Rechercher
Rechercher

Liban - Drame

Admise à l’hôpital pour s’embellir, elle en sort morte

Farah Kassab, une ressortissante jordanienne de 33 ans, mère de deux enfants, a choisi une clinique libanaise renommée, mais à la réputation controversée, pour remodeler sa silhouette. Elle y a trouvé la mort.

M. Hasbani, hier, au cours de sa conférence de presse. Photo Dalati et Nohra

Une jeune femme est morte. Pourtant, Farah Kassab n'avait pas inéluctablement rendez-vous avec la mort. Le drame s'est déroulé dans un établissement hospitalier du littoral du Metn, où elle a subi une liposuccion en vue d'enlever ses excédents graisseux, opération à la suite de laquelle elle a succombé à une embolie pulmonaire.

C'est le président de l'ordre des médecins, Raymond Sayegh, qui a indiqué hier à L'Orient-Le Jour la cause possible du décès. « Selon les résultats préliminaires de l'autopsie faite à la demande du ministère de la Santé, la patiente aurait été victime d'une embolie pulmonaire graisseuse », indique M. Sayegh, qui s'empresse de souligner que « le risque d'une telle complication est fréquent lorsqu'on travaille avec le gras ». « De la graisse peut se détacher et aller obstruer une artère pulmonaire, faisant obstacle à la circulation du sang et provoquant ainsi un arrêt cardiaque », explique-t-il, affirmant que « même en tentant de réanimer le malade, on n'arrive pas souvent à le récupérer ». Prudent, M. Sayegh n'a pas voulu se prononcer sur les responsabilités liées à l'accident, affirmant que l'ordre des médecins attend de mener son enquête pour communiquer son avis sur les circonstances du drame. « D'ailleurs, le propriétaire de l'hôpital, chirurgien traitant de la victime, a déposé lui-même auprès de l'ordre une demande d'enquête », a-t-il dit.

De son côté, l'avocat de l'ordre, Charles Ghafari, affirme à L'OLJ qu'« un comité scientifique consultatif au sein de l'ordre a été chargé d'étudier le dossier », soulignant que ce comité « va consulter des anesthésistes, chirurgiens et autres experts diplômés des meilleures universités ». M. Ghafari estime que « ces investigations devraient s'étendre sur une durée de 10 jours, au terme desquels le comité présentera son rapport au conseil de l'ordre des médecins, qui le soumettra alors au parquet ».

 

La date du décès
En attendant, les circonstances sont confuses. Les questionnements portent sur l'existence ou non d'une unité de soins intensifs dans l'établissement où s'est déroulée l'opération chirurgicale, ainsi que sur l'occurrence ou non d'une erreur médicale, ou au contraire d'une cause accidentelle, mais aussi sur le moment où la mort est survenue.

Sur ce dernier point, une source médicale affirme à L'OLJ que « pendant l'opération, la tension de la victime est tombée très bas, ce qui a nécessité son transport immédiat à l'hôpital Notre-Dame du Liban, à Jounieh, alors qu'elle était encore en vie. Mais elle n'a pas tardé à succomber ». Toutefois, un communiqué publié hier par le ministère de la Santé indique, au contraire, qu'« une jeune femme, non libanaise, est arrivée morte à l'hôpital Notre-Dame du Liban (Jounieh), venant d'une clinique spécialisée en chirurgie plastique située sur le littoral du Metn ». Pour la LBCI, la jeune femme est décédée mercredi à 17h, mais l'hôpital Notre-Dame du Liban n'a annoncé sa mort que le lendemain à 10h.

Mise à part la confusion sur le moment de la mort et la raison pour laquelle celle-ci n'a pas été aussitôt divulguée, d'autres questions se posent, notamment de savoir si des examens médicaux avaient été prescrits avant l'opération. Selon certaines sources, la procédure n'en était pas une, mais trois. Outre la lipoaspiration, Farah Kassab a subi une chirurgie des paupières et une rhinoplastie. Sa santé permettait-elle d'en subir tant ? s'est demandée la LBCI.

Le président du syndicat des hôpitaux, Sleiman Haroun, affirme à L'OLJ que le propriétaire de la clinique en cause avait demandé l'affiliation de son établissement au syndicat, mais que sa requête avait été refusée parce que celui-ci ne remplissait pas les conditions requises. Selon certaines sources informées, le centre médical de chirurgie esthétique a finalement obtenu une licence en vertu d'un décret pris par un ancien ministre de la Santé. M. Haroun souligne qu'« il ne s'agit pas du premier accident du genre », indiquant que « de tels faits surviennent fréquemment dans de nombreux centres non dotés de compétences humaines et d'équipements, et donc non habilités à procéder à des gestes chirurgicaux sous anesthésie générale », mais, déplore-t-il, « les responsables restent impunis ».

