Quinze ans après le crash au large des Comores d'un avion qu'elle exploitait, qui a coûté la vie à 152 personnes, la compagnie Yemenia Airways a été condamnée en appel mardi à Paris à l'amende maximale pour homicides involontaires.
La cour d'appel a confirmé le jugement du 14 septembre 2022, qui avait sanctionné l'entreprise yéménite d'une amende de 225.000 euros en lui imputant des « défaillances en lien certain avec l'accident ».
Le vol Yemenia 626 s'est abîmé dans l'océan Indien dans la nuit du 29 au 30 juin 2009, alors qu'il s'apprêtait à atterrir à l'aéroport de Moroni, capitale des Comores. La catastrophe a tué 11 membres d'équipage et 141 passagers, dont 65 Français, entrainant une enquête en France. Seule une enfant de 12 ans a survécu en restant agrippée à un débris d'avion pendant des heures dans la mer agitée.
Les investigations menées sur les boîtes noires, retrouvées fin août 2009 par 1.280 mètres de fond, ont permis de conclure que l'accident était dû à une série d'erreurs de pilotage, et la compagnie qui embauchait l'équipage a été mise en cause.
La présidente de la cour d'appel n'a pas détaillé les motivations de la décision: en première instance, le tribunal avait souligné que la compagnie n'aurait pas dû maintenir les vols de nuit en période estivale, où la météo était susceptible d'imposer une manœuvre d'atterrissage délicate alors que certains feux de l'aéroport ne fonctionnaient pas. La juridiction avait aussi relevé l'affectation sur le vol d'un copilote ayant des « fragilités professionnelles ».
La cour d'appel a ajouté à cette condamnation une obligation d'affichage de la décision pendant deux mois dans les aéroports de Roissy et de Marseille.
La Yemenia Airways, qui a fait appel de sa condamnation en première instance, peut désormais former un pourvoi en cassation. Ses avocats n'ont pas souhaité s'exprimer mardi. « On est très satisfaits de cette décision qui confirme une évidence au regard des éléments matériels qu'il y avait dans le dossier », a réagi Me Roman Leibovici, l'un des avocats de l'association des proches des victimes.
« Aucune circonstance atténuante »
« C'est un travail de quinze ans qui aboutit aujourd'hui, en espérant que l'arrêt sera définitif parce qu'à chaque fois, c'est une nouvelle épreuve pour l'ensemble des ayants droit », a-t-il ajouté, évoquant les « moyens considérables » de la compagnie et de ses assureurs, « qui jusqu'à présent ont fait tout ce qui leur était possible pour retenir au maximum les indemnisations. »
La cour d'appel a suivi le parquet général qui a requis lors du deuxième procès en mars 2024 la confirmation du jugement, affirmant ne voir « aucune circonstance atténuante » pour l'entreprise. « Quelle que soit la peine que votre cour prononcera, elle paraîtra dérisoire au regard de leur souffrance », avait déclaré l'avocate générale, en faisant référence aux familles des victimes.
Ce second procès a été marqué, à nouveau, par le témoignage puissant de Bahia Bakari, 27 ans aujourd'hui, seule rescapée de la catastrophe. De nombreux proches des victimes s'étaient déplacés pour l'écouter. Comme en première instance, le banc des prévenus est resté vide. Seule différence: un dirigeant de la compagnie a été interrogé en visio-conférence, mais il n'a néanmoins pas été en mesure de répondre à la plupart des questions.
Lors de son ultime voyage, l'Airbus A310 transportait de nombreux Comoriens et Français d'origine comorienne se rendant dans l'archipel pour célébrer de « grands mariages », des cérémonies rassemblant des villages entiers.
Partis de Paris ou Marseille, les passagers avaient changé d'avion à Sanaa, au Yémen, pour embarquer dans un appareil plus vétuste. Ce fonctionnement et les conditions « exécrables » de vol sur la compagnie étaient dénoncés depuis des mois par une association, SOS Voyages aux Comores.
Les expertises judiciaires ont cependant conclu que l'état technique de l'avion n'était pas en cause dans l'accident.
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