Dans son exil doré, Ben Ali le Tunisien jubile déjà et Kadhafi le Libyen, six pieds sous terre, peaufine, allègrement, ses bras d’honneur à l’adresse de ses fossoyeurs. Bachar el-Assad, quant à lui, tel Néron assistant à l’incendie de Rome, répète à satiété : « Je vous l’avais bien dit », un message à l’intention d’un Occident frileux qui a laissé faire et qui a donné au temps le temps d’achever sa sale besogne.
Mais est-on déjà dans l’automne arabe, comme se plaisent à le répéter autant les pervers de la mauvaise nouvelle que les néo-penseurs qui pataugent dans le déni? Bien sûr que non et l’histoire est riche en exemples de convulsions insurrectionnelles qui ont ouvert la voie à des bandits et autres hors-la-loi et qui ont retrouvé la grâce sur leur propre chemin de Damas.
Un chemin de Damas que les révolutionnaires syriens de la première heure, engagés dans une véritable course contre la montre, entendent emprunter jusqu’au palais présidentiel où trône le potentat baassiste. Une course, faite de larmes et de sang, qui ne devrait se conclure que par la chute du tyran et par la neutralisation des fous de Dieu ramenés à leur juste proportion : une minorité qui profite du temps perdu, qui exploite les hésitations des uns, l’obstructionnisme criminel des autres, pour se faire une place au soleil.
Le temps presse donc et désormais chaque heure, chaque minute comptent : faute de décisions drastiques des pays occidentaux, faute d’un rôle plus efficace des pays arabes aux côtés de la rébellion, l’hémorragie continuera, la guerre civile basculera dans l’action terroriste et les jihadistes s’y engageront comme des poissons dans l’eau.
Jamais l’histoire récente n’a connu une telle barbarie dans la répression, celle menée par un régime dictatorial contre son propre peuple : des quartiers entiers détruits par l’aviation militaire à Damas, Alep, Idleb, Deir ez-Zor, des localités dévastées, anéanties, des hôpitaux pris pour cible par les blindés d’une armée robotisée, assujettie à son maître et des millions de réfugiés, en majorité des femmes et des enfants, jetés sur les chemins de l’exode.
Entre-temps, la communauté internationale, engluée dans ses divisions, se limite à des vœux pieux, à des conseils de prudence, regrette hypocritement les divisions de l’opposition et lance des idées d’intervention militaire rapidement rangées au placard.
L’Occident est coupable de non-assistance à peuple en danger, l’Occident est coupable d’avoir applaudi à la rébellion et de n’avoir rien fait pour la protéger, l’Occident est coupable d’avoir tergiversé, interminablement ergoté et d’avoir permis aux jihadistes et autres fous de Dieu de proliférer à l’ombre de l’indécision internationale.
La Russie et la Chine sont coupables d’obstructionnisme délibéré, de reniement de tous les slogans qui ont accompagné leurs révolutions respectives, elles sont coupables de participation au crime, la première pour ses livraisons d’armes à un régime qui tue son peuple, la seconde pour avoir couvert par son silence les forfaits d’un pouvoir liberticide. Par leurs compromissions, elles ont permis à l’hydre islamiste de sortir de son antre, cette même hydre qui leur donne, pourtant, tant de soucis à domicile.
L’Iran est directement coupable, dramatiquement coupable, parce que son soutien aveugle à Bachar el-Assad, au régime alaouite, a attisé les haines sunnito-chiites dans l’ensemble du monde arabe, a ouvert la voie à l’aggravation des discordes communautaires, celles qui ensanglantent déjà l’Irak et Bahrein.
Le monde arabe est encore plus coupable pour la simple raison qu’il est directement concerné par le drame syrien et qu’il n’a pas réussi à mobiliser toutes les énergies en faveur de la rébellion. Coupable, parce que certains de ses membres, les plus impliqués d’entre eux, comme le Qatar et l’Arabie saoudite, ont privilégié les islamistes dans leur assistance et ont contribué en cela à approfondir les divisions au sein de l’insurrection.
Tous coupables alors qu’un peuple se meurt faute de régions sécurisées, de zones d’exclusion aérienne, tous coupables alors que dans les couloirs des Nations unies les donneurs de leçons tournent en rond, se perdent dans les palabres.
Le jour venu, quand le tyran tombera de son piédestal, quand il se retrouvera dans les poubelles de l’histoire laissant derrière lui un pays détruit, un peuple exsangue et des dizaines de milliers de veuves et d’orphelins, les coupables, tous les coupables, regarderont leurs mains et se rendront compte, alors, qu’elles sont sales, terriblement sales...
commentaires (7)
Il n'y a pas de guerre propre! Il n'y en a jamais eu, c'est un fait! Mais y a-t-il jamais eu de revolution, dans n'importe quel pays et a n'importe quelle periode de l'histoire qui ne soit passee par un chemin de croix avant d'arriver enfin a une conclusion permettant au peuple de respirer et de s'ouvrir a une nouvelle ere? L'example le plus connu de nous Libanais est celui de la revolution Francaise. N'y a-t-il pas eu la terreur apres le renversement du Roi? Par la suite la France n'a-t-elle pas ete dirigee a nouveau par Napoleon? Puis a nouveau le Roi, puis ... Pour finir et apres 130 ans et deux guerre mondiale elle a finit par se calmer puis se developper. Les Etats Unis aussi ont du passe par la guerre de secession pour en arriver la ou elle se trouve aujourd'hui. Alors il faut etre patient et avoir peur de l'inconnu ne nous conduira a rien. Il faut aller de l'avant. Au diable les regimes du style Assad et avec le temps, les theocrates qui suivrons les l'y rejoindrons!
Pierre Hadjigeorgiou
09 h 16, le 02 octobre 2012