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Les institutions bancaires à l'assaut du marché libanais
Par DAOUD Barbara, le 05 juillet 1999 à 00h00
Après avoir longtemps relevé de l’impossible, le crédit est enfin réhabilité sur le marché libanais. Les banques y sont pour beaucoup. Les initiatives, timides au début des années 90, se multiplient, et les institutions bancaires se sont lancées dans une véritable course aux clients. Les produits abondent et la concurrence est acharnée pour accaparer, dès aujourd’hui, une part significative d’un marché au potentiel particulièrement prometteur. Les opérations de séduction battent donc leur plein... tandis que consommateurs et entrepreneurs ne cherchent qu’à être séduits. L’escalade des risques et les conditions économiques déplorables qui ont caractérisé les années de crise sont derrière la quasi-disparition des crédits du marché libanais jusqu’au début des années 90. Les grandes entreprises étaient les moins lésées par la contraction du crédit en général, bancaire en particulier. En effet, les banquiers n’ont pas abandonné leurs gros clients, surtout les commerçants, dont les lignes de crédit étaient constamment renouvelées. On ne peut pas en dire autant des petites unités qui représentent plus de 90% des entreprises libanaises. Privées d’accès au financement bancaire car jugées trop risquées, elles ont été, et continuent d’ailleurs souvent d’être, contraintes de fonder leur développement et parfois même leur survie, sur l’autofinancement, et accessoirement sur le crédit fournisseur. Quant au particulier, il n’avait pas d’autre choix que de régler tous ses achats au comptant, même pour des biens durables. Les très rares commerçants, qui s’aventuraient alors à se faire rembourser à crédit, en assumaient entièrement le risque. Un come-back en force Le retour de la paix a fait progressivement resurgir le crédit sur la scène économique. Les formules de crédit se multiplient auprès des commerçants, et le crédit bancaire aux particuliers connaît un boom formidable. De plus en plus nos paiements peuvent se faire sur un nombre toujours croissant de mois et d’années, et à des taux de plus en plus étudiés et accessibles. Aujourd’hui, le poids financier des crédits est considérable. Les crédits accordés par les banques commerciales représentent 42,4% des dépôts à la fin du premier trimestre 1999. Toujours à cette date, 89,2% des crédits bancaires sont en devises, représentant 57,7% des dépôts en devises. Contrairement aux ressources en devises, les ressources en livres libanaises des banques ne sont pas si intensivement réemployées par les banques sous forme de crédits : seulement 13,3% des dépôts en monnaie nationale sont redistribués sous forme de crédits à l’économie. En effet, les banques placent toujours une très grande part de leurs ressources en livres dans les bons du Trésor dont la rentabilité demeure très alléchante. C’est d’ailleurs la cherté de l’emprunt d’État qui justifie les taux d’intérêt très élevés sur la livre libanaise et, par conséquent, la préférence des consommateurs et entrepreneurs d’emprunter en devises. Quant aux crédits bancaires aux particuliers, ils représentent 12% de l’ensemble des crédits accordés par les banques, alors que les particuliers constituent 50% de la clientèle débitrice du secteur bancaire au Liban. Achetez aujourd’hui, payez plus tard Le crédit est donc en train de changer les comportements de consommation. Les remboursements échelonnés deviennent de plus en plus courants sur le marché libanais, surtout avec le ralentissement des ventes dans le contexte actuel de dépression économique. Pour satisfaire les consommateurs et leur permettre d’accéder à des biens durables, la période de paiement peut désormais s’étaler sur plusieurs années, de un à cinq ans selon le produit. Pour donner un coup de pouce à leurs ventes, plusieurs commerçants libanais proposent directement aux clients des formules d’échelonnement. Dans ce cas, ils assument eux-mêmes le risque de non-remboursement. C’est pour cette raison que de plus en plus de vendeurs collaborent avec une ou plusieurs banques pour leurs ventes à crédit. La formule avantage d’ailleurs les trois parties : le client échelonne son remboursement sur plusieurs périodes auprès d’une grande institution, le commerçant est garanti d’être remboursé par la banque, tandis que cette dernière gonfle ses bénéfices en diversifiant ses risques et en élargissant sa base de clientèle. Par exemple, vous pouvez dorénavant échelonner le remboursement de vos achats à l’ABC auprès de la Byblos Bank, ou encore ceux au BHV auprès du Crédit libanais. Les agents et distributeurs de voitures vous proposent généralement un choix plus vaste de créanciers forcés. Face à la concurrence ardue du marché, les formules proposées sont assez proches. La Banque du Liban et d’Outre-Mer (BLOM) vient d’ailleurs de s’introduire sur ce segment de marché avec un «plus» rarement proposé par la concurrence : le crédit pour l’achat d’une voiture d’occasion. Des conditions à remplir Les campagnes publicitaires agressives que mènent certaines banques et certains commerçants de la place vous rappellent constamment que ce n’est plus la peine de vous priver de quoi que ce soit, grâce aux formules de crédit intéressantes qu’ils proposent. Mais attention tout de même : si c’est parfaitement faisable, ce n’est pourtant pas toujours évident. Bien entendu, un très grand nombre d’articles peut effectivement être aujourd’hui acheté à crédit, chose qui était impossible il y a encore quelques années. Mais même les formules les plus souples