Rechercher
Rechercher

Lifestyle - Archéologie

Un édifice chrétien préislamique gît sous les ruines d’une mosquée à Bahreïn

Il s’agit de la découverte archéologique la plus importante de la région, selon les archéologues de l’Université d’Exeter.

Un édifice chrétien préislamique gît sous les ruines d’une mosquée à Bahreïn

Image montrant les vestiges d'un édifice chrétien primitif découvert à Samahij, à Bahreïn. La structure représente le premier, le plus ancien et le seul édifice chrétien découvert à ce jour à Bahreïn. Photo University of Exeter

Les fouilles archéologiques menées à Samahij, sur la côte nord de l’île de Mouharrak à Bahreïn, ont dévoilé les vestiges d’un bâtiment préislamique ayant abrité une communauté chrétienne. L’édifice, orné de trois croix en plâtre et de graffitis gravés d’un poisson et des lettres grecques « chi » et « rho » (les deux premières du nom du Christ), était tapi sous le mur d’enceinte d’une mosquée en ruine datant du XVIIe siècle et connue autrefois sous le nom de « mosquée Cheikh Malik ». La datation au radiocarbone indique qu’il a été occupé entre le IVe et le milieu du VIIIe siècle. « C’est le premier et seul bâtiment chrétien découvert à ce jour à Bahreïn. Il s’agit aussi de l’un des premiers édifices chrétiens de toute la région du golfe Persique. En plus, la structure est presque intacte », affirme sur le site de Newsweek l’archéologue britannique de l’Université d’Exeter Timothy Insoll, qui a dirigé les excavations en collaboration avec une équipe locale.

Le bâtiment de 17 m de long et 10 m de large pourrait faire partie d’un monastère ou d’une résidence épiscopale. Il comprend une cuisine avec plusieurs foyers, un réfectoire, un atelier et trois pièces. Les sols en plâtre et les restes des murs, dont la face intérieure est en pierre crépie, ont survécu grâce à la construction ultérieure de la mosquée, selon l’archéologue Insoll. Alvéoles et trous indiquent l’emplacement des portes et des bancs. La découverte de résidus alimentaires fournit également des indices sur l’alimentation consommée par les occupants des lieux : poisson, crustacés et porc étaient au menu. L’étude des objets trouvés, comme les tessons d’amphores et les débris de coupes de verre, révèle que ces récipients étaient utilisés pour stocker et boire du vin.

Des perles en cornaline et des tessons de poterie d’origine indienne suggèrent que la communauté était en relation avec cette région d’Asie du Sud. Selon l’équipe des archéologues, il est possible que ces chrétiens faisaient partie de l’Église nestorienne, qui a prospéré dans le Golfe entre le Ve et le VIIe siècle. L’une de leurs hypothèses est que ces ruines sont celles de la résidence épiscopale à Samahij. Diverses sources historiques font en effet référence aux dignitaires du diocèse (de Samahij), dont les relations avec les autorités de l’Église nestorienne étaient parfois tumultueuses. Ainsi, un évêque a été excommunié en 410 et un autre condamné au milieu du VIIe siècle pour avoir remis en cause l’unité de l’Église.

À lire aussi

À Abou Dhabi, la « maison d’Abraham », symbole d’unité des religions

Le petit royaume, dans l’histoire du monde

« C’était tout simplement incroyable », a déclaré pour sa part le directeur des antiquités et des musées de l’Autorité de Bahreïn, Salmane al-Mahari. « Le christianisme est mentionné dans notre histoire orale, dans la mémoire du peuple et dans la littérature. Nous avons lu à ce sujet dans des sources historiques depuis le cinquième siècle, mais nous n’avons rien découvert avant cela. C’est donc la première preuve physique dans le pays, les premiers vestiges archéologiques liés à cette période », s’est-il enthousiasmé.

Qal’at al-Bahreïn – ancien port et capitale de Dilmoun. Photo tirée de la page officielle de l'UNESCO

Territoire insulaire exigu, l’émirat de Bahreïn a été une étape importante sur les routes commerciales dans l’Antiquité. L’archéologie, l’épigraphie et l’ethnologie ont en effet permis de révéler sur ses terres la cité de Dilmoun, dont « le nom figure parmi les premiers textes cunéiformes » (publication en 1861, en France, des inscriptions du palais assyrien de Khorsabad, en Irak), relève une étude publiée par l’Institut du monde arabe à Paris, à l’occasion de deux expositions consacrées à ce petit État, en 1999 et 2009.

