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Culture - Théâtre

Un homme, une femme et ce monstre tapi en eux...

C’est l’une des pièces fortes de la saison qui rassemble sur les planches Carole Abboud et Dory al-Samarany. Mise en scène par Jacques Maroun, « al-Wahech » est une comédie dramatique touchante et maîtrisée, une adaptation d’une pièce américaine de John-Patrick Shanley, « Danny and the Deep Blue Sea ».

Carole Abboud et Dory al-Samarany dans « al-Wahech », de Jacques Maroun.

Jacques Maroun a rendu deux rencontres possibles. D’abord celle de Carole Abboud et de Dory al-Samarany avec les personnages en plein naufrage de John-Patrick Shanley (de la pièce Danny and the Deep Blue Sea, traduite ici vers l’arabe par Arzé Khodr). Ensuite celle de ces deux acteurs habités par des rôles puissants avec un public qui, durant 75 minutes, est partie prenante de l’histoire, dans une promiscuité qui vacille entre un voyeurisme imposé et une tendre intimité partagée. Car outre le fait d’offrir au public une histoire d’une douce violence tempérée d’humour et de poésie, le metteur en scène Jacques Maroun innove en inaugurant un espace épuré, polyvalent et modulable qui permet tous types de performances musicales et artistiques. Black Box Beyrouth voit le jour et pour son premier spectacle réunit 40 spectateurs (nombre maximal de sièges) et un monstre : el-Wahech. Un espace qui confère à cette rencontre une intensité dont on ne ressort pas indemne.


Profanation de la souffrance
Sait-on comment naissent les histoires d’amour ? Le destin ? Le hasard? À moins que ce ne soit les dieux qui provoquent ces rencontres impossibles, insensées ? Celle de Danny et Roberta en est une. Elle ne connaît plus le sommeil depuis longtemps, un secret la ronge et la consume. Lui est une véritable brute, impulsif, misanthrope, violent et irascible. Autant dire que l’arrivée de Roberta dans son monde de solitaire va faire l’effet d’une tempête. Entre eux, la rencontre est abrupte, comme une collision, un éclair de quelques heures de deux êtres fracassés par la vie. C’est dans un bar, au coin d’une rue plus sombre que leurs existences, qu’ils se retrouvent prisonniers chacun de son indicible douleur. Chacun a ses secrets et sa souffrance et le spectateur les découvre en même temps que les protagonistes, comme dans une sorte de ballet aérien où les deux héros vont, chaotiquement, d’abord se toiser, se provoquer, se sonder, se confronter, pour ensuite se rapprocher, s’éloigner, se découvrir, s’épauler, s’entraider, se raccrocher l’un à l’autre et unir leur détresse, laisser parler leur cœur, partager leur vision du couple et de l’amour, pour tenter de survivre et retrouver malgré tout le chemin de la vie. Tout, autour de Danny et Roberta, semble lourd, tandis qu’eux surnagent dans leur mal-être, on aimerait croire qu’une renaissance est possible grâce à cette « fraternité » du malheur, un sentiment trop rare, semble nous suggérer le metteur en scène. Et de poser l’ultime question : deux désespoirs qui se rencontrent pourront-ils devenir un espoir pour demain ?


Deux monstres plutôt qu’un
Bien sûr, il y a Carole Abboud dans la peau de Roberta, et dont le talent n’est plus à démontrer, une actrice à la sensualité rugissante, qui d’une situation de désespoir finit par se faire violence et ensorcelle, dans une stratégie de manipulation redoutable, Danny (Dory al-Samarany) pour le traîner jusqu’à dans ses draps glacés. Et lorsque Carole devient Berta, ce sont toutes les femmes qui se donnent la main. Carole Abboud, deuxième monstre de la scène, s’apitoie, se penche et revendique ses blessures, les laboure, les jette en bouquet d’autodérision, pour les offrir à son partenaire et lui panser une rage qui saigne. Elle n’est pas sentimentale, elle est spirituelle. Face à elle, Dory al-Samarany (acteur de télévision, qui a fait ses preuves sur les planches après avoir suivi des cours au Actors Workshop sous la houlette de Jacques Maroun) livre une composition juste et sobre, ne tombant jamais dans l’excès et sachant faire ressortir toute la dureté et l’émotion de son personnage à qui il confère une nature brute et brutale qui en fait un personnage menaçant mais surtout contre lui-même. Jamais complètement immobile, son agitation constante ajoute au sentiment de colère incontrôlable et de volatilité, mijotant constamment sous la surface. Chaque acteur ajoute des détails nuancés à chaque mouvement, révélant de petites choses à propos du personnage. Tous deux criants de vérité dans leur rôle, et dans leur conception du monde et de la vie.

Une pièce à la fois drôle et dramatique au texte tendre, émouvant et enivrant insuffle pourtant une lueur d’espoir dans la rencontre de deux êtres en grande détresse, et pour qui le malheur est une seconde nature. Pour une nuit, avec le public, ils tentent de se comprendre, se confondre et qui sait ce qui naîtra de leur solitude et de leur détresse ?


Black Box Beyrouth

« Al-Wahech », de Jacques Maroun,

avec Carole Abboud et Dory al-Samarany.

Jusqu’au 23 mars, de jeudi à dimanche, à 21h. Avenue Charles Malek, Achrafieh.

Tél. : 01/200 448.

Jacques Maroun a rendu deux rencontres possibles. D’abord celle de Carole Abboud et de Dory al-Samarany avec les personnages en plein naufrage de John-Patrick Shanley (de la pièce Danny and the Deep Blue Sea, traduite ici vers l’arabe par Arzé Khodr). Ensuite celle de ces deux acteurs habités par des rôles puissants avec un public qui, durant 75 minutes, est partie prenante de...

commentaires (1)

AU LIEU DE LE MONSTRE TAPI EN EUX FALLAIT DIRE LA NATURE HUMAINE... DANS TOUT CE QU,ELLE A DE PLUS MAUVAIS... TAPIE EN EUX ! C,AURAIT ETE BEAUCOUP PLUS REEL.

LA LIBRE EXPRESSION

06 h 15, le 01 mars 2019

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Commentaires (1)

  • AU LIEU DE LE MONSTRE TAPI EN EUX FALLAIT DIRE LA NATURE HUMAINE... DANS TOUT CE QU,ELLE A DE PLUS MAUVAIS... TAPIE EN EUX ! C,AURAIT ETE BEAUCOUP PLUS REEL.

    LA LIBRE EXPRESSION

    06 h 15, le 01 mars 2019

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