 

(Pour mémoire : Chirurgie esthétique : Hasbani prend des mesures après l'annonce d'un décès)

 

Couverture politique
Pour sa part, l'ancien président de l'ordre des médecins, Charaf Abou Charaf, rappelle, interrogé par L'OLJ, que, lors de son mandat (2010-2013), le conseil de l'ordre avait ordonné la radiation du médecin en cause pour une période de six mois, mais que ce dernier avait alors présenté un recours en justice grâce auquel sa peine a été réduite à un mois.

Des sources médicales concordantes indiquent d'ailleurs que le praticien a souvent eu des comportements portant atteinte aux mœurs publiques, diffusant des vidéos et placardant des affiches qui contreviennent à l'éthique médicale, mais, poursuivent ces sources, il a toujours bénéficié d'une couverture politique qui l'a mis à l'abri des poursuites. Ces mêmes milieux s'étonnent en outre que des médias étrangers, tels que la chaîne française M6, louent les compétences et performances du médecin, signalant par ailleurs que ce dernier est interdit de séjour au Qatar pour les fautes professionnelles graves qu'il y a commises.
Contacté par L'OLJ, le ministre de la Santé, Ghassan Hasbani, affirme pour sa part qu'il n'est pas de son ressort de se prononcer sur les responsabilités liées au décès de la jeune femme. « Cet incident aurait pu survenir dans tout hôpital spécialisé », estime-t-il, soulignant qu'« il appartient à la justice de trancher sur son origine, le parquet ayant entamé son enquête ». M. Hasbani a en outre indiqué avoir demandé de manière orale à l'ordre des médecins d'entamer une enquête et qu'il le fera de manière officielle lundi. Il a de plus affirmé que « la commission des enquêtes au sein du ministère, dont le rôle est consultatif, a constitué un dossier sur l'affaire », soulignant par ailleurs avoir « ordonné l'arrêt des opérations chirurgicales dans l'établissement hospitalier jusqu'à nouvel ordre ». L'OLJ a d'ailleurs tenté hier en début de soirée d'entrer en contact avec la clinique pour recueillir la version du propriétaire, mais la personne au bout du fil a précisé qu'« il n'y a personne pour le moment ».

 

« Course contre la montre »
Lors de l'entretien avec L'OLJ, M. Hasbani a fait état des « efforts déployés et (de) la course contre la montre pour réglementer les professions médicales en vue d'assurer la qualité des services médicaux et de protéger tant le malade que le médecin ». Il a évoqué le dernier classement de Bloomberg (groupe financier américain spécialisé dans les informations économiques) qui, a-t-il précisé, « a placé le Liban en tête des pays arabes pour le tourisme médical ». « C'est avec des lois et des règlements que nous voulons maintenir haut ce niveau que le pays a atteint en termes de services de santé », a insisté le ministre.
Tôt dans l'après-midi, M. Hasbani avait d'ailleurs tenu une conférence de presse au siège du ministère, au cours de laquelle il s'est penché sur la réglementation du secteur de la chirurgie plastique, rappelant qu'une loi promulguée en février a délimité les spécialisations et les actes médicaux autorisés dans les centres de chirurgie esthétique. « Les établissements concernés disposent d'un délai de 6 mois (jusqu'en août) pour régulariser leur situation, sous peine de fermeture, conformément à un décret du ministère de la Santé », a-t-il martelé.

Concernant les hôpitaux spécialisés, M. Hasbani a affirmé avoir émis hier un décret réglementaire, qu'il préparait depuis un certain temps et qu'il s'est empressé de publier à la suite du drame. Cette décision édicte « l'interdiction de procéder à des opérations chirurgicales de nature à causer des complications nécessitant des soins intensifs dans tout hôpital non équipé d'une unité de soins intensifs autorisée par le ministère de la Santé ». Le décret enjoint également au médecin d'expliquer au malade les risques d'une opération chirurgicale et de lui demander de signer un formulaire sur les droits des malades.

