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Lifestyle - Vient de paraître

Anthony Seklaoui, un peu du Liban chez Alaïa

Dans l’ouvrage « Alaïa by Seklaoui » (éditions Mörel)*, les images du franco-libanais, l’un des plus talentueux photographes de mode de sa génération, nous plongent dans l’intimité des essayages et des backstage des défilés Alaïa depuis l’arrivée de Pieter Mulier en tant que directeur créatif de la Maison. Rencontre.

Anthony Seklaoui, un peu du Liban chez Alaïa

Le photographe libanais d’origine derrière les magnifiques clichés de l’ouvrage « Alaïa by Seklaoui ». Photo Pablo Freda

Jeudi 13 février, en début de soirée, une file d’une centaine de personnes se formait au niveau du 15 rue du Faubourg Saint-Honoré. C’est à cette adresse emblématique de Paris que la Maison Alaïa inaugurait le 20 janvier sa nouvelle et impressionnante boutique. Mais si le monde y affluait en masse ce soir-là, c’était pour le lancement et la signature du très attendu livre Alaïa by Seklaoui. 

Très bel hommage à Alaïa. Photo Anthony Seklaoui


Publié par Mörel, cet ouvrage en édition limitée dont les images sont signées par le photographe franco-libanais Anthony Seklaoui propose une immersion dans les coulisses du processus créatif de la Maison, offrant un regard intime sur le développement des collections d’Alaïa par Pieter Mulier, directeur artistique de la marque depuis 2021. En plus de marquer la sortie de son premier livre, le moment est d’autant plus spécial pour le photographe de 37 ans dont le nom se trouve désormais uni à l’une des institutions les plus mythiques de l’histoire de la mode. Encore plus depuis que Pieter Mulier en a pris les rênes et qu’il a réussi, avec l’inégalable point de vue qui est le sien, l’exercice périlleux de faire de cette Maison l’une des plus désirables de l’époque, tout en respectant l’héritage laissé par son fondateur, Azzedine Alaïa. Nous retrouvons Anthony Seklaoui au lendemain de ce lancement. Encore sur son nuage, il cherche les mots qui soient à la hauteur de ses émotions, quelque part entre « la peur de se mettre à nu, maintenant que ces images ne nous appartiennent plus », et « la plus belle satisfaction, celle de savoir que mon travail peut toucher des gens que je ne connais pas, surtout à travers ce projet qui m’est le plus cher ». 

