Actualités - OPINION
TRIBUNE Réflexion sur le récent ouvrage de May Menassa
Par Boustani Carmen, le 06 avril 2005 à 00h00
May Menassa a voulu Dans le jardin de Sarah, son premier livre francophone, nous entraîner dans le merveilleux, par la magie des mots, soumis au bon vouloir des fées. Les illustrations réalisées par Émile Adaïmy magnifient la texture du livre donnant un développement poétique à l’ensemble. Elles s’allient au récit préfacé par Jean Piat, ouvrant de profondes avenues à l’imagination la plus voyageuse. C’est dans la forme et l’illustration du livre que réside la signification profonde du contenu. La fin du conte commande le commencement: «Il était une fois...», champ associatif où se rejoignent le monde de l’enfance et celui de l’illusion. Le conte lie ciel et terre afin qu’une petite fille bien «bordée dans son berceau» puisse cavaler vers «le pays de ses origines».
Dès le seuil du conte, l’étoile emprunte le «je» narrateur et nous raconte les consignes de sa naissance dans un jeu suprême de rêverie: «C’est, je me souviens, à l’aube du troisième jour du solstice d’été que je suis sortie à la lumière.» À mesure que s’écrit le conte, l’étoile s’enracine dans la planète Terre. Elle s’incarne en une petite fille. Activité rêveuse par laquelle tout se transforme en mythe. Or la narratrice/étoile ne finit pas de nous entraîner vers ce domaine de l’enfance avec la soif des rêves conquis. Sa sensibilité aérienne élève les éléments qu’elle entoure, créant dans les hauts lieux de l’imaginaire de continuelles intelligences avec tout ce qui touche l’esprit des enfants : liberté, fantaisie, beauté.
Plusieurs lectures sont possibles dans ce Jardin de Sarah habité par un « Pierrot rêveur sur le hamac de la lune », par un « Arlequin comique » et un clown au nez rouge tout gonflé.
Des images insolites: «Je collais ma bouche sur l’appareil téléphonique du nombril et j’engageais des messages à celle qui se préparait à devenir ma sœur», plus loin «le clin-d’œil malin à Hérode» renverse la logique, provoquant des redécouvertes paradoxales. En tant que femme, May Menassa donne une primauté du mot à la phrase. Les mots récurrents sont : soleil, étoile, rêve, couleurs chatoyantes, contes fabuleux. Les mots forment des combinaisons phoniques non reconnaissables ou quittent leur place dans le véhicule linguistique pour devenir des croquis exquis.
L’étoile ressemble à la fée, une fée céleste qui n’a besoin que de rêver à une planète où «la poésie est encore possible», aux dires de May Menassa. Contrairement aux autres contes qui sont peuplés de fées maléfiques, ici la fée/étoile baigne dans un bien-être absolu. D’ailleurs, autour des deux mots-clés «naître» et «bien-être» s’articule le conte/poème faisant de l’histoire de la fée/étoile une histoire à connotations philosophiques.
May Menassa crée Dans le jardin de Sarah un genre littéraire du conte-poème. Or, en échange de la sentimentalité puérile d’une écriture orientée vers l’enfant, l’auteur offre sa maîtrise stylistique exceptionnelle qui demeure, en dépit des apparences, hautement littéraire.
Ce conte dédié à ses petites-filles, Sarah et Laura, demeure résolument orienté vers l’enfant par ses illustrations et le signifié de son contenu. Tout en étant conscient qu’une lecture dans une chambre d’enfants est possible comme pour les livres de Lewis Carroll et ceux de La Fontaine. Notre lecture à nous ne peut manquer d’être à la fois tristement et joyeusement adulte. Tristement parce que nous avons perdu le secret de l’interprétation enfantine, joyeusement parce que nous tenterons de retrouver le secret en lisant ce conte merveilleux que nous vous recommandons de vive conviction.
Carmen Boustani
May Menassa a voulu Dans le jardin de Sarah, son premier livre francophone, nous entraîner dans le merveilleux, par la magie des mots, soumis au bon vouloir des fées. Les illustrations réalisées par Émile Adaïmy magnifient la texture du livre donnant un développement poétique à l’ensemble. Elles s’allient au récit préfacé par Jean Piat, ouvrant de profondes avenues à...
Les plus commentés
Des responsables syriens se sont-ils réfugiés à Beyrouth ?
« Pire qu’un abattoir humain » : voyage au bout de l’enfer de Saydnaya
Berry rassure le Quintette : le président sera élu le 9 janvier