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Culture - Exposition

Entre délire et chimère, un bestiaire de charme

Une représentation animalière comme les fabulistes Esope et La Fontaine n'en ont jamais vue. Dans une modernité absolue, entre onirisme et réalisme, entre peinture, sculpture et photos, un fascinant univers animalier à la galerie Opéra.

Une chauve-souris de Niki de Saint Phalle (1997).

Une vingtaine d'artistes de tous les horizons pour cette ronde des prédateurs aux dents longues mais aussi des « gentils » tels que papillons, oisillons ou chiots aux oreilles de feuilles de choux rabattues, pour évoquer et parler de la nature. Et pour reprendre le titre phare de l'expo (Giving back to nature), Redonner à la nature est ici une préoccupation majeure : d'amour pour les animaux mais aussi de rapport pour un modus vivendi équilibré...

Redonner son dû à la beauté, à la richesse, aux bienfaits dont les animaux sont la source. Une ombrelle, une passerelle entre les hommes, la faune, les créatures qu'on câline entre laisse, harnais ou petites cages, mais aussi entre ce qui charme ou fait peur, entre rêve ou cauchemar, entre mythe, légende et réalité, entre tuerie et protection... Redonner à la nature pour un rapport plus harmonieux avec nos amis les bêtes : c'est bien d'un regard semeur d'alerte et bienveillant qu'il s'agit ici. Mais où, à travers une défense et illustration éloquente et singulière, l'art, bien entendu dans ses multiples expressions et approches, a son mot à dire.

Une pavane à la fois redoutable et somptueuse des habitants, sauvages ou domestiqués, des forêts et des grands espaces. Dans leur beauté native, altière ou émouvante, accompagnée parfois de décors étonnants. Mais aussi de matériaux surprenants.
Avec des noms d'artistes qui font rêver : Jeff Koons et son chien boudin gonflé en porcelaine (dans une édition limitée !); Richard Orlinski et son crocodile aux muscles taillés en tablettes en résine rouge luisante; Corda et son guépard svelte et lisse à cornes d'antilope en bronze argenté ; la vache rose (qui ne rit pas !) sur une litho de Warhol; la chauve-souris en fibre de verre de Niki de Saint Phalle qui, loin d'être maléfique, est tout sourire avec des ailes vivement colorées, déployées en éventail ; Calder et ses délicats papillons dans une gouache presque d'une vaporeuse mobilité...

 

Une girafe fausse biche
Le visiteur, dès l'entrée et son olivier aux branches en parasol, est d'emblée fastueusement reçu dans ce zoo insolite ou cette jungle urbaine improvisée. Car là, en toute déférence, on croise trois gardiens impressionnants : le gorille noir à tête et cornes de taureau de Mauro Corda, dans toute une masculinité belliqueuse regorgeant de force, d'agressivité, de testostérone prête à éclater. En face, la douce féminité (une fausse bich!) d'une girafe surmontée de l'embranchement cornu en chandelier d'un cerf, encore de Mora au summum de son art et de son inspiration pour plier le fer à tous ses caprices et visions. Au coin, le monumental et massif (pourtant finalement et relativement presque aérien) gorille de David Mach fait d'un astucieux assemblage et d'une adroite accumulation de cintres passés sous une couche argentée. L'effet est tout simplement stupéfiant !

Le ton est donné, les portes sont grandes ouvertes pour jeter un coup d'œil sur ce bestiaire aux allures chimériques, au délire décapant, aux combinaisons inédites, aux accouplements inattendus, aux (re)naissances et aux mutations passées au tamis d'un imaginaire souvent sans frein. Tous les matériaux, des plus insoupçonnés et des plus difficiles à dompter, sont appelés à la rescousse pour des créations qui sortent des chemins battus et tordent le cou au conventionnel plat.

Par exemple, ce rhinocéros tout rose, entre bonbon sucré et ton violette épiscopale, signé de l'Indien Valay Shende, composé essentiellement de boutons (« pins ») lustrés. Ou ces cartes postales accolées les unes aux autres de David Mach pour faire surgir la tête d'un aigle au bec crochu comme un harpon. Ou ces pièces de jeu de Lego de Joe Black réunies pour créer le Far West, ses lassos, ses colts, ses éperons et ses embardées cavalières. Il y a aussi ce chien au regard tendre de Paul Alexis qui fixe le spectateur par-delà une superposition de grillages de différentes teintes qui finissent par livrer une image qui disparaît en douce, par un subtil jeu d'illusion optique, quand on se déplace... On retient aussi les superbes prises de vue de l'œil de la caméra du Libanais Michel Zoghzoghi qui a capté l'insolence d'un lion roi s'ébouriffant dans une menaçante indolence.

On pourrait aussi citer les jolies toiles aux irisations orientales de Yassine Mekhnache teintées d'une certaine poésie diaphane et brouillée, ainsi que les hérons aux longs becs pêchant les grenouilles près des étangs de Pascal Haudressy où résine et installation vidéo suggèrent une atmosphère crépusculaire, des plus troublantes et incantatoires.
La tournée est loin d'être finie. Pour cette arche de Noé aux raffinements inédits, aux mélanges les plus imprévisibles et soigneusement sélectionnés, un monde attachant, grouillant de vie et de (belles) surprises. Il faut s'y rendre pour découvrir, juger et apprécier.

Opera Gallery
« Giving back to nature » (en support à Animals Lebanon) se prolonge jusqu'au 3 juin 2017.

Une vingtaine d'artistes de tous les horizons pour cette ronde des prédateurs aux dents longues mais aussi des « gentils » tels que papillons, oisillons ou chiots aux oreilles de feuilles de choux rabattues, pour évoquer et parler de la nature. Et pour reprendre le titre phare de l'expo (Giving back to nature), Redonner à la nature est ici une préoccupation majeure : d'amour pour les...

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