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Culture - Spectacle

Quand la danse m’a fait pleurer

Le dernier-né de Ali Chahrour, « Kama rawatha oummi » (« Du temps où ma mère racontait »), est présenté en première mondiale du 6 au 9 mai au théâtre al-Madina, à 18h. Bouleversant.

Quand la danse m’a fait pleurer

Abbas al-Maoula et sa mère Leila Chahrour, touchants de vérité. Photo Carl Halal

Dans son nouveau spectacle « Kama rawatha oummi » (« Du temps où ma mère racontait »), présenté en première à Beyrouth, Ali Chahrour rend un hommage aux femmes, mais surtout à l’amour maternel, ce lien inconditionnel et imperturbable, indescriptible aussi, illustré ici à travers deux histoires bouleversantes puisées dans la propre famille du danseur chorégraphe. D’abord, les planches brutes du théâtre al-Madina (quel bonheur de les retrouver après une trop longue absence !), sous une lumière sourde, obscure. Il y règne quelque chose d’oppressant, de religieux aussi. Une ambiance d’oratorio. Ou plutôt de « majlès aaza » (rituel funéraire musulman).

Hala Omran et Leila Chahrour dans « Kama rawatha oummi » (« Du temps où ma mère racontait »). Photo Carl Halal

Il y a Leila qui tente de sauver son fils Abbas du statut de martyre. Fatmé ensuite, qui n’a jamais cessé de rechercher son enfant disparu, Hassan. Deux mères comme passées de l’autre côté de la vie, la première présente sur scène, racontant, avec une froideur brûlante, les préparatifs la veille du départ de son fils pour le combat. Alors que l’histoire et la souffrance de la seconde sont livrées par les danseurs et les musiciens avec un lyrisme sauvage.

Les confessions poignantes de ces mères laisseront le cœur du spectateur en mille morceaux. Le texte et la scénographie cèdent quelque part à la tentation du pathos. Mais ce qui aurait pu être lourd, voyant, voyeur, est pourtant sauvé par une sincérité totale.

Depuis son premier spectacle, On the Lips, Snow en 2012, Ali Chahrour danse les rituels de la vie et de la mort. Ces deux thèmes qui imprègnent l’œuvre du danseur chorégraphe, il les puise dans sa culture familiale, mais aussi les us et coutumes arabes, et particulièrement musulmans chiites.

Dans la sombre mélodie funèbre qu’il lance aujourd’hui, il parle d’amour filial, de sacrifices, de perte, de mort, de deuil, de foi.

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Le spectacle est construit comme un subtil entrelacs de confessions, de chansons psalmodiées, de gestes syncopés, de situations esquissées. Des corps glissent, se courbent, se tordent, se secouent, s’allongent immobiles sur une musique empruntée autant à la culture arabe qu’aux sonorités urbaines brutes.

La gorge serrée, les yeux brillants de larmes, le spectateur se projette un peu, beaucoup, dans cette danse de l’amour et de la mort. Sans doute peut-on y voir aussi en filigrane une réflexion sur l’identité et les rôles multiples qu’on peut jouer sur un plateau … ou dans la vie.

« L’art du théâtre ne prend toute sa signification que lorsqu’il parvient à assembler et à unir », dixit Jean Vilar. La danse, ici, y ajoute un ingrédient-clé : l’émotion authentique d’une mère.

Théâtre al-Madina « Kama rawatha oummi ».

Direction et chorégraphie : Ali Chahrour, avec Hala Omran, Leila Chahrour, Abbas al-Maoula, Ali Hout, Abed Kobeissy et Ali Chahrour.

Jusqu’au 9 mai, à 18h. Billets chez Antoine Ticketing et à l’entrée.

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