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Monde - France

Le monde des échecs en plein émoi, après des affaires de violences sexuelles et le bannissement des trans


Un joueur d'échecs lors du 96e championnat de France, le 25 août 2023 à L'Alpe d'Huez. Photo AFP/Jeff PACHOUD

#MeToo sur l'échiquier: le petit monde des échecs est en plein émoi à la suite du coup de gueule de dizaines de joueuses françaises et à une décision de la Fédération internationale (Fide) pénalisant les femmes trans.

3 août 2023: 14 joueuses françaises, bientôt suivies par plusieurs dizaines d'autres, prennent la plume pour dénoncer dans une lettre ouverte "des violences sexistes ou sexuelles (...) verbales, écrites ou physiques, perpétrées par des joueurs d'échecs, entraîneurs, arbitres ou dirigeants".

"Nous nous sommes tues trop longtemps", ajoutent les autrices, se disant "convaincues que ce harcèlement et ces agressions sont encore aujourd’hui l’une des principales raisons de l’arrêt du jeu d’échecs par des femmes et jeunes filles, notamment à l’adolescence".

"C'est un monde d'hommes", témoigne Mathilde Congiu, ancienne joueuse française et signataire. "Il y a 90% d’hommes et les joueurs se sentent dans une totale impunité, notamment les plus titrés."

"J'ai vécu des choses dont je ne veux pas parler parce que j’ai peur et que ça me remue", explique-t-elle à l'AFP en marge du 96e championnat de France d'échecs, qui s'achève dimanche à l'Alpe d'Huez (Isère, centre-est de la France).

S'y ajoute un "paquet d'histoires sexistes", allant de mains aux fesses aux commentaires condescendants de certains entraîneurs, relate la jeune femme.

Les joueuses françaises ont été en partie inspirées par la double championne américaine Jennifer Shahade, qui a elle-même accusé en février un grand maître et figure du milieu, Alejandro Ramirez, de l'avoir agressée sexuellement deux fois. Son initiative a mis le feu aux poudres et propulsé la problématique #MeToo dans un monde des échecs resté jusqu'alors quasi muet sur le sujet.

Si la question était déjà dans l'air, la lettre ouverte des Françaises "nous a bien réveillés", admet de son côté le vice-président de la Fédération française des échecs (FFE), Jean-Baptiste Mullon, qui a immédiatement apporté son soutien aux signataires. 

Intergénérationnelle et accueillant des autistes, voire des marginaux, la discipline des échecs, divisée en catégories "mixte" et "féminin", est "hyper inclusive", selon lui.  C'est un sport qui n'est "pas plus machiste que la société", mais "souffre des mêmes stéréotypes de genre que les matières scientifiques", estime-t-il. 

« Ecran de fumée »

Mi-août, nouveau coup de théâtre: la Fédération internationale des échecs (Fide) annonce tout à trac que les joueuses transgenres seraient suspendues des catégories féminines de ses tournois tant qu'une "décision" à leur égard ne serait pas prise, en s'accordant un délai de deux ans.

Pour de nombreux joueurs rencontrés par l'AFP à l'Alpe d'Huez, cette disposition, qui s'applique désormais aux compétitions internationales comme les olympiades, est "incompréhensible". 

"Les échecs ne sont pas un sport où l'on est censé avoir un quelconque avantage biologique pour les personnes nées hommes", fait valoir Séraphina Bosc, 20 ans, qui a initié sa transition en femme il y a un an et demi.

Joueuse et activiste trans, Yosha Iglesias, 35 ans, dénonce elle aussi sur les réseaux sociaux une règle qui hypothèquerait lourdement son avenir sportif et une Fide qui s'arrogerait le droit d'"+outer+ les trans auprès de qui bon lui semble", y compris dans les pays où cela peut les mettre en danger.

Plusieurs fédérations nationales dont celles des Etats-Unis, de l'Allemagne et de l'Angleterre ont rapidement fait savoir qu'elles s'y opposaient. Pour l'English Chess Federation, la disposition est "incompatible avec le droit anglais" et "discriminatoire".

La FFE a également décidé de ne pas l'appliquer en France, explique M. Mullon.

Pourquoi donc, au niveau international, la Fide, dirigée depuis 2018 par l'ancien vice-Premier ministre russe Arkadi Dvorkovitch, s'est-elle risquée maintenant à cette suspension inattendue ? 

Pour Jennifer Shahade, le lien est clair: il s'agit d'un "écran de fumée visant à détourner l'attention de MeToo", qui a "pris de l'ampleur ces dernières semaines", a-t-elle accusé mardi dans une tribune publiée sur le site MSNBC. Les institutions seraient mieux inspirées de "protéger et célébrer les membres les plus vulnérables de notre communauté", plaide-t-elle.

#MeToo sur l'échiquier: le petit monde des échecs est en plein émoi à la suite du coup de gueule de dizaines de joueuses françaises et à une décision de la Fédération internationale (Fide) pénalisant les femmes trans.

3 août 2023: 14 joueuses françaises, bientôt suivies par plusieurs dizaines d'autres, prennent la plume pour...

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