 

Pour mémoire

Enquête ouverte après le décès d'une patiente en chirurgie esthétique

Une jeune femme est morte. Pourtant, Farah Kassab n'avait pas inéluctablement rendez-vous avec la mort. Le drame s'est déroulé dans un établissement hospitalier du littoral du Metn, où elle a subi une liposuccion en vue d'enlever ses excédents graisseux, opération à la suite de laquelle elle a succombé à une embolie pulmonaire.
C'est le président de l'ordre des médecins, Raymond...

commentaires (9)

Quel paysage de désolation!!! Suite à des drames pareils, on se réveille et on découvre.....que que que... Aucune anticipation, aucune étude , aucune prévision... On se réveille et on découvre que les soins intensifs sont nécessaires...n'importe quoi.... Si je ne me trompe pas , sur le vol de la MEA il y a bien une publicité pour des cliniques de Chirurgies plastiques... On se réveille et on découvre qu'elles ne sont pas aux normes.... Quel paysage de désolation dans un pays devenu une vraie ferme d'exploitation de tout Humain en premier. Pitié , pitié..

Antoun S

00 h 24, le 05 juin 2017

Tous les commentaires

Commentaires (9)

  • Quel paysage de désolation!!! Suite à des drames pareils, on se réveille et on découvre.....que que que... Aucune anticipation, aucune étude , aucune prévision... On se réveille et on découvre que les soins intensifs sont nécessaires...n'importe quoi.... Si je ne me trompe pas , sur le vol de la MEA il y a bien une publicité pour des cliniques de Chirurgies plastiques... On se réveille et on découvre qu'elles ne sont pas aux normes.... Quel paysage de désolation dans un pays devenu une vraie ferme d'exploitation de tout Humain en premier. Pitié , pitié..

    Antoun S

    00 h 24, le 05 juin 2017

  • " Les questionnements portent sur l'existence ou non d'une unité de soins intensifs dans l'établissement où s'est déroulée l'opération chirurgicale" Vous n'êtes pas sérieux. La réponse c'est oui ou non et si c'est non c'est une honte, une de plus

    M.E

    03 h 33, le 04 juin 2017

  • Mais oui, personne n'est étonné... Ces boutiques esthétiques qui foisonnent sans contrôle strict des compétences, équipements et critères de sécurité, existent de longue date, et des accidents pareils ne sont pas nouveaux.... Sauf que, on se scandalise à chaque fois, car il y'a mort d'une jeune mère de famille, on en parle, on enquête et le médecin sera probablement exonéré grâce à ses appuis, ou au pire blâmé, on paye une compensation à la famille, il sera radié quelques mois, et puis le tout sera oublié... Le cirque infernal continue: on reprend les mêmes et on recommence... En médecine comme en politique. Ainsi va notre pauvre Liban!

    Saliba Nouhad

    16 h 55, le 03 juin 2017

  • Dommage pour elle , mais sans vouloir me faire l'avocat du chirurgien ( charlatan?) qui l'aurait opéré , quand on rentre dans un hôpital quelque soit le but, le risque zéro n'existe pas . Wa Salam.

    FRIK-A-FRAK

    15 h 39, le 03 juin 2017

  • Pourquoi l'article ne cite pas le nom du chirurgien et celui de la clinique? Le rôle de l'OLJ et de ses journalistes n'est-il pas d'informer plutôt que d'utiliser la langue de bois !!!

    Liberté de penser et d’écrire

    12 h 39, le 03 juin 2017

  • oui mais maintenant nous sommes tranquilles. le ministre de notre sante a deja sorti un lapin de sa manche : une loi reglementant tout cela- qui dit il - ete preparee -mais publiee seulement hier/avant hier. et puis ns sommes 1ers sur l'echelle des pays arabes : Waow....!! sommes nous le borgne parmi les aveugles ?

    Gaby SIOUFI

    09 h 48, le 03 juin 2017

  • hmara idiot so beautiful why make this ? poor children . all women want to be Angelina jolie ?/!!

    Souraya Fakhoury

    09 h 41, le 03 juin 2017

  • Tourisme Medical, dites vous !.... Encore un scandale qui sera vite etouffe !

    Cadige William

    08 h 01, le 03 juin 2017

  • pourquoi lui en vouloir a ce medecin, il voulait s'acheter un plus gros yacht cette annee et il a mis les bouchees double. comme tout nos medecins au Liban, on pense qu'on a les meilleurs du coin mais en fait il ne sont pas mieux que le charcutier d'en face. aucune reglementation, couverture politique, appat du gain, etc...bref, un business comme un autre. Et ce que je ne savais pas, c'est qu'au Liban, quand on est radié du corp medical, c'est pour un temps limité. 6 mois! tu sors...et tu reviens. on joue au chat et a la souris. Meme en medecine on fait dans la semantique. bravo le Libanais et bravo le corps medical, vous faite honneur a votre metier. si pour enlever un bout de graisse on en meurt, immaginez pour une operation un peu plus delicate. Moi je prefere me faire soigner a alep, au moins eux ils ont medecins sans frontieres, des medecins quoi.

    George Khoury

    07 h 58, le 03 juin 2017

Retour en haut