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Culture - Exposition

Quand la solidarité et l’artisanat produisent de l’art...

« Khayt el-Zaman » est une initiative qui revivifie le travail féminin de la broderie et de la tapisserie, en tissant des liens solidaires mais aussi de véritables œuvres d’art.

« Le bateau pays », une tapisserie brodée collectivement, pièce-phare de l’exposition. Photo Michel Sayegh

Ce pourrait être le titre d’un roman, ce « Khayt el-Zaman » ou « le Temps brodé ». Un beau récit tissé de nostalgie et d’attachement au patrimoine. Et ça l’est d'une certaine manière. Même s’il s’agit surtout d’une réelle histoire de rencontres et de solidarités actives. Entre des licières de Ersal et des brodeuses d’un atelier de Beyrouth encadrées par Zena Sabbagh et Halime Hojeiry d’une part, et deux dynamiques marraines de l’autre, à savoir : Dominique Eddé et Isabelle Hélou. Ces dernières vont prendre les deux groupes de femmes sous leurs ailes pour les aider à déployer l’étendue de leur talent et de leur créativité. Et leur permettre de revivifier ainsi leurs artisanats traditionnels en déclin pour les développer en véritable travail d’art. « En fait, l’idée nous est venue de suggérer à ces femmes de faire entrer leurs mémoires, leurs paysages, leur terre, leurs vécus dans leur travail », indiquent les initiatrices de ce projet.

Les œuvres qui en ont résulté sont exposées jusqu’au 2 décembre au premier étage de la maison Dagher à Gemmayzé. Entre les murs de cette ancienne demeure, gracieusement mise à disposition par son propriétaire, la cinquantaine de tapisseries et broderies réalisées par les femmes des deux ateliers déploie une belle variété de tableaux. Cela va des paysages colorés de la Békaa (champs de blé, vues du village de Ersal, arbres fruitiers…) aux pièces plus stylisées et parfois même abstraites (dont une très belle évocation entièrement brodée d’une sorte d’espace désertique nocturne), en passant par les couleurs vives des compositions naïves, inspirées des scènes et des objets de leur quotidien, brodées sur toile de lin par des Bédouines.


Tisser sa terre et broder son vécu

Des œuvres d’une réelle qualité esthétique, parmi lesquelles se glisse aussi des pièces d’un expressionnisme ou d’un symbolisme puissant. À l’instar de ces expressifs portraits et autoportraits piqués au fil d’aiguille révélant la douleur d’une ex-femme battue par son mari ou encore de ce magnifique grand panneau brodé éloquemment intitulé Le bateau-pays. Une réalisation collective des brodeuses de l’atelier de Beyrouth (rassemblant aussi bien des Libanaises que des réfugiées palestiniennes, syriennes ou irakiennes), qui pourrait représenter n’importe lequel des pays de la région…

Thèmes, dessins, compositions, exécution… Et même filature, teinture et lissage de la laine, provenant des moutons de la Békaa ; tout a été réalisé sur place par les tisseuses elles-mêmes. Idem pour les brodeuses qui ont également choisi leurs thématiques. « Rien n’a été imposé. Nous n’avons fait que les encourager à libérer leur créativité. En leur offrant notamment une gamme de couleurs élargie », indique Isabelle Hélou. Ainsi, aux couleurs restreintes que les tisseuses de Ersal extrayaient traditionnellement de la noix, du sumac, de l’eucalyptus, de l’oignon, de la grenade, du curcuma se sont ajoutées de nouvelles teintes introduites par Khayt el-Zaman, comme le bleu ou le rouge issu également de pigments naturels comme l’indigo ou le cochenille…

Encouragées à exprimer leur vécu et leur sensibilité propre, ces femmes, nées et élevées dans la tradition d’un tissage de motifs géométriques répétitifs, se sont enhardies à sortir des sentiers battus pour élargir le domaine de leur compétence et moderniser les tracés de leurs compositions.

« Nous n’avons fait que leur donner l’opportunité de se réapproprier ce savoir-faire par l’imagination. Nous voulions surtout leur permettre d’être plus que de simples exécutantes. Avec, évidement, pour objectif principal de les aider à vivre de leur métier », assure encore Isabelle Hélou, à l’origine de ce projet avec Dominique Eddé. Et de l’exposition dont les revenus de la vente seront intégralement réinvestis dans ces deux ateliers.

Une exposition à ne pas rater. Autant pour la beauté des œuvres que pour cette belle histoire d’art et d’artisanat solidaire qui devrait servir d’exemple… Une belle aventure collective racontée également dans le texte, signé Dominique Eddé (écrivaine, romancière et essayiste), qui accompagne l’accrochage.


*Jusqu’au 2 décembre. De 11h à 19h. Maison Dagher, rue Gouraud –Gemmayzé.

Ce pourrait être le titre d’un roman, ce « Khayt el-Zaman » ou « le Temps brodé ». Un beau récit tissé de nostalgie et d’attachement au patrimoine. Et ça l’est d'une certaine manière. Même s’il s’agit surtout d’une réelle histoire de rencontres et de solidarités actives. Entre des licières de Ersal et des brodeuses d’un atelier de Beyrouth...

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