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Actualités - INTERVIEWS

Youssef Chahine au Liban : un cinéaste engagé dans l'enseignement (photo)

L’Institut des études scéniques et audiovisuelles de l’Université Saint-Joseph a invité pour une période de trois jours le metteur en scène égyptien Youssef Chahine, lauréat du prix spécial du jury au dernier festival de Cannes pour l’ensemble de son œuvre. Chahine dirigera un séminaire de trois jours à l’USJ, et rencontrera les étudiants. A son arrivée hier soir à l’aéroport, Youssef Chahine a accordé un entretien exclusif à «L’Orient-Le Jour». Question: Vous êtes là dans un but académique, pour rencontrer les étudiants libanais, avez-vous l’habitude de ce genre d’activités? Réponse: Toute ma vie, j’ai accordé la priorité aux activités académiques. Je suis professeur depuis trente ans, et j’enseigne à plus d’une centaine d’élèves, notamment à l’Institut des hautes études cinématographiques au Caire. De plus, quand je vois que certains étudiants sont particulièrement talentueux, je les suis personnellement quitte à les prendre en tant qu’assistants. Q.: Quand vous avez accepté l’invitation de l’IESAV, est-ce que vous aviez une idée de la production académique libanaise en matière de cinéma? R.: Non, pas du tout. J’ai simplement reçu une invitation de la part de Madame Boulos, et j’ai immédiatement accepté. J’ai toujours été très agréablement surpris de la réaction du public libanais à mes films, et surtout de l’accueil extraordinaire qu’ils ont réservé à «Al-Massir», mon dernier film. C’est un public très conscient et qui semble comprendre et apprécier les valeurs qui comptent pour moi. Q.: Vous avez toujours été un cinéaste engagé. Dans quelle mesure conseillez-vous cet engagement à vos élèves? R.: Je ne crois pas qu’un cinéaste du tiers-monde peut se permettre de ne pas être engagé. Il doit naturellement chercher à s’introduire et se présenter en tant qu’arabe afin de pouvoir rattraper le reste du monde dans cette modernité qui nous manque. Je crois à la survie du cinéma arabe tant qu’il y a des cinéastes arabes. Il faut sensibiliser nos Etats, et ceux qui veulent s’appeler «les responsables» et leur faire comprendre qu’il est excessivement vital que le cinéma arabe survive, et que c’est un secteur qu’ils ne peuvent pas laisser en marge. Q.: Mais, vous-même, politiquement et religieusement, vous faites face à beaucoup d’obstacles... R.: Il faut surmonter ces obstacles. Un cinéaste n’est pas là pour être en pique-nique. Le chemin est très dur et il faut être préparé. Le fait est qu’il est impossible d’exclure régionalement ou internationalement le cinéaste arabe. Moi-même, j’affronte des obstacles à des niveaux assez différents, aussi bien politiques que sociaux. Q.: Dans vos derniers films, le message que vous faites passer se voit contraint d’être véhiculé d’une manière subtile, indirecte et souvent détournée... R.: Chaque période a sa ruse. Si les hommes au pouvoir qui veulent m’empêcher de faire passer mon message se croient intelligents, je me dois d’être à la hauteur. Q.: Mais cela ne vous oblige-t-il pas à faire certaines concessions? R.: Je ne fais pas de concessions. Pas de compromis. Du moins au niveau de l’œuvre. L’œuvre doit rester intacte. La lutte se fait hors de l’œuvre. Quitte même à descendre dans la rue pour réclamer la liberté d’expression comme on me la doit. En ce qui concerne le cinéma, je ne clame pas de slogans. J’opère sur deux niveaux à la fois: divertir et conscientiser le public. Je ne permets à personne de me dévier de ce chemin, et là, ma bataille devient politique. Je suis là depuis plus d’un demi-siècle, et j’ai eu à surmonter toutes sortes d’officiels et de pouvoirs qui prétendaient avoir le droit de me dicter ce que je dois dire. Q.: Le message que vous tentiez de faire passez dans «Al-Massir», contre l’intégrisme qui tente de paralyser la pensée, a été très bien reçu au Liban, cela a-t-il été le cas en Egypte? R.: Pas aussi bien qu’au Liban, mais les réactions ont été excessivement intéressantes. En fait, tout dépend du degré de sensibilité qu’a le public dans chaque pays. En France, c’était le délire, alors qu’un film arabe ne dépasse jamais les 150.000 entrées, «Al-Massir» en est presque à 600.000. «Al-Massir» m’a semblé avoir atteint ce but. De plus, j’ai éprouvé un plaisir formidable, de Cannes jusqu’à la sortie nationale en France. Un plaisir de voir à Cannes la tête des Américains étonnés de voir toute une salle applaudir debout et ne pas savoir pourquoi. Mon prix à Cannes a poussé les Américains à se poser beaucoup de questions, particulièrement sur le système de distribution de films aux Etats-Unis, et sur le fait qu’on leur cache beaucoup de cultures. Q.: Comment vivez-vous ce succès qui a maintenant une dimension presque internationale? R.: La gloire n’a jamais été mon but principal. C’est plutôt une reconnaissance que je recherche, afin de permettre à d’autres personnes de se faire connaître plus facilement. Une reconnaissance en tant que metteur en scène, et auteur de films, c’est une politique que les Américains n’encouragent pas mais que les Français ont aidé à faire accepter. Un metteur en scène n’est pas seulement un financier ou un businessman hollywoodien, c’est avant tout quelqu’un qui assume ses responsabilités d’artiste et d’auteur. Je n’ai jamais rêvé de travailler à Hollywood. J’ai toujours voulu être mieux financé pour mes films, mais les concessions de qualité américaines ne valent pas mieux que les mauvaises conditions de travail arabes. Propos recueillis par Habib KHOURY
L’Institut des études scéniques et audiovisuelles de l’Université Saint-Joseph a invité pour une période de trois jours le metteur en scène égyptien Youssef Chahine, lauréat du prix spécial du jury au dernier festival de Cannes pour l’ensemble de son œuvre. Chahine dirigera un séminaire de trois jours à l’USJ, et rencontrera les étudiants. A son arrivée hier soir à...