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Culture - Exposition

L’IMA redonne à Gaza un pan de sa mémoire plurimillénaire détruite

La vocation de l’institut parisien est de faire connaître les trésors dont regorgent les pays arabes, au passé et au présent. Ainsi, jusqu’au 2 novembre prochain, il offre au public l’opportunité exceptionnelle de découvrir autrement l’enclave palestinienne ravagée par la guerre avec Israël depuis 18 mois.

L’IMA redonne à Gaza un pan de sa mémoire plurimillénaire détruite

Gaza est inscrite en toutes lettres sur la façade de l'Institut du monde arabe à Paris. Photo AFP

« Il ne faut pas jeter le patrimoine de Gaza à la mer ! » a lancé Jack Lang, président de l’Institut du monde arabe, à l’inauguration de l’exposition « Trésors sauvés de Gaza, 5 000 ans d’histoire », qui se tient jusqu’au 2 novembre prochain à l’IMA, à Paris. « Cette exposition est un acte de résistance. Plus que jamais aujourd’hui, en particulier depuis le massacre du 7-Octobre et les destructions ultérieures, la riche histoire de Gaza doit retrouver la lumière. Rien n’est pire que l’abandon et l’oubli (…) Le patrimoine archéologique irrigue l’identité palestinienne contemporaine et sa préservation est le corollaire indispensable du respect des droits humains des Palestiniens », a souligné M. Lang.

En partenariat avec le Musée d’art et d’histoire de Genève (MAH) et l’Autorité palestinienne, l’IMA présente une sélection de 130 chefs-d’œuvre archéologiques datant de l’âge du bronze à l’époque ottomane. Lampes à huile, amphores, bols et figurines en terre cuite, stèles funéraires, éléments d’architecture, statuettes de divinité en bronze ou en marbre comme celle d’Aphrodite (période hellénistique) exhumée à Blakhiya ainsi que le spectaculaire fragment de mosaïque byzantine d’Abou Baraké (Deir el-Balah) datée de 586 après J-C. Autant de témoignages des civilisations égyptienne, assyrienne, perse, grecque, romaine, byzantine, islamique qui se sont succédé sur le sol de Gaza, terre de cocagne des commerçants caravaniers, port des richesses de l’Orient, de l’Arabie, de l’Afrique et de la Méditerranée. Gaza recèle quantité de sites archéologiques de toutes les époques aujourd’hui en péril.

Détail d'une mosaïque exposée à « Trésors sauvés de Gaza, 5 000 ans d’histoire » à l'IMA. Photo AFP



69 sites culturels gravement endommagés

Les vestiges exposés proviennent de la collection du magnat de l’immobilier gazaoui, Jawdat Khoudary, qui l’avait offerte à l’Autorité palestinienne. Arrivées en Suisse en 2006 pour une exposition temporaire au Musée d’art et d’histoire de Genève (MAH), ces pièces n’ont jamais pu être rapatriées à Gaza en raison des guerres successives dans l’enclave et le blocus israélien. L’Autorité palestinienne a demandé au musée MAH de garder les objets tant que les conditions d’un retour « sûr et sans dommage » ne seraient pas réunies. Ainsi l’IMA a puisé dans les 529 pièces stockées depuis 2006 dans des caisses au port franc de Genève.

Par ailleurs, une cartographie des bombardements présente une visualisation des écoles, des hôpitaux et des bâtiments civils détruits, mais aussi des lieux culturels. En se basant sur des images satellite, l’Unesco a recensé « 69 sites culturels gravement endommagés » : dix sites religieux (dont l’église grecque-orthodoxe de Saint-Porphyre, détruite le 19 octobre 2024), 43 bâtiments d’intérêt historique et/ou artistique, sept sites archéologiques, six monuments dont le palais Pacha érigé au XIIIe siècle, deux dépôts de biens culturels mobiliers et un musée. Quant au monastère de Saint-Hilarion, complexe reconnu pour sa valeur universelle, il a été inscrit sur la liste du patrimoine mondial en péril, le 26 juillet 2024.

