Des parents pleurent deux Palestiniens tués lors d'une frappe israélienne à Beit Hanoun, dans le nord de la bande de Gaza, le 2 mars 2025. Photo AFP/BASHAR TALEB
L'ONU a appelé dimanche à la reprise immédiate de l'aide humanitaire dans la bande de Gaza après la décision d'Israël de bloquer son entrée, une mesure dénoncée par le Hamas comme une violation de l'accord de trêve, désormais dans l'impasse.
Dans le territoire palestinien assiégé par Israël depuis près de 17 mois, le ministère de la Santé du gouvernement du Hamas a fait état de quatre morts dans des frappes israéliennes.
A la fin de la première phase du cessez-le-feu, négocié par l'entremise du Qatar, de l'Egypte et des Etats-Unis et entré en vigueur le 19 janvier, un profond désaccord oppose Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas sur la suite du processus.
Ce blocage risque de faire dérailler la trêve conclue après 15 mois d'une guerre dévastatrice à Gaza, déclenchée par l'attaque menée le 7 octobre 2023 par le Hamas dans le sud d'Israël à partir du territoire palestinien voisin.
Le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres "appelle à un retour immédiat de l'aide humanitaire dans Gaza" et "exhorte toutes les parties à faire les efforts nécessaires pour éviter un retour des hostilités à Gaza", a dit son porte-parole.
"La décision d'Israël d'interrompre l'aide à Gaza est inquiétante. Le droit international humanitaire est clair: nous devons être autorisés à accéder pour fournir une aide vitale et essentielle", a écrit simultanément sur X Thomas Fletcher, le chef des affaires humanitaires de l'ONU.
L'Arabie saoudite a condamné dimanche la décision d'Israël de bloquer l'entrée de l'aide humanitaire dans la bande de Gaza, dénonçant une "punition collective". Le royaume "condamne et dénonce la décision du gouvernement de l'occupation israélienne de bloquer l'entrée de l'aide humanitaire à Gaza et de l'utiliser comme un outil de chantage et de punition collective", a affirmé le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué publié par l'agence officielle SPA.
L'Egypte, pour sa part, a accusé Israël de "violation flagrante" de l'accord de trêve après le blocage de l'aide à Gaza.
Gisha, une organisation israélienne de défense des droits de l'homme, ainsi que quatre autres ONG ont déposé une requête auprès de la Haute Cour de justice israélienne demandant une ordonnance provisoire interdisant au gouvernement de couper l'approvisionnement en aide humanitaire à la bande de Gaza, rapporte le Times of Israel. Les ONG avertissent que cette mesure met en danger la vie des civils palestiniens dans le territoire et qu'elle viole donc les obligations de l’État hébreu en vertu du droit international.
L'organisation Gisha souligne que l'arrêt de l'aide est illégal « même si Israël prétend que l'aide existante est suffisante ». Elle précise que les récents rapports des médias selon lesquels six bébés à Gaza sont morts d'hypothermie en février ont prouvé que cette affirmation était fausse. « Selon le droit humanitaire, il existe une obligation de protéger la population civile et de permettre le libre passage de l'aide humanitaire à cette population », écrit Gisha dans sa pétition.
« Ces obligations ne peuvent être soumises à des considérations politiques, et l'aide humanitaire ne peut être utilisée comme un outil de guerre ou un moyen de pression », conclut le groupe de défense des droits de l'homme.
- "Aller au bout" de l'accord -
Dans ce bras de fer, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a ordonné la suspension dimanche de "toute entrée de marchandises et approvisionnements dans Gaza".
En cause selon lui, le rejet par le Hamas d'un compromis américain, accepté par Israël, prévoyant une extension du cessez-le-feu pendant le ramadan et la Pâque juive, soit jusqu'à la mi-avril.
Le plan stipule selon Israël que "la moitié des otages (israéliens à Gaza), morts et vivants", seraient rapatriés au premier jour de son entrée en vigueur. Les derniers captifs seraient remis "à la fin, si un accord est trouvé sur un cessez-le-feu permanent".
Le Hamas a rejeté cette option qui reviendrait selon lui à permettre à Israël de "se soustraire" à ses engagements.
Il a réaffirmé sa "volonté d'aller au bout des (deux) étapes restantes de l'accord" initial, soit "un cessez-le-feu global et permanent" et le "retrait complet" des forces israéliennes de Gaza, avant "la reconstruction et levée du siège" du territoire.
- Les prix grimpent à Gaza -
Le Hamas a dénoncé comme "un crime de guerre et une violation flagrante de l'accord" la décision israélienne, qui coupe une aide vitale au territoire ravagé par la guerre, où ses 2,4 millions d'habitants sont confrontés à une crise humanitaire majeure.
Au pouvoir à Gaza depuis 2007, le mouvement islamiste a appelé "les médiateurs et la communauté internationale (à) faire pression" sur Israël pour "mettre un terme à ses mesures punitives".
Israël "porte la responsabilité des conséquences du sabotage" de la trêve, a abondé le Jihad islamique, son allié.
"Vers 7H30, l'armée a donné l'ordre" de fermer le point de passage de Kerem Shalom, témoigne Abou Youssef Shheiber, un transporteur, qui a dû faire demi-tour.
"Dès que les commerçants ont été informés de la fermeture (...) ils ont augmenté les prix", déplore Oum Mohammad Abou Laia, une habitante de Rafah.
Le chef de la diplomatie israélienne, Gideon Saar, a dénoncé comme un "mensonge" les avertissements répétés des organisations internationales faisant état de menaces de famine à Gaza durant la guerre.
Négocié pendant des mois, l'accord de trêve comprend trois phases. Durant la première, le Hamas a rendu 33 otages -dont huit morts- à Israël, en échange de la libération d'environ 1.800 détenus palestiniens.
Sur les 251 otages emmenés à Gaza durant l'attaque du 7-Octobre, 58 y sont toujours retenus, dont 34 déclarés morts par l’armée israélienne.
Refusant pour l'heure de s'engager dans la deuxième étape, Israël exige que Gaza soit complètement démilitarisée et le Hamas éliminé, ce qu'exclut ce mouvement.
- Aide militaire américaine -
Une réunion ministérielle arabe est prévue lundi au Caire, suivie d'un sommet arabe consacré à Gaza.
Dans ce contexte de fortes tensions, les Etats-Unis ont annoncé avoir accéléré l'envoi d'une aide militaire d'environ quatre milliards de dollars à Israël, leur allié.
L'attaque du 7-Octobre a fait 1.218 morts côté israélien, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP basé sur des données officielles et incluant les otages morts ou tués en captivité à Gaza.
La riposte de l'armée israélienne a fait au moins 48.392 morts, essentiellement des civils, d'après les données du ministère de la Santé du Hamas, jugées fiables par l'ONU.
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