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Actualités - OPINION

Le culte du chef et la culture de l’impunité Fady NOUN

Qui donc assume la responsabilité de ce qui s’est passé à Chiyah ? Indépendamment de ce que pourra déterminer une enquête officielle sur l’existence d’une « cinquième colonne » de tireurs d’élite, visant des manifestants en plein cœur, la responsabilité de ce qui s’est passé doit être en partie attribuée à ceux qui ont laissé une foule de jeunes penser qu’elle peut pratiquement tout se permettre, en toute impunité. Une grande part de responsabilité, oui, va à des médias sans bride, autorisés à lâcher leur venin jour après jour, chargeant les esprits de frustration et de haine gratuite, et n’ayant à rendre compte à personne de leurs dangereuses déformations des faits. Pour s’en convaincre, il n’y avait qu’à entendre les rares commentaires recueillis par les télévisions sur la scène des émeutes. On y devinait tout de suite, à notre grande honte, le caractère primaire de la conscience politique qui s’exprimait là. Une conscience politique qui répétait, avec des mots frustes, ce qu’elle avait entendu dire de façon riche et élaborée, mais tout aussi pauvre intellectuellement et éthiquement, sur certaines stations de télévision. On a réussi à gâter toute une génération de jeunes, à la décerveler, à distiller dans son esprit un discours primaire et faux. C’est la première analogie qui se présente à l’esprit, quand on compare les incidents de dimanche à ceux de 1975. On a fait en sorte que les Libanais se méprennent les uns sur les autres, à ce qu’ils s’ignorent en se diabolisant. De sorte que la frustration et la colère se présentent comme une pure fiction. Qu’elle repose sur un mensonge comme la distribution inégale du courant électrique. Ainsi, la référence de l’action n’est plus la vérité, mais une idéologie qui déforme et détourne tout pour servir sa propre ambition. La propagande a remplacé la vérité. Au-delà des médias, c’est à une caste politique indigne et incapable de gouverner qu’il faut s’en prendre, à une poignée de vagabonds et de parvenus de la politique qui ont hérité d’un troupeau de voix et qui mènent leurs partisans comme ils veulent et où ils veulent. Le culte du chef, voilà le coupable. Hélas, il n’est pas l’apanage d’un camp, il est partout. C’est le vertige, le vertige maladif qui s’est emparé de nous, d’une société livrée aux choix idéologiques des grands axes et des options régionales, et qui ne sait plus réfléchir par elle-même. Sans ce terreau, sans ce conditionnement, les francs-tireurs, si jamais leur existence est prouvée, n’auraient eu aucune chance de réussir comme ils l’ont fait. Quand, le 14 mars 2005, le peuple libanais est descendu dans la rue, ce courant était désordonné. Il l’est malheureusement resté. Aujourd’hui, le patriarche seul continue d’incarner une voie médiane faite de lucidité et de modération. Lucidité pour voir et dire les choses comme elles sont. Modération pour le dire sur un ton qui n’est pas passionné ni enflammé ; modération aussi pour rester équitable. C’est cette voix faite d’indépendance et d’équilibre que l’on a cru entendre chez Michel Sleimane. Et c’est probablement la raison pour laquelle certains n’en veulent plus.
Qui donc assume la responsabilité de ce qui s’est passé à Chiyah ? Indépendamment de ce que pourra déterminer une enquête officielle sur l’existence d’une « cinquième colonne » de tireurs d’élite, visant des manifestants en plein cœur, la responsabilité de ce qui s’est passé doit être en partie attribuée à ceux qui ont laissé une foule de jeunes penser qu’elle peut...