Des antiquités exposées dans le cadre de l’exposition « Trésors sauvés de Gaza, 5 000 ans d’histoire », qui se tient jusqu’au 2 novembre prochain à l’IMA. Photo AFP



Photographies inédites, trésors de l’École biblique

Une autre salle est consacrée à des photographies inédites de la ville au début du XXe siècle. Elles proviennent de la collection de l’École biblique et archéologique française (EBAF). Fondé en 1890, l’établissement se trouve depuis sa création dans le couvent dominicain de Saint-Étienne à Jérusalem. À ses débuts, c’était une école pratique d’études bibliques. Son objectif était simple : étudier la Bible dans le contexte physique et culturel où elle a été écrite. C’est-à-dire sur place, pour tenir compte de tout l’environnement oriental. Les clichés des frères-archéologues dominicains étaient publiés dans des monographies ou dans les articles du périodique scientifique, La Revue biblique. Ce sont des documents uniques qui donnent à voir le charme désuet de l’agglomération entourée de petits jardins, le pittoresque des palmeraies dans les dunes et du port de pêche. Un paysage disparu avec la Grande Guerre et les bombardements anglais de 1917, qui a fait perdre à Gaza une grande partie de son patrimoine architectural. L’arrivée des populations déplacées dès 1947 et la création de l’État d’Israël, puis l’arrivée massive de réfugiés à la suite de la première guerre israélo-arabe (1948-1949) où près de 200 000 « naufragés de l’histoire » ont rejoint les 80 000 habitants de cette bande côtière de 365 kilomètres carrés, coupée de son arrière-pays.

Un coin de l'exposition « Trésors sauvés de Gaza, 5 000 ans d’histoire » à l'IMA. Photo AFP



Une expo née dans l’urgence

Le conflit a été déclenché par l’attaque du Hamas qui a fait 1 218 morts côté israélien. Les opérations militaires lancées en représailles par Israël ont tué plus de 50 000 personnes côté palestinien. « La priorité, c’est bien évidemment l’humain, pas le patrimoine, affirme à l’AFP la commissaire de l’exposition Élodie Bouffard. Mais on a voulu aussi montrer que Gaza a été, pendant des millénaires, l’aboutissement de la route des caravanes, un port qui frappait sa monnaie et qui s’était développé parce qu’il était à la rencontre de l’eau et du sable. »

La genèse de ces « Trésors de Gaza » est elle-même indissociable de la guerre au Proche-Orient. Fin 2024, l’IMA finalisait une exposition de vestiges du site archéologique de Byblos au Liban, mais les bombardements israéliens sur Beyrouth ont rendu l’entreprise impossible. « Ça s’est arrêté net, mais il ne fallait pas se laisser abattre », raconte Élodie Bouffard. Naît alors, dans l’urgence, l’idée d’une exposition sur le patrimoine de Gaza. « On a eu quatre mois et demi pour la monter. Ça n’était jamais arrivé. »

La scénographie de l’exposition a été confiée à deux talents de l’architecture et du design palestiniens : Élias et Youssef Anastas, fondateurs du bureau d’architecture et d’ingénierie AAU Anastas, et de Wonder Cabinet, basés à Paris et à Bethléem. Leur travail explore les liens entre artisanat et architecture, à des échelles allant du mobilier aux études territoriales. Leurs œuvres font partie des collections permanentes du Victoria & Albert Museum (Londres), du FRAC Centre-Val de Loire (à Orléans, France) et du Vitra Design Museum (musée privé consacré au design et au mobilier), situé à Weil am Rhein en Allemagne près de la frontière suisse. Élias et Youssef Anastas ont reçu, notamment, le Grand Prix du jury dans le cadre de l’édition 2024 du Prix du design de l’Institut du monde arabe.

« Il ne faut pas jeter le patrimoine de Gaza à la mer ! » a lancé Jack Lang, président de l’Institut du monde arabe, à l’inauguration de l’exposition « Trésors sauvés de Gaza, 5 000 ans d’histoire », qui se tient jusqu’au 2 novembre prochain à l’IMA, à Paris. « Cette exposition est un acte de résistance. Plus que jamais aujourd’hui, en particulier depuis le massacre du 7-Octobre et les destructions ultérieures, la riche histoire de Gaza doit retrouver la lumière. Rien n’est pire que l’abandon et l’oubli (…) Le patrimoine archéologique irrigue l’identité palestinienne contemporaine et sa préservation est le corollaire indispensable du respect des droits humains des Palestiniens », a souligné M. Lang.En partenariat avec le Musée d’art et d’histoire de Genève (MAH) et l’Autorité...
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