Rechercher
Rechercher

Dernières Infos - Affaire Khashoggi

Le prince héritier saoudien bénéficie d'une immunité, selon Washington


Le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane lors d'une réunion au sommet de l'APEC à Bangkok, le 18 novembre 2022. Photo Ludovic MARIN / AFP

Poursuivi au civil devant un tribunal de Washington pour le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi, le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane bénéficie d'une immunité judiciaire, a estimé le gouvernement américain dans un document déposé jeudi.

"Les Etats-Unis informent respectueusement le tribunal que le défendeur Mohammed ben Salmane, Premier ministre du royaume d'Arabie saoudite, est le chef de gouvernement en exercice et, par conséquent, bénéficie d'une immunité contre ces poursuites", indique cet argumentaire signé par l'administration du président Joe Biden.

Le prince, surnommé MBS, a été nommé Premier ministre par décret royal fin septembre, faisant naître des spéculations selon lesquelles il cherchait à se prémunir de plaintes déposées devant des tribunaux étrangers - et notamment une action au civil lancée aux Etats-Unis par Hatice Cengiz, la fiancée turque du journaliste assassiné à Istanbul. Cette dernière a posté en réaction une série de messages courroucés sur Twitter: "Jamal est mort une deuxième fois aujourd'hui", a-elle écrit. "Personne ne s'attendait à une telle décision. Nous pensions que peut-être la justice des Etats-Unis apporterait sa lumière. Mais encore une fois, l'argent a parlé le premier", a insisté Mme Cengiz.

Le meurtre en 2018 de Jamal Khashoggi, un proche du pouvoir saoudien devenu critique par la suite, dans le consulat du royaume à Istanbul (Turquie), avait temporairement fait du prince un paria en Occident. Ses avocats avaient précédemment argué que M. ben Salmane "siège au sommet du gouvernement d'Arabie saoudite" et qu'il doit donc bénéficier de l'immunité que les tribunaux américains accordent aux chefs d'Etat et autres dirigeants étrangers de haut rang.

Le gouvernement américain avait jusqu'à jeudi pour donner son opinion sur le sujet, s'il choisissait d'en donner une. Sa recommandation n'a pas de caractère contraignant pour le tribunal. Le texte ajoute néanmoins que "le département d'Etat ne se prononce pas sur les mérites de cette procédure et réitère sa condamnation sans équivoque du meurtre odieux de Jamal Khashoggi".

"Permis de tuer"

Cette recommandation a déclenché la colère parmi les partisans de l'action de Mme Gengiz, dont des membres de Democracy for the Arab World Now (DAWN), une ONG basée aux Etats-Unis et fondée par M. Khashoggi.

"L'administration Biden a dépassé les bornes en recommandant l'immunité pour MBS et lui évitant de rendre des comptes", a estimé Sarah Leah Whitson, directrice exécutive de DAWN. "Maintenant que M. Biden a déclaré qu'il avait l'immunité totale, nous pouvons nous attendre à ce que les attaques de MBS contre les gens de notre pays empirent encore". Agnès Callamard, secrétaire générale de l'ONG Amnesty International, a qualifié la recommandation du gouvernement américain de "profonde trahison".

Le prince, qui est le dirigeant de facto du royaume depuis plusieurs années, a été vice-Premier ministre et ministre de la Défense sous le règne de son père, le roi Salmane. Après une période relative de mise à l'écart après le meurtre du journaliste, il est revenu sur la scène internationale cette année, notamment grâce au président américain, qui s'est rendu en Arabie saoudite en juillet alors qu'il avait précédemment juré de faire du royaume un "paria".

La recommandation du gouvernement américain déposée jeudi a donné au dirigeant saoudien "un permis de tuer", a dénoncé Khalid al-Jabri, le fils de Saad al-Jabri, un ex-espion saoudien qui a accusé le prince de lui avoir envoyé une équipe de tueurs au Canada. "Après avoir rompu son serment de punir MBS pour l'assassinat de Khashoggi, l'administration Biden non seulement le protège de toute poursuite devant les tribunaux américains, mais le rend plus dangereux que jamais avec un permis de tuer ses opposants sans conséquence", a-t-il dit.

L'an dernier, M. Biden avait rendu public un rapport des services de renseignement indiquant que le prince avait approuvé l'opération ayant entraîné la mort du journaliste. Les autorités saoudiennes démentent.

Dans la procédure civile initiée par Mme Cengiz et DAWN aux Etats-Unis, les plaignants affirment que MBS et plus de 20 co-accusés, "agissant en association de malfaiteurs et avec préméditation, ont enlevé, ligoté, drogué, torturé et assassiné" Jamal Khashoggi, un chroniqueur du quotidien américain Washington Post. Ils demandent des compensations financières et cherchent à démontrer que le meurtre a été ordonné par "le sommet de la hiérarchie du pouvoir saoudien".

Poursuivi au civil devant un tribunal de Washington pour le meurtre du journaliste Jamal Khashoggi, le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Salmane bénéficie d'une immunité judiciaire, a estimé le gouvernement américain dans un document déposé jeudi."Les Etats-Unis informent respectueusement le tribunal que le défendeur Mohammed ben Salmane, Premier ministre du...