La photo regroupant l’ayatollah Ali Khamenei, le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah et le responsable de l’unité al-Qods au sein des gardiens de la révolution, le général Kassem Souleymani, a fait le tour des réseaux sociaux, suscitant de grandes interrogations sur sa date et son lieu, ainsi que sur sa portée.
Cette photo a d’ailleurs été publiée à un moment particulier, alors que le bras de fer entre l’Iran, d’une part, les États-Unis et leurs alliés, de l’autre, est à son apogée et juste après un discours du secrétaire général du Hezbollah dans lequel il fait l’éloge de Ali Khamenei, allant même jusqu’à se considérer comme un soldat sous ses ordres.
Des spéculations ont commencé immédiatement à se multiplier sur les réseaux sociaux, faisant état d’une « visite secrète » qu’aurait effectuée récemment le numéro un du parti chiite en Iran. Mais selon des sources proches du Hezbollah, tous les déplacements du secrétaire général se font dans le secret pour des raisons évidentes de sécurité. Il est donc inutile d’insinuer qu’il aurait effectué récemment une visite secrète à Téhéran, comme s’il accomplissait une démarche honteuse ou comme s’il complotait avec les dirigeants de la République islamique.
Toujours selon la même source, la photo qui a été publiée récemment remonte en réalité à quelques mois. Les vêtements des personnes qui y figurent donnent une indication claire sur le fait qu’elle a probablement été prise au printemps dernier. Le lieu n’est certainement pas le salon habituel de l’ayatollah Khamenei, car le fond montre des étagères en fer comme il y en a souvent dans les bureaux officiels. Il ne s’agit donc pas d’une visite secrète, puisque la rencontre a eu lieu dans des locaux officiels. De toute façon, il n’est pas dit que le général Souleymani est présent à chaque rencontre entre le guide suprême iranien et le secrétaire général du Hezbollah. Par contre, les rencontres entre Hassan Nasrallah et le général iranien sont plus fréquentes, ce dernier se déplaçant facilement entre l’Irak, la Syrie et plus rarement au Liban.
Pourquoi, dans ce cas, publier cette photo maintenant ? Selon les sources proches du Hezbollah, elle a été publiée sur le site de l’ayatollah Khamenei dans le cadre d’un entretien accordé par Hassan Nasrallah à la chaîne de télévision iranienne al-Alam. Cet entretien a d’ailleurs été diffusé il y a quelques jours et à plusieurs reprises. Il a été repris par un média iranien, al-Massir, qui a mis la photo des trois personnalités en couverture avec le titre : « L’équation de la victoire ». La photo n’est donc pas récente, elle sert simplement à illustrer les messages contenus dans l’entretien qui parle de la cohésion de « l’axe de la résistance » et du rôle iranien dans la consolidation de cet axe. Dans cet entretien, qui n’a pas été largement diffusé à Beyrouth, Hassan Nasrallah parle du rôle de l’Iran dans la formation et le renforcement des capacités militaires irakiennes et syriennes. Il raconte aussi comment le général Kassem Souleymani lui a demandé au cours de leurs entretiens d’envoyer des responsables pour former des cadres en Syrie et en Irak, sous la bannière du groupe al-Hachd al-Chaabi. Le dignitaire chiite libanais développe dans cet entretien l’idée selon laquelle le projet américano-israélien était de susciter une discorde entre les sunnites et les chiites dans la région, pour affaiblir les États, les armées et les musulmans en général et préserver la suprématie israélienne. Il explique dans ce contexte qu’au début du conflit en Syrie, les Iraniens (ainsi que lui-même) avaient conseillé aux différents protagonistes de mener un dialogue constructif afin d’aboutir à des réformes constitutionnelles qui favoriseraient l’entente interne. Mais le projet américano-israélien, dit-il, n’était pas la réforme. Il s’agissait de renverser le régime en place pour le remplacer par des groupes extrémistes incapables de gouverner, qui sèmeraient le chaos et renonceraient à la cause palestinienne.
Hassan Nasrallah a aussi longuement parlé de la place qu’occupe la cause palestinienne, « une cause pure et juste, sans la moindre réserve », selon ses propres termes chez Ali Khamenei. Pour lui, toutes les sanctions économiques actuelles et la guerre indirecte menée contre l’Iran visent à pousser la République islamique à lâcher cette cause. Selon le numéro un du Hezbollah, cela n’arrivera pas.
De même, avec ses alliés au sein de « l’axe de la résistance », l’Iran a réussi à déjouer le plan de discorde généralisée entre sunnites et chiites. En Syrie, une grande partie des sunnites combattent au sein de l’armée syrienne et des différentes factions. En Irak, le Hachd al-Chaabi est devenu une institution légale. En Palestine, la tendance à la résistance se généralise et les Palestiniens sont en grande majorité des sunnites. Enfin, au Liban, le Hezbollah est aujourd’hui bien intégré dans la vie politique. Il dispose d’un large éventail d’alliances qui reflètent la diversité libanaise. Même les propos d’allégeance religieuse à l’ayatollah Khamenei qui ont figuré dans le dernier discours de Hassan Nasrallah et qui lui ont été aussitôt reprochés par certaines parties locales n’ont pas ébranlé les alliances du parti chiite, puisque le secrétaire général a clairement déclaré dans le même discours que son parti est représenté au sein du gouvernement, qu’il respecte la résolution 1701 et se tient aux côtés de l’État libanais pour tout ce qui touche à la résistance contre Israël. Toujours selon les sources proches du Hezbollah, la diffusion sur les réseaux sociaux de la photo vise donc à susciter une nouvelle polémique qui n’a pas lieu d’être. D’abord, la photo n’est pas récente, ensuite le secrétaire général du parti ne cache pas son allégeance religieuse au guide iranien. Enfin, il considère que la position officielle libanaise actuelle est en harmonie avec ses convictions et il ne voit donc pas l’intérêt de la mettre en difficulté.
commentaires (14)
Merci à l'équipe OLJ de n'avoir pas publier mon commentaire, que je trouve amusant, mais plutôt osé par les temps qui courent. Cheers
Wlek Sanferlou
15 h 37, le 27 septembre 2019