Les tensions diplomatiques entre le Niger et le Bénin sont montées d’un cran après l’interpellation mercredi de cinq Nigériens au port béninois de Sèmè-Kpodji où doit se faire le chargement du pétrole nigérien. Cinq ressortissants nigériens ont été arrêtés au port de Sèmè-Kpodji après "s’être introduits sur le site sans décliner leur identité", a indiqué dans un communiqué jeudi soir le procureur spécial auprès de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme du Bénin, Elonm Mario Metonou.
Les relations entre Niamey et Porto-Novo sont tendues depuis le coup d’Etat militaire au Niger qui a renversé le président élu Mohamed Bazoum en juillet 2023. Ces relations tournent depuis quelques mois au bras de fer avec pour point d’achoppement l’ouverture de leur frontière commune et le chargement du pétrole nigérien dans les eaux béninoises au port de Sèmè Kpodji via l’oléoduc géant inauguré en novembre et géré par la société chinoise Wapco.
Les autorités nigériennes refusent toujours d’ouvrir leur frontière avec le Bénin, alors que Porto-Novo a longtemps conditionné le chargement du pétrole nigérien dans ses eaux à cette ouverture. "Pour justifier cette entrée frauduleuse sur le site, les intéressés ont indiqué être tous des employés de Wapco-Niger dont ils arborent les badges", a détaillé le procureur béninois. "Au moins deux" d'entre eux sont "des agents nigériens au service du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP, régime militaire)", qui "se sont fait confectionner pour la circonstance de faux badges d’employés de Wapco-Niger", a ajouté le procureur. Le procureur a précisé que "les investigations se poursuivent".
Mercredi soir, la télévision nationale béninoise avait annoncé "la levée du blocus" béninois sur le pétrole nigérien et affirmé que "le robinet du pipeline Bénin-Niger est à nouveau débloqué", laissant la voie libre "au chargement du pétrole". Cette annonce laissait entrevoir un assouplissement de la position béninoise, au moment où est survenue l’interpellation des cinq Nigériens.
"Violation des accords"
Jeudi soir, les ministres nigériens de la Justice et du Pétrole ont confirmé les interpellations et indiqué lors d'un point presse qu'il s'agissait de la "directrice générale adjointe de Wapco", Ibra Hadiza, et de "quatre ingénieurs en mission du supervision". Le ministre nigérien du Pétrole Mahamane Moustapha Barké a accusé le Bénin de "violation des accords" sur le transport du pétrole brut du Niger via le port béninois. Ces accords indiquent selon lui que les opérations de chargement des bateaux doivent se faire en présence des trois parties: béninoise, nigérienne et chinoise. M. Barké a estimé que les autorités du Bénin ont "décidé d'empêcher la partie nigérienne d'accéder aux installations": "Nous ne pouvons pas accepter que ces chargements aient lieu dans ces conditions", a-t-il affirmé.
Le général Abdourahamane Tiani, chef du régime militaire au pouvoir au Niger, a "donné des instructions" pour "arrêter la station (de pompage) de Koulélé", dans le nord-est nigérien, "si les membres de l'équipe" n'étaient pas libérés, a-t-il dit. M. Barké a également mentionné "l’interpellation par l’armée béninoise le 30 mai d’une équipe d’inspecteurs que nous avons envoyés au Bénin pour contrôler les opérations de chargement", finalement libérée quelques heures plus tard.
Le Niger refuse toujours d’ouvrir sa frontière avec le Bénin, accusant ce dernier d’abriter "des bases françaises" dans le nord du pays dans le but "d’entraîner des terroristes qui doivent venir déstabiliser notre pays", a répété à plusieurs reprises ces dernières semaines le Premier ministre nigérien Ali Mahaman Lamine Zeine. Ces accusations ont toujours été réfutées par le Bénin comme par la France.
Un premier chargement de pétrole nigérien au port de Sèmè Kpodji a eu lieu le 19 mai, suite à la médiation de Wapco entre les parties béninoise et nigérienne. Les 27 et 28 mai, une réunion bipartite entre les ministres des Mines béninois et nigérien a eu lieu à Niamey afin de trouver "une porte de sortie" sur l'exportation du pétrole nigérien via le littoral béninois, sans qu’une solution soit finalement proposée. Le général Abdourahamane Tiani avait refusé de recevoir le ministre béninois des Mines, porteur d’un message de son président Patrice Talon, selon les autorités de Porto-Novo.
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