plutôt qu’avec un camp qui a un lourd passif avec la Syrie et qui pourrait éventuellement compliquer une situation qui l’est déjà suffisamment. Cela ne signifie pas que la France ne tient plus à l’indépendance et à la souveraineté du Liban et qu’elle donne un blanc-seing à la Syrie, mais tout simplement qu’elle donne une nouvelle chance à Damas, et le dialogue est plus facile avec un président agréé de toutes les parties libanaises et même de la Syrie. De plus, le président français, précisent les mêmes sources, n’a pas les mêmes relations avec l’Arabie saoudite que celles de son prédécesseur. Il est essentiellement proche de l’émir du Qatar et il a ainsi contribué à l’aboutissement de l’accord de Doha. Certes, Sarkozy prône le dialogue, surtout en ces temps de grave crise économique, et il doit se rendre au cours des prochains jours à Riyad pour renforcer les relations entre les deux pays, mais dans la carte régionale actuelle, Riyad n’est plus le partenaire privilégié de la France, tout en restant un grand ami de la France. Les mêmes sources précisent qu’il ne s’agit donc pas d’un bouleversement, mais d’un changement dans les nuances dans une période dont les contours restent flous dans la région et dans le reste du monde. En ces temps de transition, la France préfère donc faire passer ses relations avec le Liban par le canal du président de la République qui, à ses yeux, a effectué jusqu’à présent un parcours pratiquement sans faute, restant à égale distance des deux camps et réussissant à établir un dialogue constructif aussi bien avec la Syrie et l’Iran qu’avec l’Arabie saoudite et l’Égypte...
Ce ne sont ni les accords conclus avec le gouvernement, ni la présence de 50 hommes d’affaires français pour sonder les investissements possibles, ni encore la nouvelle aide financière qui pourrait être accordée au Liban qui ont marqué la récente visite du Premier ministre français à Beyrouth. Selon des personnalités libanaises qui ont suivi la visite et qui ont assisté au déjeuner...