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Culture - Exposition

Les brocantes poétiques d’un artiste chaman

À la galerie Tanit, ouvrir couches après couches la boîte de Pandore de Ricardo Brey est une démarche emprunte de magie, et une expérimentation naturaliste propre à l'artiste, pour qui la vie est dans toute chose...

« Doubts and loves » de Ricardo Brey à la galerie Tanit.

Enfant de la révolution, Ricardo Brey, artiste cubain né en 1955 à La Havane, compte parmi les pionniers du New Art cubain. Sa participation, en 1992, à la Documenta IX de Kassel jouera un rôle déterminant dans le lancement de sa carrière. Installé depuis 1991 en Belgique, d'où il élabore ses dessins, sculptures et installations exposés dans le monde entier, son œuvre est un mélange de mysticisme, de religieux et de concepts anthropologiques (sous l'influence notamment de Claude Lévi-Strauss, l'un de ses auteurs fétiches), son approche profondément inspirée de philosophie médiévale et de cultures du monde. Vingt-trois ans après son départ de Cuba, Ricardo Brey reste un artiste « culte » dans son pays d'origine.

 

Les strates de la mémoire
Ricardo Brey puise son inspiration dans les forces vives de la nature. Végétaux, minéraux ou fragments d'animaux sont déclinés ou recyclés au service de la dynamique créatrice de l'artiste. Assemblés ou transformés dans une mise en scène esthétique, les objets même périmés renaissent et invitent le visiteur à une libre interprétation cérébrale ou onirique. L'artiste s'intéresse à l'objet comme constituant un tout et veut saisir le monde dans son intemporalité pour s'éloigner du chaos par la force du mental. Si l'histoire s'éloigne de l'homme dans la durée, il ne doit pas s'éloigner d'elle par la pensée, elle doit demeurer intérieure et ne jamais perdre son intelligibilité. Ainsi l'Enfer de Dante que l'on retrouve tantôt sur les cimaises, tantôt emboîté, n'est autre que ce présent qui ronge chaque être humain et résonne dans son esprit et dans son cerveau comme un condensé de pensées refoulées, de désirs et de culpabilités. L'artiste considère les divers aspects de la vie sociale comme formant un ensemble solidaire, dont les diverses parties ne peuvent se comprendre que par le tout, ce qui leur donne leur signification. Il dévoile une ambition particulière, celle de donner un statut intellectuel à ses œuvres pour représenter le monde. Elles s'appuient sur un savoir théorique qui existe d'abord dans son esprit mais passe aussi par une réhabilitation du travail manuel. Il revendique la compréhension de son travail comme une chose mentale qui nécessite un arrêt, une réflexion, un travail de mémoire pour ne jamais oublier que la boîte, il est vrai, a laissé s'échapper tous les maux de la terre, mais demeure un récipient où l'espoir se terre quelque part dans son fond et réfléchit la vie comme une source de bonheur. « La beauté n'est pas une qualité aux choses elles-mêmes, elle existe seulement dans l'esprit qui la contemple et chaque esprit perçoit une beauté différente », disait le philosophe David Hume. L'artiste invite ainsi à explorer son œuvre pour en dégager la beauté de la vie grâce à la mémoire qui opère en vecteur essentiel.

 

Une ode à la vie
Hormis les toiles colorées avec des pigments que l'artiste réalise lui-même, l'exposition propose au visiteur de découvrir une série de boîtes dont la plupart ont été spécialement conçues par lui. Chacune des boîtes est une invitation à la réflexion, pour solliciter notre cerveau et raviver notre mémoire. Insérées dans des coffrets transparents, elles sont pensées pour interagir avec le spectateur, dévoilant progressivement le monde à la fois savant et utopique de Ricardo Brey.

Un monde fait d'objets qui évoquent la précarité du temps, l'urgence du moment, la fatalité et le destin. Des objets que l'on retrouve combinés dans toutes les installations où le potentiel symbolique constitue l'une de ses préoccupations majeures. Qu'il emploie la terre récoltée de diverses régions du monde pour enduire ses formes sphériques récurrentes (car le cercle est symbole d'absolu, du Dieu et du bien) ; les clés pour évoquer la liberté de choix qui s'offre à chaque être humain ; les perles pour ne jamais passer à côté de la préciosité de la vie ou de tout un lot de figurines qu'il récolte ou fabrique, il y a, à chaque fois chez Ricardo Brey, la problématique fondamentale relative à la mémoire. Face à chaque œuvre, il est question d'expériences vécues. Il relativise et objective la relation entre l'homme et son passé. On l'aura compris, le propos est de trouver la juste résonance que ses installations peuvent produire en chaque visiteur de manière à le rappeler à lui-même. À l'arrivée, on a vraiment l'impression d'avoir fait un voyage dans le temps et dans la connaissance qui vise à repousser les frontières de l'art loin des codes établis et l'on reçoit en pleine figure la force de son souffle humaniste. Croisant les regards sur les multiples sources qui alimentent son travail, philosophiques, mythologiques, religieuses ou romanesques, le parcours est un processus intense et troublant à la fois. On prend plaisir à décrypter chaque intention, à déchiffrer chaque message nourri des mythes fondateurs de la Bible ou de la période médiévale. Ou tout bonnement à se contenter de savourer d'une manière purement rétinienne.

GALERIE TANIT
Mar Mikhaël. Jusqu'au 19 janvier 2018.

 

Pour mémoire

Une villa, des artistes, une brocante et une bonne cause

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