Par Charbel Cordahi *
Le taux de change fixe de la livre libanaise par rapport au dollar américain ne reflète pas précisément la valeur réelle de la monnaie nationale. Celle-ci est légèrement surévaluée par rapport à sa valeur intrinsèque depuis quatre ou cinq ans. Les causes sont multiples : déficit de la balance courante, parité de pouvoir d’achat, faible taux de croissance, manque de confiance des chefs d’entreprise, chômage, faible productivité, déficit budgétaire.
Le déficit de la balance courante au Liban est persistant et a atteint 16,7 % du PIB en 2003, contre un déficit courant de 5,1 % aux ƒtats-Unis. Ce déficit conduit à un affaiblissement sous-jacent de la monnaie nationale.
Une autre méthode pour la mesure du taux de change est la parité de pouvoir d’achat. Cette méthode, bien qu’imparfaite, est un bon indicateur de la valeur à long terme de la monnaie. En 2003, la livre libanaise serait surévaluée de 5 % par rapport au dollar selon l’indice Big Mac de la revue The Economist.
La croissance réelle au Liban n’a pas dépassé les 2,0 % l’année dernière. Par contre, les ƒtats-Unis ont connu en 2003 une forte croissance économique, dépassant les 5 %. L’écart entre les taux de croissance respectifs des deux pays ne peut logiquement qu’affaiblir la livre par rapport au dollar.
À leur tour, les indicateurs de confiance des chefs d’entreprise libanais montrent leur méfiance à l’égard de la situation économique en 2004 et leur déception de la non-application des mesures de réforme économique tant promises par le gouvernement.
Un autre indicateur de taille est celui du taux de chômage qui, via ses effets sur la demande de biens et services, et par la suite sur la demande de monnaie, devrait conduire à un affaiblissement de la monnaie. Le taux de chômage au Liban dépasse les 20 %, alors qu’il est au-dessous de 6,5 % aux ƒtats-Unis. L’anticipation d’une faible croissance au Liban en 2004, qui entraînerait avec elle des licenciements et une faible embauche de nouveaux travailleurs, affaiblit la valeur sous-jacente de la monnaie nationale.
La hausse du chômage entraîne avec elle par ailleurs des pertes de productivité, qui exercent aussi une pression sur le taux de change. Au chômage s’ajoute un autre facteur affectant la productivité : il s’agit de la mauvaise gestion des finances publiques. Les pays aux dépenses publiques élevées affichent une productivité inférieure, contrairement aux pays où les pouvoirs publics sont peu dépensiers et qui sont récompensés par un potentiel de croissance important. Le budget de 2004 ne prévoit aucune mesure de réduction du déficit budgétaire ou de mise en place de réformes structurelles. Nous ne pouvons, dans ce cas, pas nous attendre à une augmentation de la productivité. Notons que le raisonnement selon lequel un alourdissement du déficit budgétaire va de pair avec un raffermissement de la devise (puisque la hausse de la demande intérieure qui en résulte conduit à une hausse des taux d’intérêt réels, qui attire à son tour les capitaux étrangers et apprécie la valeur de la devise) n’est pas du tout réaliste dans le cas du Liban, car le déficit cumulé et la dette publique ont atteint des niveaux pharaoniques qui ne font que contracter la demande privée, accroître le chômage et décourager l’investissement. Ces facteurs mettent-ils en cause la fixité du taux de change ? Incontestablement pas. Au lieu de débattre éternellement sur le régime de changes le plus approprié pour le Liban, il serait plus utile de se concentrer sur les facteurs réels affectant la monnaie, notamment le déficit budgétaire et le poids du secteur public.
* Économiste, chercheur au Cred (Centre de recherches et d’études doctorales)
Par Charbel Cordahi *
Le taux de change fixe de la livre libanaise par rapport au dollar américain ne reflète pas précisément la valeur réelle de la monnaie nationale. Celle-ci est légèrement surévaluée par rapport à sa valeur intrinsèque depuis quatre ou cinq ans. Les causes sont multiples : déficit de la balance courante, parité de pouvoir d’achat, faible taux de croissance,...
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