Rechercher
Rechercher

Culture - Hommage

Tania Bonja Honein, poète ivre de mots

Il est très difficile dans ce monde matériel et terrestre d’être une belle personne. L’avocate et pédagogue, amoureuse des mots et disparue il y a deux semaines, l’a été tout au long de son parcours.

Tania Bonja Honein.

Bien que sa maladie avançait à grands pas et ses troubles respiratoires gagnaient du terrain, elle avait trouvé le moyen de prendre du souffle et même d’en donner aux autres. À sa petite et grande famille, mais aussi à ses élèves du Collège Melkart. À travers des mots, ses mots, qu’elle brodait sans fioritures, telle une dentelle transparente.
C’est dans l’écriture que Tania Bonja Honein s’est recréé son propre bol d’oxygène immatériel. Mue par son engouement pour la littérature, elle avait, après des études juridiques, délaissé le barreau pour décrocher un DEA en littérature de jeunesse. En parallèle, elle enseignait depuis quinze ans dans un établissement homologué à Beyrouth tout en se mettant à l’écriture. Elle respirait à travers la brise qu’elle décrivait si bien dans son œuvre et qu’elle traitait de « comédienne », changeant à chaque fois de face. À travers le rocher, le fleuve, la luciole, les violettes et autres éléments de cette Dame nature, ouvrage qu’elle avait écrit en 2007 sélectionné pour le prix France/Liban et qui avait reçu un accueil chaleureux auprès du jeune lectorat. « Quoique éphémères, certains de ces éléments vous enseignent le prix du bonheur, disait-elle. Ils m’ont fait comprendre que j’ai mené une vie que peu ont vécue. » Dans Un coin de ciel bleu, son second recueil, elle racontait la terre du Liban qu’elle chérissait et à laquelle elle était profondément attachée. L’auteure narre des histoires d’amour, de voyages et de rencontres, donnant la parole au cèdre ancestral, au murex, à l’ortie bleue, aux papillons, à la vigne, aux rochers et à la corne noire, afin qu’ils évoquent leurs aventures, leurs pérégrinations et, finalement, leur enracinement sur ce bout de terre « magique »
« À quoi cela sert-il de vivre si l’on ne peut courir après les étoiles ? » dit-elle dans ce même ouvrage paru en 2012. Cette course effrénée, Tania Bonja Honein a entrepris de la faire entre deux chambres d’hôpital. « Ce jour-là, je courais plus que d’habitude, je ne me rappelle plus pourquoi j’étais tellement pressée, mais je me souviens de ce nuage qui me devançait vers une rage incontrôlée. Ce livre est d’abord adressé à mes enfants qui ont pris un jour le large, ensuite à tous ces Libanais qui, malgré leur amour pour leur terre, ont choisi le départ... Je suis le vent du temps passé, je souffle, j’erre, je hurle, je caresse. » L’auteure brossait de sa palette, mélange de bleu, d’ocre, de rouge intense et de vert pâle, ce Liban, grave et léger, douloureux et gai, mais aussi sa propre cartographie. Le thème la tiraillait tellement qu’elle l’a abordé de nouveau en 2016 dans L’Étoile phénicienne:  « Ce pays dont tu parles a perdu son identité. Tout comme moi, il ne sait plus qui il est. Si tu veux être mon ami, aide-moi à retrouver mon étiquette, celle de ces plaines et montagnes », dira-t-elle. La géographie de sa vie, à elle, n’était pas composée de plaines, mais de vallées et de montagnes et de grandes aspérités.
Tania Bonja Honein a embarqué pour le grand voyage. Elle aura été toute sa vie « ce poète en quête de vérité absolue » (Le Poète, 2013), domptant la mélancolie et l’apprivoisant. « Je suis une optimiste-née, doublée d’une rêveuse, persuadée que tout peut s’arranger. » Le bateau ivre de poésie a su jeter l’ancre, défiant toutes les tempêtes. Loin de tout, dans un coin de paradis blanc.

Bien que sa maladie avançait à grands pas et ses troubles respiratoires gagnaient du terrain, elle avait trouvé le moyen de prendre du souffle et même d’en donner aux autres. À sa petite et grande famille, mais aussi à ses élèves du Collège Melkart. À travers des mots, ses mots, qu’elle brodait sans fioritures, telle une dentelle transparente. C’est dans l’écriture que Tania...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut