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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Israël prêt à tout pour mettre les « infiltrés » africains à la porte

Les réfugiés d’Afrique subsaharienne doivent choisir entre prison ou expulsion. Un ultimatum lancé dans la continuité de la politique d’incitation au départ menée par l’État hébreu depuis plus de dix ans.

Plus de 38 000 migrants illégaux, majoritairement érythréens et soudanais, ont jusqu’au 1er avril pour quitter le territoire israélien. Photo d’archives/Amir Cohen/Reuters

Plus de 38 000 migrants illégaux majoritairement érythréens et soudanais ont jusqu’au 1er avril pour quitter le territoire israélien, sous peine d’emprisonnement. Les autorités israéliennes ont commencé dimanche à envoyer des lettres individuelles aux concernés pour leur ordonner de partir. Parce que la convention de Genève de 1954 interdit de renvoyer un individu dans son pays si sa vie est en danger, l’État hébreu aurait passé un accord avec le Rwanda et l’Ouganda pour y déplacer ces « infiltrés », selon les termes utilisés par le gouvernement de Benjamin Netanyahu pour désigner les migrants africains. Les deux pays ont néanmoins démenti l’information dévoilée par la presse israélienne, qui précise que l’accord prévoit une enveloppe de cinq mille dollars par personne accueillie.
Cette somme s’ajouterait aux 3 500 dollars et au billet d’avion offert depuis deux ans par le gouvernement israélien à tout volontaire au départ. Pour Pauline Brücker, doctorante à Sciences Po et au Centre d’études et de documentation économiques, juridiques et sociales (Cedej), l’État hébreu est toujours dans la même logique dans sa gestion de l’immigration. «  Mais sa politique d’incitation prend une dimension beaucoup plus grave, car les migrants risquent maintenant l’enfermement dans la prison de Saharonim, dans le désert du Néguev », explique à L’Orient-Le Jour la chercheuse spécialisée sur les migrants soudanais en Égypte et en Israël.
Depuis 2007, 60 000 Érythréens et Soudanais ont fui la répression, l’autoritarisme, la faim ou la guerre. L’inaccessibilité de l’Europe et les conditions de vie en Égypte les ont poussés vers Israël en passant par le Sinaï égyptien. Des arrivées inédites pour un pays où le taux d’immigrants non juifs avoisinait zéro jusqu’aux années 90. Selon des chiffres officiels israéliens, 3 332 «  infiltrés  » d’Afrique subsaharienne ont quitté Israël entre 2013 et 2017, grâce au programme de départ volontaire et à toutes les autres mesures incitatives. Un accueil et une prise en charge sont censés être assurés dans les pays tiers. Mais les témoignages de ceux qui ont accepté de partir ont tôt fait de décourager les autres candidats à l’émigration. Les seules informations sur place proviennent des déplacés volontaires, les gouvernements concernés ne laissant rien fuiter. William Spindler, porte-parole du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, explique à L’OLJ que des mafias présentes en Afrique attendent les migrants pour les extorquer. Ils n’ont ni argent ni papier et ils se retrouvent dans des conditions très précaires, sans ressources ou accompagnement. «  Au début, beaucoup sont partis avec l’argent, explique Pauline Brücker, mais quand ces informations sont remontées, les départs volontaires ont diminué. »

Le double enjeu des titres de séjour
Le ministère de l’Intérieur assure que son ultimatum, qui laisse deux mois à ces migrants pour quitter le territoire, vise uniquement les hommes seuls et ne concerne pas les familles, les enfants, les victimes reconnues d’esclavage ou de trafic, ou encore ceux dont la demande d’asile a été déposée avant le 1er janvier 2018, du moins jusqu’à ce qu’elle soit examinée. À l’arrivée des migrants d’Afrique subsaharienne, l’État israélien leur avait annoncé que l’asile ne leur serait pas accordé, mais qu’ils pouvaient bénéficier de visas de travail temporaire, d’une durée de trois à six mois renouvelables, selon les statuts. Ceux-ci protègent du refoulement ou de l’enfermement dans le centre de rétention ouvert de Holot, dans le sud du pays. Mais ils sont tout aussi compliqués à renouveler. L’accès au bureau de l’immigration s’est complexifié, les refus sont aléatoires et un individu non enregistré ou refusé peut être arrêté et détenu indéfiniment à Holot. Parallèlement, le processus d’asile s’est durci et les bureaux de dépôt de demande se sont raréfiés. Selon le ministre de l’Intérieur, entre 2009 et 2017, sur 15 000 demandes d’asile déposées, 11 ont été acceptées.
Publiquement et officiellement, les migrants économiques sont indésirables sur le territoire israélien, même s’ils ont reçu récemment le soutien d’une partie de la société israélienne. Ce sont des «  infiltrés illégaux  » qui inondent le marché du travail, le système de santé et d’éducation, mais aussi qui augmentent le crime et la délinquance. «  Ils menacent le tissu social de la société (…) notre identité nationale et l’État démocratique  », a déclaré Benjamin Netanyahu en mai 2012. Israël ayant besoin de main-d’œuvre, il leur a néanmoins offert la possibilité de rester par le biais des visas de travail. «  Peu importe le statut, les gens voulaient rester en Israël et ont donc accepté  », dénonce Pauline Brücker. L’enjeu de ces titres de séjour était double : combler le manque de main-d’œuvre et faire d’eux des migrants économiques. Or l’un des critères d’exclusion avant mars concerne justement ceux-là mêmes qui ont accepté ces visas et qui n’ont pas demandé l’asile avant le 1er janvier 2018. Plus précisément, le gouvernement a d’abord empêché Érythréens et Soudanais de déposer des demandes d’asile, pour maintenant leur reprocher de ne pas l’avoir fait.

Plus de 38 000 migrants illégaux majoritairement érythréens et soudanais ont jusqu’au 1er avril pour quitter le territoire israélien, sous peine d’emprisonnement. Les autorités israéliennes ont commencé dimanche à envoyer des lettres individuelles aux concernés pour leur ordonner de partir. Parce que la convention de Genève de 1954 interdit de renvoyer un individu dans son pays si...

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