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Culture - Initiative

Beyrouth, vitrine pour s’exprimer et vivre librement

À la maison de vente aux enchères Piasa à Paris, plus d’une centaine d’œuvres d’artistes, designers, céramistes et photographes libanais, syriens, jordaniens, iraniens, palestiniens et égyptiens ont été rassemblées par la curatrice Joanna Chevalier, pour une vente qui a eu lieu le 30 septembre. « From Beirut Art+Design Scene » a pour objectifs de soutenir la scène artistique et de contribuer à sa reconstruction.


Beyrouth, vitrine pour s’exprimer et vivre librement

Carlo Massoud, « Silver City Mar Mikhael », pièce unique, présentoir à bijoux réalisé dans l’atelier Anaratone (Italie). Objets et bijoux en argent fin certifié et pierres précieuses, 2017. Photos DR

Le projet a germé il y a environ un an, lorsque Joanna Chevalier, curatrice, commissaire d’exposition et conseillère artistique, propose à Frédéric Chambre, directeur de la maison de ventes Piasa, de mettre en place une vente pour les designers et les artistes libanais. « Le Liban est une plateforme qui regorge de talents, confie-t-elle à L’OLJ, et Beyrouth a été, pour un grand nombre d’entre eux, un magnifique tremplin vers la scène internationale. La crise économique a mis le projet en veilleuse, l’art n’était plus à l’ordre du jour, les artistes ne vendaient plus, les designers n’arrivaient plus à se procurer du matériel et les galeries n’avaient plus de passage. Il fut alors décidé de remettre la vente à juin 2020. » Le Covid-19, suivi de l’explosion du 4 août au port de Beyrouth, a une fois de plus retardé l’échéance. « Frédéric Chambre était cependant déterminé à réaliser cette vente et voilà qu’elle prend place aujourd’hui et tombe à point, à l’heure où l’art et les artistes se trouvent dans une situation économique des plus précaires », poursuit la curatrice, qui précise que le profit ira entièrement aux artistes qui affrontent de grandes difficultés pour se remettre en selle. « Certains qui exposaient dans des galeries situées près de l’explosion ont vu tout leur travail dévasté, des galeries se sont vues privées de plus de 60 % de leur collection, des galeristes ont perdu des membres de leur équipe, d’autres ont étés blessés. Alors, à l’heure actuelle, je pense que c’est cette communauté artistique que l’on doit aider à se reconstruire », explique-t-elle. Cinq pour cent du produit total adjugé sera en outre attribué à l’Alba (Académie libanaise des beaux-arts) afin d’octroyer des bourses aux étudiants en difficulté. « Hormis les œuvres proposées à la vente par les artistes et les galeries, un grand collectionneur et humaniste a offert un lot de 18 pièces de sa propre collection afin de financer la scolarité de 138 écoliers libanais, et ce de la maternelle au brevet », dit-elle encore.


Rumi Dalle, « This Is Where We Meet », pièce unique, sculpture, laine, soie, coton et acier, 2000.


De l’art avant toute chose…

« From Beirut Art+Design Scene » a réuni plus de 70 créateurs. Pas de connotation artisanale ou de style oriental côté design, mais des œuvres innovantes, de par leur finition ou leur réalisation. Des panneaux provenant des maisons de pêcheurs détruites par l’armée à Dalieh au Liban en 2015 et réalisés par le collectif belge Rotor aux meubles surprenants par leur choix de matériaux inhabituels et à l’esthétique raffinée de Studio Caramel, du tapis réalisé par Iwan Maktabi et conçu par Karen Chekerdjian qui vous emmène au cœur des forêts du Liban, ou de ceux de Nada Debs atypiques par leurs formes et chatoyants par leurs couleurs, à ce bar aux allures de réfrigérateur des années 50 en noyer massif, cuir, laiton et nacre de Khaled el-Mays, des fauteuils ludiques d’Anastasia Nysten aux boîtes en laiton de Nada Zeineh en hommage à Huguette Caland. Côté œuvres picturales, Lamia Joreige couche sur papier vélin des émotions empreintes de poésie et Danielle Genadry revisite, comme à son habitude, la perception du temps et de l’espace. Le regard est comme aimanté par les œuvres figuratives à la matière picturale épaisse de Tagreed Darghouth, par l’univers tourmenté de Serwan Baran, les acryliques sur papier de Kevork Mourad et par l’œuvre incontournable de Chafic Abboud. Les céramiques de Hala Matta et du duo Mary-Lynn Massoud et Rasha Nawam jouent des couleurs et des formes libres et la sculpture en terre cuite émaillée de Simone Fattal s’impose d’elle-même. La photographie est aussi à l’honneur avec Jack Dabaghian, Gregory Buchakjian et Gilbert Hage.

Joanna Chevalier est ravie d’avoir réussi à vendre une centaine de lots pour un montant de 720 000 euros. « Dans ce contexte difficile, où la crise économique et sanitaire est mondiale, et la situation précaire, je suis très satisfaite d’avoir mené à bon port cette initiative qui s’est avérée réussie. Les clients européens ont découvert avec enthousiasme et ravissement les œuvres de Hiba Kalache, Afaf Zurayk, Rumi Dalle, Moje Assefjah, Omar Chakil et de Willy Aractingi, parmi tant d’autres. » Elle confie le désir de réitérer l’expérience dans un an et s’avoue satisfaite d’avoir assuré la cote des artistes sur un marché international. Cette vente avait pour buts de préserver les lettres de noblesse de cette plateforme artistique, Beyrouth, et de permettre aux générations futures de prendre le relais et de s’enorgueillir de leurs racines : un pays à la richesse culturelle immense et à la diversité créative inégalable.


Une sculpture de Mary Lynn Massoud et Rasha Nawam 1


Coup de cœur…

Le présentoir à bijoux de Carlo Massoud a été réalisé il y a trois ans dans l’atelier de bijoux Anaratone à Valence et exposé deux fois en Italie dans le cadre de foires de design. Pour le jeune designer, « un bijou est en lui-même une œuvre d’art, s’il n’est pas porté, il se doit d’être exposé ». Pour avoir collaboré avec un bijoutier lors de cette commande et s’être inspiré des maquettes de Philippe Stark, il réalise une pièce tout en argent massif qu’il qualifie d’expérience, pour ses différentes textures, le prototype de sa fabrication, de sa réalisation et de l’idée elle-même. Du quartier de Mar Mikhaël où il réside, il reproduit un angle de rue. L’église, un immeuble avec ses citernes d’eau, la boutique de glaces, les bennes à ordures, et ajoute une touche ludique avec King Kong qui escalade un building et des amoureux qui s’embrassent sur un balcon. Les toitures se soulèvent pour recueillir les bijoux, chaque élément, que ce soit les souris dans la rue, les plantes, les oiseaux ou les arbres se portent en pendentif, en broches, en collier ou font usage de petite boîte à bijoux.

« From Beirut Art+Design Scene »

Piasa, 118, rue du Faubourg Saint-Honoré

75008 Paris

contact@piasa.fr

www.pias.fr

Le projet a germé il y a environ un an, lorsque Joanna Chevalier, curatrice, commissaire d’exposition et conseillère artistique, propose à Frédéric Chambre, directeur de la maison de ventes Piasa, de mettre en place une vente pour les designers et les artistes libanais. « Le Liban est une plateforme qui regorge de talents, confie-t-elle à L’OLJ, et Beyrouth a été, pour un grand...

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