et les procédures les plus simplifiées demeurent relativement contraignantes, à commencer par le revenu exigé. Sachant que les grandes banques de la place, telles la Byblos Bank et la BLOM, exigent que le revenu mensuel de l’emprunteur soit au moins quatre fois supérieur à la mensualité remboursée, cela limite significativement les capacités d’endettement d’un bon nombre de Libanais. Il semblerait que les banques de la place qui développent les crédits aux particuliers soient très souvent confrontées à des cas de fausses déclarations de revenus, à des attestations de travail et de salaire falsifiées et à l’omission par certains clients de mentionner qu’ils ont des dettes vis-à-vis d’autres banques. L’accès à une information fiable est donc l’un des principaux problèmes auxquels se confrontent les banques libanaises aujourd’hui lors de la sélection de leur clientèle. C’est pourquoi pour l’étude des dossiers individuels, les plus actives d’entre elles en matière de crédits ont monté des départements spécialisés qui sont parfois de véritables services secrets privés! Selon Gilbert Zouein, directeur de la gestion des risques des crédits aux particuliers de la Byblos Bank, «ce n’est pas parce que la Byblos Bank a une stratégie offensive en matière de diversification de la clientèle que la banque serait prête à assumer des risques injustifiés. Le crédit ne sera accordé que si le client présente le profil exigé». La Byblos est d’ailleurs très fière de son département de renseignements particulièrement efficace et dont la base de données serait impressionnante. Le particulier au centre de la stratégie bancaire Pour les grandes banques commerciales du marché, la stratégie de développement à long terme devra passer par une diversification des sources de revenus bancaires. Jusque-là, leur stratégie s’était axée sur les placements en bons du Trésor libanais et sur l’activité commerciale de quelques gros clients qu’elles se disputent entre elles. La régression de la rentabilité des émissions d’État et la concurrence acharnée sur les quelques activités porteuses du pays obligent aujourd’hui les banques à chercher ailleurs. Et pourquoi pas le particulier, si longtemps boudé par le marché? C’est la Byblos Bank qui a été pionnier sur le segment des prêts aux particuliers au début des années 90 en lançant des formules de crédits innovatrices sur le marché. Objectif : la banque universelle, celle qui répond à tous les besoins de financement et offre une grande variété de services. Toujours leader en la matière, et surtout dans les prêts personnels, la Byblos Bank accapare environ 30% du marché des prêts aux particuliers au Liban. Son initiative a été imitée par les autres banques qui cherchent à se tailler, elles aussi, une part intéressante d’un marché qui semble être celui de demain. La BLOM est l’une des banques qui a réussi à développer des produits qui lui ont assuré une entrée remarquée sur le marché de plus en prise des crédits aux particuliers. Selon Élias Aractingi, conseiller du président à la BLOM, «le segment des petits crédits est encore limité au Liban tandis que la demande potentielle ne cesse de croître». Malgré sa tradition conservatrice, la banque cherche aujourd’hui à élargir sa base de clientèle et de maximiser sa politique de crédit aux particuliers, sachant qu’elle dispose du potentiel de crédit le plus important du marché. Il y a au Liban quelques centaines de milliers de particuliers à être convoités par les banques pour une ou plusieurs formules de prêt ou de plan d’épargne. En matière d’auto et d’habitat, les clients potentiels ont l’embarras du choix. Bien entendu, les formules varient d’une banque à l’autre et les conditions d’octroi peuvent être plus ou moins strictes. Il n’empêche que la libre concurrence dans ce domaine semble jouer en faveur des clients : les taux d’intérêts s’alignent, les montants augmentent, les délais d’acceptation du dossier se rétrécissent, alors que ceux de remboursement s’étendent. Vers des crédits sur mesure À côté des formules de crédit standardisées, certaines banques proposent des prêts taillés sur mesure. L’expression fait fureur bien que le produit ne soit pas encore très répandu sur le marché local. Le Libanais commence tout juste à apprivoiser la notion de crédit bancaire et préfère toujours se cantonner à une formule toute faite plutôt qu’à un prêt personnalisé. Par exemple, certaines banques proposent des formules spécifiques à des catégories de professionnels. Byblos Bank, entre autres, propose des prêts s’adaptant aux besoins des médecins et des professeurs. D’autres banques ont des formules spéciales pour étudiants. Ce système de «sur mesure» est repris par un nombre croissant de banques comme principe de base pour les prêts personnels. À la BLOM, le programme «Kardi» est résumé sous forme de tableau à double entrée indiquant les différents montants et durées de remboursement qui sont possibles pour un revenu spécifique. Contrairement aux crédits à la consommation, l’objet du prêt personnel n’est pas nécessairement un achat. Il pourra servir à vous offrir un voyage, financer votre cérémonie de mariage ou encore meubler votre salon...
Après avoir longtemps relevé de l’impossible, le crédit est enfin réhabilité sur le marché libanais. Les banques y sont pour beaucoup. Les initiatives, timides au début des années 90, se multiplient, et les institutions bancaires se sont lancées dans une véritable course aux clients. Les produits abondent et la concurrence est acharnée pour accaparer, dès aujourd’hui, une part...
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