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Crimes contre l'humanité: un ex-ministre gambien estime la Suisse « pas qualifiée » pour le juger

(Les plaignants Demba Dem, Fatou Camara, Madi Ceesay, Ramzia Diab, Binta Jamba et un accompagnateur non identifié posent à l'entrée du Tribunal pénal fédéral suisse, le 8 janvier 2024 à Bellinzone, dans le sud de la Suisse, lors de l'ouverture du procès d'Ousman Sonko, un ancien ministre de l'Intérieur gambien accusé de crimes contre l'humanité commis sous le régime de l'ex-dictateur Yahya Jammeh. Photo AFP/ELODIE LE MAOU

L'ex-ministre gambien de l'Intérieur Ousman Sonko, jugé pour crimes contre l'humanité en Suisse, a nié mardi toute responsabilité opérationnelle et estimé que la justice helvétique n'était « pas qualifiée » pour le poursuivre.

M. Sonko, 55 ans, est accusé de divers chefs de crimes contre l'humanité, dont la torture et le viol répétés, qu'il aurait commis de 2000 à 2016 sous l'ère de l'ancien président à la main de fer, Yahya Jammeh, d'abord en tant que membre de l'armée, puis comme inspecteur général de la police et enfin comme ministre.

Il comparaît devant le Tribunal pénal fédéral à Bellinzone, dans le sud-est de la Suisse, et risque la prison à vie. Il nie les charges à son encontre.

« Il est essentiel de comprendre qu'en tant que ministre de l'Intérieur, je n'avais aucun pouvoir opérationnel », a-t-il dit en anglais aux juges, dans sa déclaration initiale, les mains jointes.

« J'ai joué un rôle purement politique et j'ai toujours veillé (...) à ne jamais interférer avec les responsabilités des chefs de service, qui avaient l'entière responsabilité opérationnelle », a-t-il assuré.

Une ligne de défense qui met en colère la dizaine de parties civiles.

« Il était inspecteur général de la police au moment de mon arrestation, de ma détention et par la suite des tortures que j'ai subies », a déclaré mardi à l'AFP un journaliste gambien, Madi Ceesay, une des parties civiles. « Je suis vraiment sidéré quand il dit qu'il n'est pas responsable ».

Avant le procès, l'avocat de l'ancien ministre, Me Philippe Currat, a affirmé à l'AFP que les faits décrits dans l'acte d'accusation n'engagent pas la responsabilité de M. Sonko mais celle de l'Agence nationale de renseignements (NIA).

La Suisse, « pas compétente » 

« La NIA n'a jamais été sous mon autorité », a encore assuré M. Sonko aux juges, avant de conclure: « Je ne pense pas que la Suisse soit qualifiée ou compétente pour donner des leçons sur les droits de l'homme à qui que ce soit », critiquant ses conditions de détention.

Son procès est possible car la Suisse a procédé à deux changements majeurs de sa législation en 2011, en inscrivant dans son droit les crimes contre l'humanité - des exactions commises dans le cadre d'une attaque de grande ampleur visant des civils - et en se reconnaissant une compétence universelle pour juger certains crimes graves en vertu du droit international.

La cour a décidé mardi que la question de la rétroactivité des faits antérieurs à 2011 serait examinée plus tard, contrairement à ce qu'avait demandé la défense.

« On va de l'avant, c'est positif », a réagi auprès de l'AFP Benoît Meystre, conseiller juridique de Trial International, l'ONG à l'origine de la procédure.

Elise Keppler, directrice adjointe de la division Justice internationale à Human Rights Watch (HRW), a également fait part de sa satisfaction à l'AFP: « Ce procès important est maintenant en train d'avancer. »

Pour la deuxième fois en quelques mois, la justice suisse est amenée à juger un prévenu étranger accusé d'avoir commis des crimes contre l'humanité dans son pays d'origine. Mais c'est la première fois que cette notion est abordée en première instance.

Complicité

Ousman Sonko a été arrêté le 26 janvier 2017 en Suisse où il avait demandé l'asile après avoir été démis de ses fonctions ministérielles qu'il a occupées pendant dix ans jusqu'en septembre 2016.

Le Ministère public de la Confédération (MPC, bureau du procureur général) lui reproche d'avoir commis la plupart des actes avec la complicité de l'ancien président de ce petit pays ouest-africain et de « membres dirigeants des forces de sécurité et des services pénitentiaires ».

Son procès doit durer un mois, mais le verdict n'est pas attendu avant mars.

La cour refuse que l'intégralité du procès - qui se déroule pour l'essentiel en allemand - soit traduit en anglais, provoquant l'agacement des avocats de la défense et des parties civiles.

L'ex-ministre gambien de l'Intérieur Ousman Sonko, jugé pour crimes contre l'humanité en Suisse, a nié mardi toute responsabilité opérationnelle et estimé que la justice helvétique n'était « pas qualifiée » pour le poursuivre.M. Sonko, 55 ans, est accusé de divers chefs de crimes contre l'humanité, dont la torture et le viol répétés, qu'il aurait commis de...