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Moyen Orient et Monde - Élection

En Algérie, une campagne présidentielle agitée révélatrice de tensions

Le scrutin est rejeté par une large partie de la population.

Des étudiants algériens manifestant, le 26 novembre, contre la tenue de l’élection présidentielle. Ryad Kramdi/AFP

Meetings perturbés, administrations murées, panneaux électoraux détournés... La campagne électorale agitée pour la présidentielle du 12 décembre en Algérie met en lumière le contexte tendu et risqué dans lequel se prépare un scrutin rejeté par une large partie de la population.

En Algérie, le débat n’est pas : pour ou contre tel ou tel candidat ? Mais : pour ou contre le scrutin ? Et tous les postulants font face à la même massive hostilité.

Depuis le début de la campagne, le 17 novembre, les cinq candidats évitent les grandes villes du nord du pays, les plus peuplées, et annoncent souvent leurs déplacements à la dernière minute. Ce qui n’empêche pas qu’ils soient régulièrement accueillis par des manifestants hostiles réussissant parfois à perturber leurs meetings, malgré un fort déploiement policier permanent.

Tous ont participé ou soutenu, plus ou moins longtemps, la présidence de Abdelaziz Bouteflika, contraint en avril à la démission, après 20 ans de pouvoir, par un mouvement (« Hirak ») de contestation populaire inédit.

Mais les contestataires voient en outre en eux des complices du pouvoir, de facto aux mains, depuis la démission de M. Bouteflika, du haut commandement militaire, incarné par le général Ahmad Gaïd Salah, chef d’état-major de l’armée.

Et d’un régime, en place depuis l’indépendance du pays en 1962, et qui, selon le « Hirak », cherche désormais à se régénérer dans les urnes, faute d’avoir pu mettre fin à neuf mois de contestation ininterrompue.

Sacs poubelles

S’exprimant dans de petites salles souvent peu remplies, les candidats tentent difficilement de convaincre de leur soutien au « Hirak » et de faire croire qu’ils accéderont à ses revendications. Ils peinent surtout à persuader les citoyens d’aller voter le 12 décembre, dans un pays où l’abstention, vue comme l’unique voie de contestation d’un régime figé, était forte ces dernières années.

Seuls 37 % des électeurs se sont déplacés lors des législatives de 2017 et 50 % pour la présidentielle de 2014, et ces chiffres sont probablement artificiellement « gonflés », estiment de nombreux observateurs. Jusqu’ici en Algérie, les scrutins – entachés de fraudes – « se tenaient dans l’indifférence générale avec une base électorale participante connue », constituée majoritairement de militants du Front de libération nationale (FLN, ex-parti unique au pouvoir), de formations alliées et d’associations satellites, explique Louisa Dris-Aït Hamadouche. « À présent, l’indifférence a laissé la place à la contestation active », poursuit cette professeure de sciences politiques à l’Université d’Alger.

Après avoir dû annuler, faute de candidats, le scrutin prévu le 4 juillet pour clore l’intérim né de la démission de M. Bouteflika, le pouvoir n’entend désormais plus reculer, aiguillonné par la haute hiérarchie militaire qui veut sortir au plus vite de la crise politique et institutionnelle. Contre les évidences, le général Gaïd Salah se réjouit publiquement de « l’élan populaire » autour du scrutin, donnant foi à des marches « populaires spontanées » de soutien qui mobilisent peu, et faisant comme s’il n’entendait pas les slogans hostiles criés bruyamment lors de manifestations massives hebdomadaires.

En face, les opposants au scrutin ne désarment pas. Partout, les affiches sont arrachées des panneaux électoraux, désormais vides ou couverts de graffitis, ornés symboliquement de portraits de figures du « Hirak » incarcérées ou de sacs poubelles pleins suspendus.

Fractures

La population « fait tout pour faire échec à ces élections (...) Ils mettent la pression pour que le pouvoir recule ou pour que les candidats se retirent », estime Said Salhi, vice-président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH), association en pointe dans le « Hirak ». Mais le pouvoir « va organiser son élection, vaille que vaille, même avec (la perspective d’) un taux de participation indigne », pronostique l’universitaire Mohammad Hennad.

À mesure qu’approche le scrutin, les positions se raidissent et les craintes de radicalisation des deux camps augmentent.

Le général Gaïd Salah multiplie les mises en garde contre les opposants à l’élection, implicitement assimilés à des traîtres à la patrie. Les « marches spontanées » de soutien agacent les contestataires et provoquent des contre-manifestations souvent réprimées.

Mohammad Hennad s’inquiète ainsi du « risque de dérapages » et de violences dans un contexte où le pouvoir cherche à « dresser une partie de la population contre une autre », alors que le « Hirak » a toujours revendiqué son pacifisme et l’a fait respecter dans ses rangs.

Pour Mme Dris-Aït Hamadouch, cette radicalisation des positions porte des risques de profondes divisions du pays : à la « fracture verticale entre gouvernants et gouvernés », vont s’ajouter « des fractures horizontales au sein de la société ».

Personne n’a pourtant intérêt à « susciter des violences car les dividendes potentiels à court terme (pour le pouvoir) se transformeront en “ingouvernabilité” après les élections », avertit-elle.

Source : AFP

Meetings perturbés, administrations murées, panneaux électoraux détournés... La campagne électorale agitée pour la présidentielle du 12 décembre en Algérie met en lumière le contexte tendu et risqué dans lequel se prépare un scrutin rejeté par une large partie de la population.En Algérie, le débat n’est pas : pour ou contre tel ou tel candidat ? Mais : pour ou contre...

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