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Actualités - CHRONOLOGIES

Les Samaritains de Terre sainte tiraillés entre deux identités

Sur les hauteurs de Naplouse, dans l’antre d’une modeste synagogue, des hommes en tuniques bariolées sont agenouillés devant le grand prêtre qui élève le livre sacré, le Pentateuque. À l’écart des hostilités qui sévissent en Terre sainte, la petite communauté de Samaritains célèbre traditionnellement la période pascale qui commémore la sortie d’Égypte. Depuis des millénaires, cette secte qui se réclame des vrais descendants de l’ancien Royaume d’Israël, seuls légataires de la loi de Moïse, se retrouve au lieu de culte, le Mont Garizim, pour le sacrifice rituel de la Pâque. Israéliens mais non-Juifs, les Samaritains se différencient essentiellement de leurs concitoyens par le fait qu’ils ne reconnaissent pas Jérusalem comme la maison de Dieu, et rejettent le Talmud et autres écrits bibliques. Ils respectent toutefois le sabbat, pratiquent la circoncision le huitième jour après la naissance et suivent les même restrictions alimentaires. Autrefois riche d’un million de personnes, la communauté ne compte plus que 640 membres, répartis équitablement entre Holon, (près de Tel-Aviv) et Naplouse. De toutes les minorités d’Orient, les Samaritains sont les seuls à pouvoir se vanter de bénéficier du soutien et de la protection de deux nations ennemies. Même dans le contexte actuel, la communauté s’abstient de prendre parti dans le conflit entre Israéliens et palestiniens, se félicitant même de représenter une sorte de «passerelle pour la paix» compte tenu des bonnes relations entretenues avec les deux camps. Nous vivons avec les habitants de Naplouse comme avec des frères», affirme le président Salloum Cohen, membre du Conseil législatif palestinien depuis 1996. «Yasser Arafat a fait beaucoup pour la reconnaissance des droits samaritains», ajoute-t-il. Après les accords d’Oslo et l’évacuation par les Israéliens des territoires, transférés depuis à l’autorité palestinienne, les Holonites craignaient un retour à la situation d’avant 1967, alors que la Cisjordanie étant sous contrôle jordanien et qu’ils n’étaient autorisés à visiter leurs proches qu’une fois l’an, à la Pâque. Mais le président palestinien a eu tôt fait de rassurer les Samaritains en leur garantissant le libre circulation d’une ville à l’autre. La plupart jouissent d’ailleurs aujourd’hui de la double nationalité, palestinienne et israélienne. Je crois que la sécurité des Samaritains est le seul point sur lequel les deux parties s’entendent», ironise Benyamin Tsedaka, le chef de la communauté de Holon. L’insurrection des derniers mois n’a toutefois pas épargné la minorité. Pendant les affrontements sur la Tombe de Joseph, en octobre 2000, les Holonites n’ont pas pu rejoindre leurs pairs de Naplouse pour la fête des Tabernacles (Sukkot) – une situation que Benyamin Tsedaka juge intolérable. Notre existence ne peut se concevoir qu’en maintenant des contacts permanents entre Holon et Naplouse. Nous ne voulons pas être la victime des querelles politiques. Tout ce que nous réclamons, c’est l’accès aux site. Le Garizim est pour nous ce que Jérusalem est pour les juifs et la Mecque pour les musulmans». Un risque de division La communauté n’est cependant pas aussi soudée que ces représentants le laissent croire. Un coup d’œil furtif sur la petite famille laisse entrevoir les défis de taille auxquels seront confrontés les Samaritains pour préserver leur particularisme identitaire. Déambulant nonchalamment en minijupes, jeans et T-shirts moulants, les Holonites contrastent foncièrement avec leurs frères de Naplouse, plus réservés. Vivant généralement entre eux, ils ne conversent qu’en hébreu. Je ne connais pas la plupart des gens ici, admet un jeune gaillard, style Ricky Martin. Je ne viens qu’une fois l’an pour la Pâque. Sinon, je suis toujours à Tel-Aviv avec des copains». Contrairement aux Samaritains de Cisjordanie, les Holonites ne parlent pas l’arabe couramment et très peu se reconnaissent dans l’identité palestinienne. Par contre les hommes servent dans l’armée et tous votent aux élections israéliennes. Nous sommes tous pour Sharon, lance l’un d’eux. Car nous adorons notre terre et nous savons qu’il va la protéger». De l’autre côté, les Samaritains de Naplouse ont développé au fil des siècles des liens étroits avec leurs voisins arabes. Certains sont même actifs au sein de mouvements politiques palestiniens, au grand dam de la communauté. Les Samaritains de Naplouse se sont toujours intégrés au tissu socio-économique de la ville», affirme Ibrahim el-Fani, archéologue et directeur du Centre de tourisme de Naplouse. «Leurs relations avec les Palestiniens sont vitales». J’ai davantage de contacts avec les Palestiniens qu’avec les Israéliens et même les Samaritains, avoue pour sa part Iyad Kahen, enseignante à Naplouse. Je peux dire que je suis Samaritaine en premier lieu et Palestinienne ensuite. Par contre je ne me sens pas du tout Israélienne. D’ailleurs quand je vais à Holon, je me sens étrangère». Même du côté des porte-parole, les dissensions sont perceptibles. Si le président Salloum se défend d’aborder toute discussion politique, sa position transparaît néanmoins lorsqu’il se prévaut d’avoir toujours récusé la citoyenneté israélienne. Un parti pris que Benyamin Tsedaka refuse de cautionner. C’est son choix», se borne-t-il simplement à commenter. «Salloum a un statut particulier. A chacun son orientation politique. L’important, c’est qu’au fond, nous soyons tous avant tout Samaritains».
Sur les hauteurs de Naplouse, dans l’antre d’une modeste synagogue, des hommes en tuniques bariolées sont agenouillés devant le grand prêtre qui élève le livre sacré, le Pentateuque. À l’écart des hostilités qui sévissent en Terre sainte, la petite communauté de Samaritains célèbre traditionnellement la période pascale qui commémore la sortie d’Égypte. Depuis des millénaires, cette secte qui se réclame des vrais descendants de l’ancien Royaume d’Israël, seuls légataires de la loi de Moïse, se retrouve au lieu de culte, le Mont Garizim, pour le sacrifice rituel de la Pâque. Israéliens mais non-Juifs, les Samaritains se différencient essentiellement de leurs concitoyens par le fait qu’ils ne reconnaissent pas Jérusalem comme la maison de Dieu, et rejettent le Talmud et autres écrits bibliques. Ils...