Image extraite du livre « Alaïa by Seklaoui ». Photo Anthony Seklaoui


La photographie, un besoin viscéral

Né à Nice en 1987 d’un père libanais et d’une mère australienne d’origine libanaise immmigrés en France, Anthony Seklaoui avoue qu’il a mis du temps à découvrir l’artiste en lui. « À part le fait que je dessinais beaucoup, à part la musique, et notamment celle de Feyrouz qui m’a accompagné tout le long de mon enfance, l’art n’était pas vraiment quelque chose qui faisait partie de mon environnement familial, dit-il. Le Liban, même de loin, a toujours occupé une place cruciale dans ma vie, dans mon éducation. D’ailleurs, L’Orient-Le Jour était mon lien principal avec le pays. J’ai grandi avec ce journal, au quotidien, et m’y trouver aujourd’hui est un immense honneur. Ensuite, plus je grandissais, plus le Liban passait par des crises, et plus je m’y attachais. J’ai découvert mon pays d’origine sur le tard, en 2005, et même si j’aimerais y retourner plus souvent, le Liban reste en moi. À tel point que souvent, et les cinq dernières années particulièrement, je ressentais presque une culpabilité à l’idée de voir le pays sombrer, alors que les choses se passaient bien pour moi. C’est un peu la même chose, les mêmes émotions que nous, les Libanais de l’étranger, partageons. » À la sortie de l’école, Seklaoui se disperse, il se perd. Il s’essaye à des études en biologie, puis en informatique, avec à chaque fois cette impression de ne pas être à sa place. Au cours de cette traversée du désert, le hasard le réunit avec un ami de longue date, « un artiste dans tout son être », comme le décrit Anthony Seklaoui, qui raconte : « Il faisait beaucoup de photos argentiques, et c’est peut-être cliché de le dire, mais au moment où j’ai placé mon œil dans l’objectif de sa caméra, le déclic est survenu. J’ai compris que c’était mon outil, que c’était ça que je voulais faire. » Il ressort le vieux Canon de son père, prend des photos frénétiquement à mesure qu’il déchiffre cet appareil et ce médium dont il ne savait rien. « C’est là que j’ai décidé de tout plaquer, sans rien dire à mes parents, et de passer le concours pour l’ESRA (École supérieure de réalisation audiovisuelle) à Nice. C’est une amie proche qui m’a fait un chèque pour la soumission de mon dossier, et mes parents ne l’ont appris qu’au moment où j’ai été pris », se souvient-il. Au terme de ces trois années de formation durant lesquelles il se sent « accompli en tant qu’artiste », Anthony Seklaoui monte à Paris pour faire du cinéma. Il a 27 ans, très peu d’argent et partage avec sa copine de l’époque un 11 mètres carrés. « J’ai basculé vers la photo presque au hasard, en suivant les conseils d’une amie très proche, Maeva, qui m’a pris sous son aile. Je ne savais rien, il me fallait tout apprendre. Maeva me conseille à l’époque de faire un stage dans un studio de photo, elle m’aide à décrocher un poste d’assistant plateau. Je lui dois tout », dit-il. Le plus émouvant dans cette histoire, c’est qu’aujourd’hui, Maeva est la retoucheuse d’Anthony. « Elle m’accompagne sur tous mes projets, notamment celui d’Alaïa par Seklaoui. C’est comme si la boucle avait été bouclée. » Ce stage-là, en plus de lui avoir tout appris, Anthony Seklaoui le vit comme la confirmation « que faire des images est un besoin viscéral. Pas une envie, un besoin ». Parallèlement à son travail d’assistanat, il développe son portfolio personnel qu’il se met à publier sur Instagram. Très vite remarqué, il décroche un job commercial à Los Angeles qui lui permet de se consacrer à sa carrière en solo. « Les choses se sont faites très vite à partir de là, c’était organique. J’ai été signé dans une première agence, puis chez Art & Commerce un an plus tard », raconte le photographe dont les images seront convoitées par des publications comme M Le Monde, Self Service, Harper’s Bazaar France, Vogue France (dont il a déjà fait la couverture), ainsi que par de légendaires maisons de mode, dont Gucci et, bien sûr, Alaïa. 

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Avec Pieter Mulier, une obsession commune pour la beauté brute

Armé de son appareil photo, Anthony Seklaoui dit « rechercher la vérité. Les instants les plus dénués d’artifice » . Dans ses images, il attrape les fêlures, le doute, l’intimité, les moments de vulnérabilité où surgit la beauté dans sa forme la plus brute. Enveloppées par une matière soyeuse dont lui seul a le secret, les photos d’Anthony existent dans cet espace suspendu entre documentaire et onirisme. Mais ce qui rend sa photographie de mode unique en son genre, c’est précisément d’avoir trouvé cet équilibre impossible entre d’un côté l’éphémère et, de l’autre, une idée de la beauté sans âge, hors du temps. Tant et si bien qu’en 2021, Alaïa, dont la direction artistique vient d’être confiée au créateur belge Pieter Mulier, fait appel à Anthony pour documenter les coulisses du premier défilé de Mulier. 