Désignée dans la mythologie comme le paradis mésopotamien, l’antique Dilmoun, qui prospéra avec les grands royaumes de la Mésopotamie et de l’Indus, avait été découverte par une mission archéologique danoise dirigée par Peter Glob (1911-1985) et Geoffrey Bibby (1917-2001). Ils avaient aussi mis au jour les principaux sites archéologiques du pays, tels Kalaat al-Bahreïn, Barbar et Oumm el-Soujour, « insérant Bahreïn dans l’histoire du monde », comme l’avait dit Geoffrey Bibby.

L’expédition archéologique danoise à Bahreïn à la recherche des ruines de la civilisation de Dilmoun dans les années 1950. Sur la photo, l'archéologue Geoffrey Bibby sur le site fouillé du fort de Bahreïn. Photo Creative Commons

Bahreïn est également caractérisé par ses nécropoles antiques. Une opération photographique aérienne réalisée par la Royal Air Force britannique en 1959 et son exploitation par le danois Steffen Terp Laursen à partir de 2006 ont permis de dresser une cartographie de l’ensemble des nécropoles. Les images captées avant l’urbanisation de Bahreïn ont permis de comptabiliser les tumuli (grands amas artificiels de terre ou de pierre qu’on élevait au-dessus d’une sépulture) et de favoriser les recherches détaillées sur l’organisation spatiale des cimetières et le repérage des tombes dites ring-mounds, réservées aux chefs et qui précèdent le début de la phase Dilmoun.

Signalons enfin que la première église catholique érigée à l’époque moderne dans cette région du Golfe se trouve à Bahreïn : l’église du Sacré-Cœur, construite en 1939 dans la capitale Manama sur un terrain offert par l’émir.

La cathédrale Notre-Dame du Sacré-Cœur à Manama, la plus ancienne église du Golfe. Photo tirée des réseaux sociaux

Des croix disséminées dans le désert

Une communauté chrétienne a inscrit sa marque en gravant des croix ostentatoires au cœur du désert, à Jabal Kawkab, dans le secteur de Bir Hima, au sud de l’Arabie saoudite. Découvertes en 2014, des gravures de croix datées de 470-475 et des épigraphes s’étendant sur un kilomètre carré se réfèrent aux noms des martyrs ayant perdu la vie lors de la persécution chrétienne par la dynastie des Himyarites qui avait instauré un monothéisme judaïque.

Kilwa, un plateau désertique en Arabie saoudite, à une trentaine de kilomètres de la frontière jordanienne, a connu une occupation chrétienne au Ier siècle de l’ère chrétienne. Les chrétiens y ont laissé un témoignage architectural : monastère avec des cellules isolées pour les moines, chapelle, église, cuisine, réfectoire, citernes d’eau, jardins, et une quantité de croix marquées sur la pierre et des épigraphes commémorant les cultes.

Sur l’île de Siniya, à une cinquantaine de kilomètres au large d’Abou Dhabi, un monastère vieux de 1 400 ans émerge des dunes. Enfoui depuis des siècles sous les sables, l’église et ses dépendances pourraient être antérieures à l’islam. L’analyse au radiocarbone des échantillons prélevés a permis de dater l’ensemble entre 534 et 656, donc avant ou au même moment que la naissance de l’islam (le prophète Mohammad est né vers 570 et il est mort en 632).

Les fouilles menées dans l’île de Sir Bani Yas, au large des côtes d’Abou Dhabi, avaient mis au jour une église et un monastère avec des installations communautaires et un cimetière datant des VIIe et VIIIe siècles.

L’émirat du Koweït avait dévoilé en 2021 le site d’al-Kousour qui a abrité un monastère et deux églises, dont la plus imposante, construite en briques crues, était ornée de croix et de décors en stuc. Les lieux témoignent d’une présence chrétienne implantée au VIIe siècle, peu avant l’avènement de l’islam, et ce jusqu’à la période abbasside.

Quant au plus vieux monastère chrétien d’Irak, âgé lui aussi de 1 400 ans et consacré à saint Élie (Deir Mar Élia), il était situé à Mossoul. Il a été rasé en 2014 par le groupe État islamique. Construit entre 582 et 590, les lettres grecques « chi » et « rho », les deux premières du nom du Christ donc, étaient gravées dans la pierre, près de l’entrée. Deir Mar Élia a été un site sacré pour les chrétiens irakiens pendant des siècles. 

Les fouilles archéologiques menées à Samahij, sur la côte nord de l’île de Mouharrak à Bahreïn, ont dévoilé les vestiges d’un bâtiment préislamique ayant abrité une communauté chrétienne. L’édifice, orné de trois croix en plâtre et de graffitis gravés d’un poisson et des lettres grecques « chi » et « rho » (les deux premières du nom du Christ), était tapi...
commentaires (1)

Merci pour ce bel article.

KHLF V

10 h 01, le 06 août 2024

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • Merci pour ce bel article.

    KHLF V

    10 h 01, le 06 août 2024

Retour en haut