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Auto - Éclairage

Peu importe la couleur, tant qu’on a la voiture...

Confrontés aux pénuries de composants électroniques, auxquelles sont venus s’ajouter des problèmes logistiques provoqués par l’invasion russe de l’Ukraine, les constructeurs réduisent leur catalogue pour optimiser les délais de livraison des véhicules neufs. Une tendance appelée à se maintenir dans les années à venir.

Peu importe la couleur, tant qu’on a la voiture...

L’offre « Fast Track » de Renault sur l’Arkana, dont les premiers exemplaires commencent à être livrés en France, garantit une voiture neuve en 30 jours maximum alors que le temps moyen d’attente atteint pas moins de cinq mois habituellement. Stéphane Mahé/Reuters

Pour Émilie (41 ans), le choix de la couleur pour son tout nouveau SUV Renault Arkana ne fut pas cornélien puisque seules trois teintes étaient proposées. Son mari n’aimait pas le noir, elle n’était pas tentée par le blanc perle, tous deux se sont donc accordés sur le gris. Et le couple est ravi, car ce qui comptait avant tout c’était d’avoir le véhicule rapidement. « Vu ce qu’on entend à la télé, des délais de six à huit mois pour avoir une voiture neuve, quand on m’annonce 30 jours, j’ai le sourire. Mais là, je l’ai eue en 15 jours, c’était génial », se souvient cette habitante du Calvados.

Confrontés à plus d’un an de pénuries de composants électroniques, auxquelles sont venus s’ajouter des problèmes logistiques provoqués par l’invasion russe de l’Ukraine, les constructeurs multiplient depuis plusieurs semaines en Europe les offres pour garantir à leurs clients d’avoir leur voiture neuve à temps pour les vacances d’été. Revirement pour un secteur qui ne jurait jusqu’ici que par la personnalisation sur mesure du produit commandé, grâce à la production en flux tendu et la digitalisation des usines. Les acteurs historiques de l’automobile emboîtent aussi le pas à Tesla, dont le catalogue réduit constitue une des clés du succès.

La contrepartie du délai raccourci est un choix drastiquement restreint. L’offre « Fast Track » de Renault sur l’Arkana, dont les premiers exemplaires commencent à être livrés en France, garantit une voiture neuve en 30 jours maximum alors que le temps moyen d’attente atteint pas moins de cinq mois. Mais les voitures stockées pour l’occasion ne sont disponibles qu’en trois couleurs – contre le double habituellement –, un seul niveau de finition (RS Line) et un choix unique de motorisation, l’hybride de 145 chevaux. « Ce délai de livraison, réduit et garanti, est sécurisé grâce à un programme industriel travaillé et un processus de distribution dédié jusqu’au lieu de livraison final », a expliqué le groupe au losange dans un communiqué. Renault a précisé que le délai n’est plus garanti si l’acheteur demande un équipement, un accessoire, une adaptation ou une option supplémentaire. « Ces opérations sont appelées à se multiplier dans le contexte logistique actuel, car les choses prennent du temps à s’améliorer, a assuré une source proche de Renault. Ceci étant, cela passe le message que la réduction de la diversité commerciale et technique est compatible avec un bon business. »

Signe du succès de l’opération, l’Arkana « Fast Track » n’est même pas exposé en concession. En juin, il a représenté la moitié des immatriculations du modèle en France. Ne pouvoir choisir exactement sa voiture est un comble dans un secteur où la capacité de personnaliser son véhicule, avec des combinaisons de couleurs et d’accessoires, ainsi que de suivre à distance l’avancement de la fabrication du modèle commandé constituaient jusqu’ici des arguments commerciaux forts. Mais c’était avant les perturbations provoquées par les pénuries de puces et les difficultés logistiques entraînées par le conflit ukrainien, venues s’ajouter à une simplification des processus industriels pour faire face au coût de l’électrification des véhicules.

« L’automobile vit actuellement un vrai paradoxe : d’un côté, on veut produire à la demande plutôt que de pousser de la tôle ; de l’autre, la réduction de la diversité du produit permet au client de trouver plus facilement le modèle qu’il souhaite sur stock », commente Denis Schemoul, analyste chez S&P Global Mobility (ex-IHS Markit). « La réduction de la diversité profite à tout le monde, c’est une tendance de fond, on ne reviendra pas en arrière. Et tout le monde va suivre, même les Allemands », poursuit-il.

Face aux pénuries de composants, Volkswagen a lui aussi réduit le choix en février sur son ID.3 électrique, disponible en Europe en une seule version afin d’optimiser les délais de livraison sur le véhicule. « Afin de fluidifier et d’optimiser la production de l’ID.3, Volkswagen simplifie son offre (...). La priorité de la marque Volkswagen est en effet de proposer une offre livrable à ses clients dans les meilleurs délais malgré les restrictions liées à la pénurie de micro-processeurs », a expliqué le groupe allemand.

