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La rue vent debout contre un coup d'Etat qui inquiète à l'étranger

La rue vent debout contre un coup d'Etat qui inquiète à l'étranger

Des manifestants soudanais opposés au coup d'Etat militaire, le 25 octobre 2021 dans le sud de la capitale Khartoum. Photo AFP

"Pas de retour en arrière possible", scandent des Soudanais mardi à Khartoum, ville morte au lendemain d'un coup d'Etat condamné à l'étranger et le décès de quatre manifestants qui protestaient après l'arrestation de la quasi-totalité des dirigeants civils par les militaires avec lesquels ils partageaient le pouvoir.

Englué depuis deux ans dans une transition qui n'a pas vu le jour, ce pays pauvre d'Afrique de l'Est est plongé dans l'inconnu. Le général Abdel Fattah al-Burhane, qui a totalement rebattu les cartes du Soudan par surprise lundi, est censé tenir une conférence de presse à la mi-journée pour annoncer la suite de ce que la communauté internationale dénonce déjà comme un "coup d'Etat militaire".

Washington a déjà "suspendu" une aide de 700 millions de dollars au Soudan dans la mesure où la perspective des premières élections libres semble de plus en plus compromise. Pour la Troïka -- les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la Norvège -- à la manoeuvre sur le dossier soudanais depuis des années, "les actions des militaires trahissent la révolution et la transition" post-dictature après la chute en 2019 de l'autocrate Omar el-Béchir. C'est aussi l'avis des manifestants toujours dans les rues de Khartoum où quasiment tous les magasins -- à l'exception de ceux vendant de la nourriture -- sont fermés après un appel à la "désobéissance civile".

 "Plus de partenariat avec l'armée" 

La "grève générale" avait gagné la capitale mardi, entre employés incapables de rejoindre leurs bureaux par les routes coupées et manifestants décidés à bloquer le pays. Mardi, la ligue des ambassadeurs soudanais a annoncé son "rejet ferme de tout coup d'Etat visant à obstruer le processus transitionnel vers un pouvoir civil".

"Non au pouvoir militaire", "la révolution continue", scandent toujours les manifestants sous une nuée de drapeaux soudanais, répondant à l'appel de syndicats fers de lance de la révolte de 2019. "On ne quittera la rue qu'une fois le gouvernement civil réinstallé", assure à l'AFP Hocham al-Amine, ingénieur de 32 ans. Et après le fiasco de la coopération entre militaires et civils qui a explosé en vol lundi, "on n'acceptera plus jamais de partenariat avec l'armée", poursuit-il. Depuis des mois déjà, les militants pro-démocratie dénonçaient les autorités civilo-militaires comme "un partenariat sanglant".

Et parce que pour manifestants et experts, la perspective d'un retour au règne sans partage des militaires est désormais de plus en plus réaliste, le Conseil de sécurité de l'ONU tiendra mardi après-midi une réunion d'urgence à huis clos. Car le récent ballet diplomatique à Khartoum n'y a rien fait. Dimanche encore, l'émissaire américain Jeffrey Feltman rencontrait le général Abdel Fattah al-Burhane et le Premier ministre Abdallah Hamdok et tous deux s'engageaient à la transition démocratique.

Le lendemain, le général Burhane a annoncé la dissolution de toutes les institutions de transition tandis que le Premier ministre est toujours aux mains des militaires qui l'ont emmené avec son épouse, plusieurs de ses ministres et les dirigeants civils du pays vers une destination inconnue. Seul Moscou a vu dans ce coup de force dénoncé en Occident "le résultat logique d'une politique ratée" accompagnée d'"une ingérence étrangère d'ampleur", dans un pays où Russes, Turcs, Américains ou encore Saoudiens se disputent l'influence notamment sur les ports de la mer Rouge, stratégiques pour leurs flottes dans la région.

La rue, elle, n'espère pas grand-chose des nouvelles autorités jusqu'ici incarnées par un seul homme, le général Burhane, qui a promis un gouvernement "compétent" pour bientôt mais dont le coup de force a suspendu de fait une transition inédite dans un pays resté sous la férule de l'armée quasiment en continu depuis son indépendance.

 "Gouffre" 

Les Soudanais qui y campent veulent, disent-ils, "sauver" la "révolution" qui a renversé Béchir en 2019, au prix d'une répression qui avait fait plus de 250 morts. Depuis lundi, au moins quatre manifestants ont été tués par des balles "tirées par les forces armées" selon un syndicat de médecins pro-démocratie, et plus de 80 autres blessés, à Khartoum aux routes coupées par manifestants et forces de sécurité déployées avec leurs blindés sur les ponts et les grands axes. "L'usage de la force n'entraînerait pas seulement un bain de sang (...) mais pourrait aussi mener à un face-à-face prolongé qui fermerait la porte à la résolution de la crise", averti le cercle de réflexion International Crisis group.

"Pas de retour en arrière possible", scandent des Soudanais mardi à Khartoum, ville morte au lendemain d'un coup d'Etat condamné à l'étranger et le décès de quatre manifestants qui protestaient après l'arrestation de la quasi-totalité des dirigeants civils par les militaires avec lesquels ils partageaient le pouvoir.
Englué depuis deux ans dans une transition qui n'a pas vu le jour, ce...