À travers la photographie brute de Seklaoui, ce livre révèle le soin, le savoir-faire exceptionnel et les longues heures de préparation nécessaires à la création de chaque vêtement chez Alaïa. Photo Anthony Seklaoui


« J’avais du mal à y croire. Je connaissais le travail de Pieter à travers le documentaire Dior and I, lorsqu’il travaillait dans cette maison aux côtés de Raf Simons », se souvient Seklaoui. C’est alors que naît une collaboration intime, mais aussi une amitié profonde entre les deux hommes. Un lien construit autour de leur obsession partagée pour la beauté brute, pure. Au cours des trois dernières années de Pieter Mulier en tant que directeur créatif de la Maison, Anthony Seklaoui, avec son œil à la fois sensible et journalistique, suivra de près les équipes d’Alaïa pendant les essayages, dans les coulisses des défilés et au cours des moments qui suivent, lorsque les collections sont dévoilées au public. « J’ai un profond respect pour Pieter, qui a réussi le pari fou de reprendre une maison aussi iconique en mettant tout le monde d’accord, tout en s’inscrivant dans la continuité d’Azzedine Alaïa. Pour moi, tout ce à quoi touche Pieter, tout ce qu’il crée est un hommage à la femme. Il suffit de voir les filles lors des essayages avant les défilés, au moment où elles se regardent dans le miroir et que quelque chose s’illumine dans leur regard, pour prendre la mesure du talent de Pieter », s’enthousiasme Anthony Seklaoui. « Très naturellement, et surtout très tôt, l’idée de rassembler ces images dans un livre nous est venue avec Pieter », raconte celui qui avoue avoir « pleuré » quand Alaïa by Seklaoui est né. 

Un ouvrage qui nous plonge dans l’intimité des essayages et des backstages des défilés Alaïa depuis l’arrivée de Pieter Mulier. Photo Anthony Seklaoui


À travers la photographie brute de Seklaoui, ce livre révèle le soin, le savoir-faire exceptionnel et les longues heures de préparation nécessaires à la création de chaque vêtement chez Alaïa. Véritable reportage photo, cet ouvrage raconte et documente le parcours d’une collection dans sa forme la plus pure. En plus d’être un témoignage visuel de la dévotion et du savoir-faire des équipes, cette série d’images révèle l’intensité, la vulnérabilité et la beauté brute qui définissent les étapes cruciales précédant un défilé. Une manière particulière de donner à ces moments décisifs l’importance qu’ils méritent. « Anthony a un œil remarquable, capable d’extraire la beauté du chaos, dit Pieter Mulier. Alaïa by Seklaoui est un hommage à notre amitié, mais surtout à tous ceux qui contribuent à la magie d’une collection. Les ateliers, les équipes, la production, les filles qui défilent – le cercle intime d’Alaïa. » Dans la préface du livre, Mulier dit que « dans ses pages, Alaïa by Seklaoui promet de rendre intemporel ce moment éphémère qu’est un défilé ». Nous nous permettons de rajouter que cet ouvrage promet aussi de rendre le Liban un peu plus fier, grâce au talent d’Anthony Seklaoui… 

*« Alaïa by Seklaoui », aux éditions Mörel, est disponible dans les boutiques Alaïa et sur maison-alaia.com. Une édition spéciale limitée de 250 exemplaires numérotés, présentée dans une boîte Alaïa sur mesure et dans un format plus grand, est également disponible, avec seulement 50 exemplaires proposés à la vente.

Jeudi 13 février, en début de soirée, une file d’une centaine de personnes se formait au niveau du 15 rue du Faubourg Saint-Honoré. C’est à cette adresse emblématique de Paris que la Maison Alaïa inaugurait le 20 janvier sa nouvelle et impressionnante boutique. Mais si le monde y affluait en masse ce soir-là, c’était pour le lancement et la signature du très attendu livre Alaïa by Seklaoui. Publié par Mörel, cet ouvrage en édition limitée dont les images sont signées par le photographe franco-libanais Anthony Seklaoui propose une immersion dans les coulisses du processus créatif de la Maison, offrant un regard intime sur le développement des collections d’Alaïa par Pieter Mulier, directeur artistique de la marque depuis 2021. En plus de marquer la sortie de son premier livre, le moment est d’autant plus...
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