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Culture - Hommage

Honneur à un grand Libanais, honneur à Salah Stétié

Le nom de Salah Stétié sera à jamais lié, dans ma mémoire, à la grandiose ouverture de sa préface à l’édition libanaise du recueil La description de l’homme, du cadre et de la lyre, de Fouad Gabriel Naffah, que reprendra le Mercure de France : « Il est entré tout armé dans la poésie. Nous ne lui avons pas connu de remords, de balbutiements, de faux pas. En a-t-il eu jamais ? » Ces phrases ne s’oublient pas. C’est Fouad Gabriel Naffah sortant, comme Athéna, tout armé du crâne de Zeus. Elles sont celles d’un grand passeur de culture, un rôle que Salah Stétié a joué à merveille aussi bien en Orient qu’en Occident, aussi bien comme rédacteur en chef du supplément littéraire du journal L’Orient, qui publiera, dans son premier numéro, l’immense hommage de Saint-John Perse à Georges Shehadé, que comme ambassadeur du Liban ou délégué permanent de son pays auprès de l’Unesco.

Salah Stétié, c’est ce géant au cœur attentif qui rapprochera, une fois pour toutes, Fouad Gabriel Naffah de Gérard de Nerval, considéré par Naffah comme « le poète le plus total » et dont le luth constellé portait, comme le sien, « le soleil noir de la mélancolie ».

L'hommage d'Adonis

Salah Stétié : ami, témoin et symbole

C’est la galaxie culturelle et poétique dans laquelle s’inscrit Salah Stétié, qui était de la race des poètes diplomates, comme Paul Claudel, Saint-John Perse ou Octavio Paz. Curieux de tout, rien dans la culture ne lui était étranger. Il pouvait tout aussi bien disserter de la calligraphie et des jardins dans l’islam que (re)traduire Le Prophète de Gebran, qu’il tenait pour « le premier livre de la modernité arabe ».

Salah Stétié s’était distingué ces dernières années par un article retentissant paru dans l’édition du 6 mars 2015 du Figaro. Il y hurlait : « J’ai honte », face au revivalisme jihadiste étendant ses ténèbres sur la plaine de Ninive.

Ses lignes méritent d’être rappelées. Citant le Livre saint de l’islam, il affirmait : « Le Coran dit en sourate III, 45 : Ô Marie, Dieu t’annonce la bonne nouvelle d’un verbe émanant de Lui. Son nom est : le Messie, Jésus, fils de Marie ; illustre en ce monde et dans la vie future ; il est au nombre de ceux qui sont proches de Dieu... » Il dit aussi en V, 82 : « Tu constateras que les hommes les plus proches des croyants par l’amitié sont ceux qui disent : “Oui, nous sommes chrétiens !” (…). Le Coran dit bien d’autres choses. Mais rien ni personne ne peut faire que ces mots tout d’affection et d’espérance à l’égard des chrétiens ne soient inscrits pour l’éternité (puisque la parole divine est, dit-on, éternelle) dans le Livre sacré de l’islam. Comment feront ceux qui aujourd’hui, en Orient, persécutent les chrétiens, les égorgent, les jettent vivants dans des puits, parfois les crucifient, oui, comment feront ces lecteurs sans doute assidus du Coran pour justifier leurs actes aussi inhumains qu’illégitimes aux yeux de leur livre et pour se dédouaner devant leur Dieu d’en avoir ainsi cruellement usé avec ceux qui se sont, cinq siècles avant eux, déclaré les témoins de la vérité et ont suivi la parole du “verbe de Dieu” ? »

Qu’ils relisent, ces égarés, les ayât que je viens de leur remettre en tête. Qu’ils sachent également, ces Arabes, que si la langue arabe existe aujourd’hui dans la splendeur créatrice qu’on lui connaît, c’est parce que dès la fin du XIXe siècle des lexicologues, les Boustany, l’ont ressuscitée et l’ont illustrée par des dictionnaires et des encyclopédies, que des érudits, les Yazigi, ont montré de cette langue la fertilité intrinsèque, que le premier livre de la modernité arabe, quoique écrit en anglais, s’appelle Le Prophète et que le héros de ce livre, traduit dans une cinquantaine d’idiomes et toujours passionnément lu, se nomme al-Mustapha, l’autre désignation de « l’Envoyé ». Les Boustany, les Yazigi, Khalil Gebran, l’auteur du Prophète, sont des chrétiens du Liban. Ils appartiennent tous à une magnifique communauté spirituelle et intellectuelle qui habitait, qui habite toujours le monde arabe. Les chrétiens sont chez eux définitivement dans ce monde et je les supplie, à genoux s’il le faut, de ne pas partir, de ne pas céder à la panique.

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« J’ai honte d’avoir à écrire tout cela qui devrait aller de soi. J’ai honte avec tous ceux qui, aujourd’hui, ont honte. Honte, terriblement. »

Ces mots sont d’un grand Libanais.

Honneur aux passeurs, honneur à Salah Stétié.


Le nom de Salah Stétié sera à jamais lié, dans ma mémoire, à la grandiose ouverture de sa préface à l’édition libanaise du recueil La description de l’homme, du cadre et de la lyre, de Fouad Gabriel Naffah, que reprendra le Mercure de France : « Il est entré tout armé dans la poésie. Nous ne lui avons pas connu de remords, de balbutiements, de faux pas. En a-t-il eu...

commentaires (2)

"...Comment feront ceux qui aujourd’hui, en Orient, persécutent les chrétiens, les égorgent, les jettent vivants dans des puits, parfois les crucifient, oui, comment feront ces lecteurs sans doute assidus du Coran pour justifier leurs actes aussi inhumains qu’illégitimes aux yeux de leur livre ..." C'est très simple: leur référence n'est pas le Coran, mais bien "cheikh al Islam" Ibn Taymiyyah...

Georges MELKI

12 h 51, le 23 mai 2020

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Commentaires (2)

  • "...Comment feront ceux qui aujourd’hui, en Orient, persécutent les chrétiens, les égorgent, les jettent vivants dans des puits, parfois les crucifient, oui, comment feront ces lecteurs sans doute assidus du Coran pour justifier leurs actes aussi inhumains qu’illégitimes aux yeux de leur livre ..." C'est très simple: leur référence n'est pas le Coran, mais bien "cheikh al Islam" Ibn Taymiyyah...

    Georges MELKI

    12 h 51, le 23 mai 2020

  • "un coeur attentif" on ne peut mieux dire et tout aussi discret mais pénétrant l'ame humaine;J.P

    Petmezakis Jacqueline

    05 h 08, le 22 mai 2020

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