Les combats en Syrie se sont intensifiés, plongeant les habitants dans les pires conditions humanitaires depuis le début de la guerre civile il y a plus de 13 ans, selon le dernier rapport de la Commission d’enquête de l’ONU sur la Syrie publié mardi.
« Les dynamiques mortelles profondément ancrées ravivent à nouveau de nouvelles vagues d’hostilités », a déclaré Paulo Pinheiro, président de la Commission, au cours d’une conférence de presse.
Le rapport indique que plus de 150 civils ont été tués ou blessés, la grande majorité lors de « frappes indiscriminées » par les forces gouvernementales. Bien que les combats entre les forces du président Bachar el-Assad et les rebelles le long du front d’Idleb se déroulent à une échelle plus petite que pendant la période du précédent rapport, les attaques du groupe dit État islamique ont augmenté et sont sur le point de doubler en Irak et en Syrie cette année. La guerre à Gaza a également entraîné une augmentation de la violence dans le pays, alors qu’Israël continue de cibler des groupes affiliés à l’Iran, qui à leur tour attaquent les bases américaines dans les provinces orientales.
La Commission composée de trois membres – créée par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU et composée d’experts juridiques et en droits humains du Brésil, d’Égypte et du Royaume-Uni – a mené 385 entretiens et analysé divers documents, photos, vidéos et images satellite pour le rapport, couvrant les six premiers mois de 2024.
Torture des deux côtés
Les enquêtes de la Commission ont révélé que la torture et les disparitions forcées continuent d’être des pratiques courantes parmi les acteurs relevant de l’État et non officiels à travers le pays.
Les autorités de tous bords « exercent le pouvoir de manière arbitraire et commettent des violations en toute impunité », indique le rapport dans son introduction, « et six armées étrangères restent engagées ». Le gouvernement syrien, proche de la Russie, de l’Iran et d’autres entités étrangères, contrôle environ 70 % du territoire syrien, tandis que les groupes armés non officiels contrôlent diverses zones peuplées dans le Nord et le Nord-Ouest, les zones restantes étant contrôlées par Israël, la Turquie et les États-Unis.
Le rapport énumère les témoignages de dizaines de personnes ayant survécu à une détention par les forces progouvernementales et antigouvernementales. Leurs témoignages viennent s’ajouter à la documentation exhaustive de la torture et du viol subis par diverses démographies en Syrie. Ils décrivent les conditions inhumaines dans les centres de détention appartenant à la Direction générale du renseignement militaire, sous Assad, et au groupe Hay’at Tahrir el-Cham (HTS).
« Les forces de sécurité et factions prédatrices utilisent la violence, la détention et les menaces pour extorquer de l’argent aux civils, a affirmé la commissaire Hanny Megally. Vous risquez d’être arrêté, torturé, violé, de mourir en détention ou de disparaître dans toutes les zones du pays si vous vous opposez aux autorités. »
Désertion, détention, disparition
Hay’at Tahrir el-Cham a détenu des hommes, des femmes et des enfants dès l’âge de sept ans, rapporte la Commission, y compris des civils détenus pour avoir critiqué le groupe et participé à des manifestations contre celui-ci.
Les hommes qui ont refusé de servir dans l’armée ou ont déserté continuent de subir la torture et le viol en détention cette année. Un cas illustre l’histoire d’un déserteur qui a fui la Syrie et a été renvoyé dans le pays, où il a été détenu pendant trois mois, battu, torturé et placé dans une pièce destinée à l’isolement avec huit autres personnes.
Les avocats, les agents d’État et les intermédiaires exigent des pots-de-vin de ceux qui souhaitent obtenir la libération ou le transfert d’un détenu, explique le rapport, et des pourboires sont souvent nécessaires pour que les proches obtiennent des droits de visite ou même des informations sur les conditions de leurs proches emprisonnés. Avec 90 % des Syriens vivant sous le seuil de pauvreté, ces versements représentent une charge financière supplémentaire pour des familles et des individus qui luttent pour couvrir leurs besoins essentiels.
Avertissements contre le renvoi des Syriens
« La Syrie reste extrêmement dangereuse, a souligné Hanny Megally. Aucun réfugié syrien ne devrait être contraint de retourner dans les conditions actuelles. »
Depuis le printemps de cette année, le gouvernement libanais sortant a introduit une série de mesures sévères contre les Syriens présents dans le pays. Il a menacé d’augmenter les expulsions, malgré les avertissements selon lesquels celles-ci signifient que les rapatriés pourraient faire face à la torture, à la disparition ou à la mort.
« La Commission exhorte tous les États membres accueillant des réfugiés syriens à veiller à ce que tout retour soit volontaire, sûr, digne et durable, a déclaré son porte-parole à L’Orient Today. Personne n’ayant cherché protection dans un pays tiers ne devrait être contraint de retourner, que ce soit dans la région ou au-delà. »
De nombreux réfugiés syriens dans les pays voisins venaient de zones anciennement contrôlées par l’opposition et désormais sous contrôle gouvernemental et, par conséquent, sont particulièrement à risque s’ils y retournent.
« Nous espérons que les conclusions du rapport seront prises en compte par tous les pays accueillant des réfugiés afin qu’ils déterminent leurs politiques, a affirmé le porte-parole, et que les pays donateurs seront également persuadés d’augmenter ou, à tout le moins, de maintenir leur financement pour soutenir ces pays et les communautés dans lesquelles les réfugiés ont cherché protection ». Il a noté spécifiquement qu’à l’automne dernier, le nombre de Syriens demandant l’asile en Europe a atteint le niveau le plus élevé en sept ans.
La Commission se prépare maintenant à des discussions avec les États membres du Conseil des droits de l’homme de l’ONU, qui sont actuellement en train d’examiner le rapport avant une présentation le 20 septembre par les commissaires.