
D.R.
Bassam Hajjar est né en 1955 à Tyr, au Liban. Après des études de philosophie à l’Université libanaise puis à la Sorbonne, il travaille comme journaliste jusqu’à sa mort en 2009. Féru de philosophie, traducteur hors-pair, Hajjar donne à lire au public arabe près de soixante œuvres d’auteurs français, de Tocqueville à Jean Echenoz, mais aussi Kawabata, Borges, Umberto Eco et Heidegger notamment. Ses douze recueils de poèmes distinguent Bassam Hajjar parmi les plus grands poètes de langue arabe de la fin du XXe siècle. Poète de l’absence et du passage, sa poésie unique s’émancipe de ce que la poésie arabe contemporaine a offert de meilleur.
Mausolée au bord de la route
Je ne suis rien
Et ma parole est passagère
Comme moi ;
Entre des gens de passage,
C’est pourquoi
Je parle de toi.
(…) Et lorsque nous avons tant fait pour nos morts que nous ne savons plus quoi faire encore,
Nous venons à toi avec dévotion
Pieux, tête baissée,
Mains jointes,
Te suppliant d’être un refuge pour nos souvenirs
Nos regrets
Et notre crainte que tu ne sois le dernier refuge.
(…) Un dieu naïf
Un dieu naïf, adolescent et mort
Un dieu naïf et adolescent
Parce que mort –
Les mains étrangères lui ont fait un mausolée au carrefour.
(…) Il n’y a personne ici,
Et ici
On n’appelle pas les tombeaux-
Même habités par les morts-
Ceux que les voyageurs laissent derrière eux-
Tombeaux
Mais point de repère
Pour des voyageurs qui passeront par là
Après eux
Et laisseront à coté
Une gourde, des vivres, des couvertures et des traces de pas.
(…) Ici
Les processions vers eux ne s’appellent pas funérailles
Mais voyages,
Les tombeaux au bord de la route
-même inhabités-
Ne s’appellent pas tombeaux
Mais mausolées.
(…)
Ils ne s’appellent pas des tombeaux car personne n’y repose
De simples signes
Celui qui passe, rapide dans sa voiture, tourne la tête vers eux
(…)
Edifice d’un passage fugace
Lorsque tu passes à côté de lui en t’éloignant
Il s’amenuise doucement avant que le carrefour ne le dérobe à tes yeux
Avant que ne te dérobe à ses yeux
Le carrefour.
Tu n’es rien
Et ta parole est passagère, comme toi,
Parmi des gens de passage,
C’est pourquoi
Je parle de moi,
Moi,
Qui ne passe pas souvent
Dans ton horizon.
Poèmes extraits de l’anthologie poétique Tu me survivras, traduite de l’arabe par Nathalie Bontemps, Actes Sud/L’Orient des livres, 2011.
Bassam Hajjar est né en 1955 à Tyr, au Liban. Après des études de philosophie à l’Université libanaise puis à la Sorbonne, il travaille comme journaliste jusqu’à sa mort en 2009. Féru de philosophie, traducteur hors-pair, Hajjar donne à lire au public arabe près de soixante œuvres d’auteurs français, de Tocqueville à Jean Echenoz, mais aussi Kawabata, Borges, Umberto Eco et...
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