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Culture - Poésie

Des réseaux sociaux aux librairies : Rupi Kaur, « instapoète » sans tabou

Des réseaux sociaux aux librairies : Rupi Kaur, « instapoète » sans tabou

La Canadienne d’origine indienne Rupi Kaur, « reine des instapoètes ». Photo Baljit Singh

Artiste 2.0 engagée, la Canadienne d’origine indienne Rupi Kaur a démocratisé ces dernières années la poésie, en parlant de violences sexuelles, de dépression ou d’immigration. Célèbre grâce à Instagram, elle vend aujourd’hui ses recueils à des millions d’exemplaires et remplit des salles.

Livre à la main, l’artiste de 29 ans aux longs cheveux noirs, vêtue d’une jupe à motif léopard, déclame son poème d’une voix claire devant un large public majoritairement féminin au Centre national des arts d’Ottawa.

« Pourquoi est-ce qu’on ne se lancerait pas dans le sujet préféré de ma psy : ma santé mentale ? » lance-t-elle ensuite sous les acclamations de la foule au début d’un show de plusieurs heures entrecoupé de nombreuses anecdotes personnelles, de ses souvenirs d’enfant déracinée aux dîners mondains auxquels elle participe désormais.

Après s’être fait un nom en quelques années à peine, la jeune artiste est la figure de proue d’une poésie d’un genre nouveau. Fin 2014, à 21 ans, Rupi Kaur publie elle-même son premier recueil Milk and Honey (Lait et Miel), mêlant poésie, prose et illustrations, qui devient rapidement un best-seller.

« À l’époque, il n’y avait pas de marché pour la poésie », se souvient Rupi Kaur, trois recueils à son actif, actuellement en tournée mondiale.

Consacrée « reine des instapoètes » par le magazine Rolling Stones en 2017, la jeune auteure – qui est suivie sur Instagram par 4,5 millions d’abonnés – a vendu plus de 10 millions d’exemplaires de ses deux premiers livres qui ont été traduits dans plus de 40 langues.

Des milliers de personnes se pressent lors de ses passages sur scène. Et elle a également développé de nombreux produits dérivés (pull, t-shirt, tatouages...)

Censurée

« Hier, j’étais sur scène à Chicago et on parlait de santé mentale, d’abus... Il y avait environ 2 000 personnes dans le public. Se dire que l’on n’est pas tout seul avec nos expériences d’anxiété et de dépression, je trouve ça plutôt cool », raconte Rupi Kaur.

La jeune femme qui a grandi en grande banlieue de Toronto voit sa cote de popularité exploser en mars 2015. Étudiante en littérature et rhétorique, elle est censurée deux fois par Instagram après avoir posté une photo d’elle allongée de dos, le jogging taché de sang menstruel. Le cliché et sa réponse cinglante font le tour de la planète.

En avril dernier, elle a de nouveau dénoncé la censure, indignée que certains États américains, notamment le Texas et l’Oregon, envisagent d’interdire son premier recueil dans des écoles et bibliothèques parce qu’il « explore les agressions sexuelles et la violence subies par une jeune femme ».

« Ça me brise le cœur que des parents et des législateurs tentent d’interdire ce livre. On bannit la culture et l’expression, et ceux qui en souffrent le plus sont les jeunes lecteurs », regrette la poétesse.

Née au Pendjab, province la plus peuplée de l’Inde, cette fille d’un réfugié sikh immigre au Canada avec ses parents à l’âge de quatre ans.

« J’ai grandi en participant à des manifestations et en parlant de révolution, de droits humains, autour d’un repas. Ça a toujours été un fil conducteur dans mon travail », explique l’artiste.

Aînée de quatre enfants, cette adolescente « tranquille, timide » trouve une échappatoire à travers la poésie qui lui permet d’être « bruyante ».

Admirative des poèmes du Libanais Khalil Gibran, Rupi Kaur écrit sur ses propres expériences à la première personne, sans majuscules, en clin d’œil à sa langue maternelle, le punjabi.

Fière de ses racines, l’auteure regrette qu’il n’y ait « pas assez de femmes de couleur représentées dans l’édition et les médias ». Et trouve son inspiration dans l’actualité.

Ses poèmes « ne sont pas très complexes, les figures de style ne sont pas très sophistiquées, mais c’est peut-être exactement ce que le public aime », souligne Stephanie Bolster, professeure en création littéraire à l’université Concordia, à Montréal.

Ses courts poèmes ne sont pas « intimidants » et son style « accessible » attire de nouveaux lecteurs.

Comme Christine Blair, infirmière de 27 ans, pour qui l’univers de Rupi Kaur a été « une porte d’entrée » vers la poésie. En abordant des sujets comme le viol et les relations interpersonnelles, Rupi Kaur n’a pas peur de montrer « sa vulnérabilité, et c’est ce que j’aime chez elle ».

Anne-Sophie THILL/AFP

Artiste 2.0 engagée, la Canadienne d’origine indienne Rupi Kaur a démocratisé ces dernières années la poésie, en parlant de violences sexuelles, de dépression ou d’immigration. Célèbre grâce à Instagram, elle vend aujourd’hui ses recueils à des millions d’exemplaires et remplit des salles.Livre à la main, l’artiste de 29 ans aux longs cheveux noirs, vêtue d’une jupe à...

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