Ma grand-mère est partie. Elle qui détestait qu’on l’appelle téta, ayant tout au long de ses 97 ans haï l’âge et ses stigmates, est restée élégante jusqu’au bout, exigeant de rester sur son trente-et-un malgré ses souffrances intolérables. La mort était une vieille connaissance qui ne lui faisait plus peur, elle qui avait survécu dès son plus jeune âge à la typhoïde qui allait arracher ses deux frères à leur famille. Jusqu’à la dernière minute, Yva a eu l’âge qu’elle a sur cette photo, vingt-neuf ans, l’âge où elle a choisi de vivre libre, quel qu’en soit le prix. Elle aura tout vécu : la fin des belles années, la guerre de quinze ans, les exils, l’amour sur le tard, la perte prématurée de ses deux fils, la crise, l’explosion au port, le départ de ses amis, et j’en passe. Omicron vient de lui ouvrir la porte de sa prison, elle en a profité pour s’évader par une nuit sans lune, laissant trois générations orphelines. Comment lui en vouloir ? Elle qui découpait mes articles pour les conserver dans une boîte en carton aurait même découpé celui-ci si elle avait pu. Car entre elle et moi s’animait, comme un hologramme, le Liban de l’âge d’or qu’elle me faisait visiter en me prenant par la main. Cette main, elle l’a embrassée les larmes aux yeux au moment de mon départ en exil. Cela ne lui ressemblait pas : j’aurais dû comprendre que c’était sa façon de me dire adieu.
Agenda - Hommage
Yva Moutran Moufarège, une femme libre
OLJ / Georges BOUSTANY, le 17 janvier 2022 à 00h00
Ma grand-mère est partie. Elle qui détestait qu’on l’appelle téta, ayant tout au long de ses 97 ans haï l’âge et ses stigmates, est restée élégante jusqu’au bout, exigeant de rester sur son trente-et-un malgré ses souffrances intolérables. La mort était une vieille connaissance qui ne lui faisait plus peur, elle qui avait survécu dès son plus jeune âge à la typhoïde qui...
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