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Actualités - CHRONOLOGIE

Après les géniaux inventeurs, l'épopée de la finance

En un siècle, l’aviation et l’aéronautique ont réalisé une épopée fantastique, depuis les individus géniaux, souvent fortunés et toujours aventuriers, qui ont fait décoller de quelques mètres une «machine volante» de leur invention, jusqu’à l’actuelle production de masse qui nécessite des investissements gigantesques. Après le premier vol contrôlé d’un aéroplane motorisé réalisé aux États-Unis par les frères Wright en 1903 avec le Flyer, les records ont succédé aux records. De grands noms, dont beaucoup de Français, sont entrés dans la légende de l’aviation. Clément Ader bien sûr, qui avait réalisé le premier «bond» aérien de quelques dizaines de mètres à bord d’une machine volante l’Eole équipée d’un moteur à vapeur. Alberto Santos-Dumont, membre fondateur de l’Aéro-club de France qui a consacré une partie de sa fortune personnelle à ses expériences aéronautiques et a eu son premier record homologué le 12 novembre 1906 - un vol de 220 mètres parcouru à 41 km/h à bord du 14 bis. Ensuite l’industriel Charles Blériot traverse la Manche en 1909 à bord du Blériot XI, et remplit son carnet de commandes. La traversée de la Méditerranée est effectuée en 1913 par Roland Garros. Pierre-Georges Latécoère lance des liaisons vers le Maroc, puis vers Dakar en 1923. Les pilotes ont des noms de légende, Jean Mermoz, Antoine de Saint-Exupéry, qui relient l’Europe à l’Amérique latine. La prochaine étape significative sera la traversée de l’Atlantique Nord par l’Américain Charles Lindbergh en 1927, à l’âge de 25 ans, à bord du Spirit of Saint-Louis. Mis à part les passionnés qui ont fait progresser la technique des avions au début du siècle en investissant leur courage et leurs deniers personnels, la recherche militaire a toujours été et reste le plus fidèle soutien au développement de l’aéronautique. D’ailleurs, ce n’est qu’après la Première Guerre mondiale que ce secteur prend une véritable dimension industrielle et après la Seconde qu’il prend un véritable essor. Mot-clé : dualité L’un des mots-clés de cette industrie est la «dualité» : les recherches effectuées sur fonds publics pour la défense sont ensuite dérivées et réappliquées pour des produits «civils», ce qui permet de rentabiliser les investissements. L’un des meilleurs exemples est constitué par le «super-jumbo» de Boeing 747, qui a volé pour la première fois en 1969. Il reste à ce jour le plus gros avion en exploitation dans le monde, sans concurrence chez l’européen Airbus. Cet appareil est considéré comme la «vache à lait» de Boeing : seul sur son créneau et largement financé par des crédits de recherche militaire de l’US Air Force qui voulait à l’époque s’équiper d’un cargo lourd. Les années 50-80 ont constitué un âge d’or de l’aéronautique, avec l’entrée en force de Boeing dans le domaine civil, la naissance du consortium Airbus Industrie en 1969, et le lancement du Concorde - joyau technologique et échec commercial retentissant - en 1976. Airbus, créé par des industriels visionnaires, farouchement européens, est le fruit d’une volonté politique forte et d’investissements publics massifs. Les Européens ont pu mettre à profit les leçons de l’échec commercial de Concorde pour ne pas renouveler les mêmes erreurs: duplication des tâches et donc des coûts, et se sont mieux organisés pour être efficaces. Chacun des quatre partenaires a sa spécialité, les Britanniques font les ailes, les Allemands les fuselages, les Espagnols les empennages et les Français les cockpits et l’électronique de bord. Avec l’arrivée de l’Airbus A320 lancé en 1984, c’est tout le paysage aéronautique mondial qui bascule et la suprématie absolue de Boeing qui commence à être sérieusement entamée par les Européens. Pour prendre des parts de marché face aux Américains, les Européens devaient faire mieux, plus moderne et moins cher. L’A320 propose des technologies très novatrices: commandes de vol électriques, un manche à balai remplacé par un mini-manche latéral, et un cockpit entièrement numérisé, qui menacent l’inusable Boeing 737, son rival. Mais les contraintes financières qui obligent Boeing à annoncer de vastes charrettes de licenciements à chaque ralentissement conjoncturel pour satisfaire les marchés boursiers sont en train de rattraper Airbus, qui va être transformé en société privée. Après trente ans de volontarisme industriel européen, qui a permis à Airbus de vendre l’an dernier quasiment la moitié des avions dans le monde, et de s’imposer comme le dernier concurrent de Boeing, les enjeux ont profondément changé. L’esprit d’aventure européen est resté, mais l’aéronautique est devenue une industrie lourde très avide de financements. On ne peut plus lancer un programme à partir d’une seule idée géniale, et faire des recherches à fonds perdus. L’avance technologique d’Airbus risque d’être rognée par les attentes des marchés financiers et de ses futurs actionnaires, qui privilégient souvent la rentabilité aux innovations coûteuses.
En un siècle, l’aviation et l’aéronautique ont réalisé une épopée fantastique, depuis les individus géniaux, souvent fortunés et toujours aventuriers, qui ont fait décoller de quelques mètres une «machine volante» de leur invention, jusqu’à l’actuelle production de masse qui nécessite des investissements gigantesques. Après le premier vol contrôlé d’un aéroplane...