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Culture - Sculptures

Des papillons et des guerres dans l’œuvre de Johanne Allard

« A Feast in the Ruins » (Un festin dans les ruines). Le titre de l’actuelle exposition à la galerie 392Rmeil393 interpelle en ces temps d’écroulement généralisé, tout comme les sculptures d’insectes géants présentés en vitrine...

Des papillons et des guerres dans l’œuvre de Johanne Allard

Johanne Allard, une artiste canadienne installée depuis 20 ans au Liban. Photo DR

Elle brode, Johanne Allard… Elle brode inlassablement des fleurs colorées sur des canevas métalliques. En fait, des grillages de moustiquaires qu’elle découpe, tord et façonne… en insectes géants justement. En phalènes plus précisément, ces papillons de nuit luminescents qui, sous leur attrayante apparence, détruisent tout sur leur passage. D’où l’idée de l’artiste canadienne d’en faire le symbole des agressions américaines dans la région, ou pour reprendre ses propres termes en demi-teintes : « La métaphore de toutes les guerres qui se sont ouvertes dans le monde arabe depuis le 11 septembre 2001. »

Ces sculptures d’insectes, « allégories des attaques des envahisseurs », qu’elle présente jusqu’au 27 juin à la galerie 392Rmeil393, succèdent directement aux peintures de Survivors (Survivants) du jeune artiste réfugié syrien Amjad Naaem précédemment accrochées sur les mêmes cimaises. Et, quelque part, elles offrent un angle de vue différent, sinon divergent, de l’actualité tourmentée des pays de la région.

Le papillon de nuit, un insecte au profil agressif dont Johanne Allard a fait le symbole des agressions impérialistes dans la région. DR

On l’aura deviné : derrière l’esthétique séduisante de ces sculptures ailées, c’est un discours profondément politique que signe cette quadragénaire, installée au Liban depuis 20 ans. Une artiste visuelle venue du monde du théâtre et des planches et qui a commencé à créer en 2011 des toiles et des sculptures utilisant la broderie comme source de représentation et d’expression de ses points de vue sur les questions sociopolitiques et culturelles liées au Levant et à la région arabe.

La broderie marqueur culturel

« La broderie a toujours occupé une place dans toutes les civilisations, en tant que marqueur culturel », signale Johanne Allard. Laquelle, à ce titre donc, a choisi de revisiter cette technique ancestrale en l’associant à des matériaux durs comme le grillage de moustiquaire et les fils de fer, parfois même des barbelés (dans les pièces représentatives de la cause palestinienne) pour exprimer « l’antagonisme qui prévaut dans cette région du monde victime du néocolonialisme ».

Liban, Palestine, Syrie, Irak, Libye, Yémen ou encore Afghanistan… Chaque « pays agressé » est représenté par une phalène (appelé aussi mite) aux motifs et couleurs différents. Et chacun est reconnaissable à ses ailes brodées de sa plante endémique : la tulipe pour l’Afghanistan, le jasmin pour la Syrie, la fleur du café pour le Yémen, la fleur du grenadier pour la Libye et… outre le cèdre, le « néflier des anciens jardins de Beyrouth, importé de Chine il y a cent ans » (tiens, tiens !) pour le Liban.

Phalène palestinienne. DR

Une broderie florale qui vient se greffer sur le tracé, toujours au fil coloré, de la topographie aérienne de chaque pays et parfois de la représentation des projectiles qui l’ont pilonné : bombes au phosphore en Syrie, bombes à fragmentation de la frappe israélienne sur le Liban de l’été 2006… Des sculptures accompagnées d’une série de délicates compositions florales et géométriques brodées sur papier coton.

« À travers cet enchevêtrement de motifs réalisés au point de croix, au point français, ou encore en macramé, auxquels viennent s’ajouter parfois des éléments complémentaires en papier mâché ou à la feuille d’or, j’ai voulu montrer à quel point la situation est compliquée dans cette région du monde en proie à une entreprise impérialiste de dépossession de sa culture, de ses territoires et de sa mémoire », affirme l’artiste. Laquelle insiste sur le fait que cet ensemble de pièces est un « hommage aux peuples de cette contrée qui m’ont accueillie dans leurs pays, leurs maisons et leurs vies ».

Galerie 392Rmeil393

*« A Feast In The Ruins », de Johanne Allard, Gemmayzeh, rue Gouraud, de 11h à 19h.

Elle brode, Johanne Allard… Elle brode inlassablement des fleurs colorées sur des canevas métalliques. En fait, des grillages de moustiquaires qu’elle découpe, tord et façonne… en insectes géants justement. En phalènes plus précisément, ces papillons de nuit luminescents qui, sous leur attrayante apparence, détruisent tout sur leur passage. D’où l’idée de l’artiste...

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