Le choix ? Un embarras !

Comme pour l’ID.3, l’offre « Up and Go » de Dacia, la marque low-cost du groupe Renault, n’a pas réduit la palette des teintes de carrosserie pour accélérer les livraisons, mais plutôt l’éventail des puissances et des options. « Chez nous, la réduction de diversité sur la couleur n’est pas un point bloquant. Mais en guidant les clients sur deux motorisations et une seule finition, il n’y a plus l’embarras du choix, plus d’option, et grâce à cela, du point de vue industriel, c’est beaucoup plus facile à programmer, à ordonnancer », explique Dimitri Manoussis, directeur de la distribution et de la logistique chez Dacia.

« Up and Go », pour montée en gamme et réception plus rapide, permet de gagner 40 jours sur les délais de livraison. La marque revendique 30 % des ventes de Duster dans cette formule, avec un nombre de variantes ramené à 14, contre pas moins de 400 combinaisons pour les 70 % de ventes restants. « Si on réduit la diversité, on fluidifie pas mal de choses, et notamment la partie industrielle », ajoute Dimitri Manoussis. Dacia compte à l’avenir élargir cette offre à de nouveaux marchés, avec la Belgique, le Maroc et le Portugal d’ici à la fin de l’année, suivis du Royaume-Uni, ainsi qu’à l’ensemble de la gamme. En Italie aussi, la préréservation de véhicules sélectionnés avec soin est devenue une pratique de plus en plus répandue face à l’allongement des listes d’attente, dit une source proche d’un concessionnaire.

Bonne pour les clients, assurés d’avoir une voiture neuve et bien équipée à temps pour l’été – comme dans les « Prêts à partir » de Peugeot basés sur un échantillon de la gamme stocké en mai et juin, et à nouveau en juillet –, l’opération est bonne également pour les marges du constructeur puisque, chez Renault par exemple, l’Arkana « Fast Track » correspond dans le catalogue à la finition haut de gamme du modèle, RS line, avec un prix de départ à 38 630 euros. Une bonne partie des clients de voitures neuves semble ne pas trop objecter. Mais ils ne peuvent de toute manière pas faire jouer la concurrence, toutes les marques étant confrontées à d’importants délais. Émilie et son mari avaient quant à eux opté dès le début pour la version toute équipée RS Line.

La tendance n’est pas spécifique aux offres estivales et gagne aussi les futurs modèles. Les clients de la nouvelle Peugeot 408 devront ainsi eux aussi se tourner vers les finitions supérieures, puisque la marque au lion a supprimé l’échelon d’entrée de gamme pour ne conserver que deux niveaux sur trois. « Nous sommes sur une tendance de simplification de l’offre. La nouvelle 408 se concentre sur les niveaux de finition les plus demandés. Cela va dans le sens d’une simplification du parcours du client », explique Jérôme Micheron, directeur produit chez Peugeot. Il assure que cette politique reflète le vœu d’une partie importante des clients de voitures neuves : « Il est plus facile et plus rapide de configurer sa voiture sur notre site lorsqu’il n’y a pas trop de variantes proposées. »

Un tribut à Henry Ford

Selon une analyse de 2020 du cabinet conseil sur l’automobile J.D. Power, 98 % des combinaisons proposées sur les modèles ne se vendent qu’à 50 exemplaires chacune, et leur poids cumulé ne représente que 25 % des ventes totales. Les 2 % restants de variantes s’octroient la part du lion, trois quarts des ventes. Sur le seul marché américain, les gros pick-up offrent pas moins de 70 000 finitions et options différentes, souligne Doug Betts, analyste chez J.D. Power. Le principal défi est d’éliminer les versions qui se vendent le moins, mais sans se tromper au risque de supprimer des ventes.

Ce débat constitue un tribut inattendu à la boutade attribuée à Henry Ford, fondateur de la marque éponyme, qui disait il y a plus d’un siècle à propos de son Model T, symbole de la recherche d’efficacité sur une chaîne de fabrication, que « les gens peuvent choisir n’importe quelle couleur (...), du moment que c’est noir ».

Source : Reuters

Pour Émilie (41 ans), le choix de la couleur pour son tout nouveau SUV Renault Arkana ne fut pas cornélien puisque seules trois teintes étaient proposées. Son mari n’aimait pas le noir, elle n’était pas tentée par le blanc perle, tous deux se sont donc accordés sur le gris. Et le couple est ravi, car ce qui comptait avant tout c’était d’avoir le véhicule rapidement. « Vu ce...
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