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Les mains sales

Ce qui était, il y a quelques mois encore, une interrogation inquiète est aujourd’hui une évidence : le printemps arabe est progressivement flétri par l’apparition de hordes jihadistes qui n’ont pour ambition que de remplacer la dictature par une théocratie, de balayer l’État civil en gestation par l’instauration de la charia.
Dans son exil doré, Ben Ali le Tunisien jubile déjà et Kadhafi le Libyen, six pieds sous terre, peaufine, allègrement, ses bras d’honneur à l’adresse de ses fossoyeurs. Bachar el-Assad, quant à lui, tel Néron assistant à l’incendie de Rome, répète à satiété : « Je vous l’avais bien dit », un message à l’intention d’un Occident frileux qui a laissé faire et qui a donné au temps le temps d’achever sa sale besogne.
Mais est-on déjà dans l’automne arabe, comme se plaisent à le répéter autant les pervers de la mauvaise nouvelle que les néo-penseurs qui pataugent dans le déni? Bien sûr que non et l’histoire est riche en exemples de convulsions insurrectionnelles qui ont ouvert la voie à des bandits et autres hors-la-loi et qui ont retrouvé la grâce sur leur propre chemin de Damas.
Un chemin de Damas que les révolutionnaires syriens de la première heure, engagés dans une véritable course contre la montre, entendent emprunter jusqu’au palais présidentiel où trône le potentat baassiste. Une course, faite de larmes et de sang, qui ne devrait se conclure que par la chute du tyran et par la neutralisation des fous de Dieu ramenés à leur juste proportion : une minorité qui profite du temps perdu, qui exploite les hésitations des uns, l’obstructionnisme criminel des autres, pour se faire une place au soleil.
Le temps presse donc et désormais chaque heure, chaque minute comptent : faute de décisions drastiques des pays occidentaux, faute d’un rôle plus efficace des pays arabes aux côtés de la rébellion, l’hémorragie continuera, la guerre civile basculera dans l’action terroriste et les jihadistes s’y engageront comme des poissons dans l’eau.
Jamais l’histoire récente n’a connu une telle barbarie dans la répression, celle menée par un régime dictatorial contre son propre peuple : des quartiers entiers détruits par l’aviation militaire à Damas, Alep, Idleb, Deir ez-Zor, des localités dévastées, anéanties, des hôpitaux pris pour cible par les blindés d’une armée robotisée, assujettie à son maître et des millions de réfugiés, en majorité des femmes et des enfants, jetés sur les chemins de l’exode.
Entre-temps, la communauté internationale, engluée dans ses divisions, se limite à des vœux pieux, à des conseils de prudence, regrette hypocritement les divisions de l’opposition et lance des idées d’intervention militaire rapidement rangées au placard.
L’Occident est coupable de non-assistance à peuple en danger, l’Occident est coupable d’avoir applaudi à la rébellion et de n’avoir rien fait pour la protéger, l’Occident est coupable d’avoir tergiversé, interminablement ergoté et d’avoir permis aux jihadistes et autres fous de Dieu de proliférer à l’ombre de l’indécision internationale.
La Russie et la Chine sont coupables d’obstructionnisme délibéré, de reniement de tous les slogans qui ont accompagné leurs révolutions respectives, elles sont coupables de participation au crime, la première pour ses livraisons d’armes à un régime qui tue son peuple, la seconde pour avoir couvert par son silence les forfaits d’un pouvoir liberticide. Par leurs compromissions, elles ont permis à l’hydre islamiste de sortir de son antre, cette même hydre qui leur donne, pourtant, tant de soucis à domicile.
L’Iran est directement coupable, dramatiquement coupable, parce que son soutien aveugle à Bachar el-Assad, au régime alaouite, a attisé les haines sunnito-chiites dans l’ensemble du monde arabe, a ouvert la voie à l’aggravation des discordes communautaires, celles qui ensanglantent déjà l’Irak et Bahrein.
Le monde arabe est encore plus coupable pour la simple raison qu’il est directement concerné par le drame syrien et qu’il n’a pas réussi à mobiliser toutes les énergies en faveur de la rébellion. Coupable, parce que certains de ses membres, les plus impliqués d’entre eux, comme le Qatar et l’Arabie saoudite, ont privilégié les islamistes dans leur assistance et ont contribué en cela à approfondir les divisions au sein de l’insurrection.
Tous coupables alors qu’un peuple se meurt faute de régions sécurisées, de zones d’exclusion aérienne, tous coupables alors que dans les couloirs des Nations unies les donneurs de leçons tournent en rond, se perdent dans les palabres.
Le jour venu, quand le tyran tombera de son piédestal, quand il se retrouvera dans les poubelles de l’histoire laissant derrière lui un pays détruit, un peuple exsangue et des dizaines de milliers de veuves et d’orphelins, les coupables, tous les coupables, regarderont leurs mains et se rendront compte, alors, qu’elles sont sales, terriblement sales...
Ce qui était, il y a quelques mois encore, une interrogation inquiète est aujourd’hui une évidence : le printemps arabe est progressivement flétri par l’apparition de hordes jihadistes qui n’ont pour ambition que de remplacer la dictature par une théocratie, de balayer l’État civil en gestation par l’instauration de la charia.Dans son exil doré, Ben Ali le Tunisien jubile déjà...

commentaires (7)

Il n'y a pas de guerre propre! Il n'y en a jamais eu, c'est un fait! Mais y a-t-il jamais eu de revolution, dans n'importe quel pays et a n'importe quelle periode de l'histoire qui ne soit passee par un chemin de croix avant d'arriver enfin a une conclusion permettant au peuple de respirer et de s'ouvrir a une nouvelle ere? L'example le plus connu de nous Libanais est celui de la revolution Francaise. N'y a-t-il pas eu la terreur apres le renversement du Roi? Par la suite la France n'a-t-elle pas ete dirigee a nouveau par Napoleon? Puis a nouveau le Roi, puis ... Pour finir et apres 130 ans et deux guerre mondiale elle a finit par se calmer puis se developper. Les Etats Unis aussi ont du passe par la guerre de secession pour en arriver la ou elle se trouve aujourd'hui. Alors il faut etre patient et avoir peur de l'inconnu ne nous conduira a rien. Il faut aller de l'avant. Au diable les regimes du style Assad et avec le temps, les theocrates qui suivrons les l'y rejoindrons!

Pierre Hadjigeorgiou

09 h 16, le 02 octobre 2012

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Commentaires (7)

  • Il n'y a pas de guerre propre! Il n'y en a jamais eu, c'est un fait! Mais y a-t-il jamais eu de revolution, dans n'importe quel pays et a n'importe quelle periode de l'histoire qui ne soit passee par un chemin de croix avant d'arriver enfin a une conclusion permettant au peuple de respirer et de s'ouvrir a une nouvelle ere? L'example le plus connu de nous Libanais est celui de la revolution Francaise. N'y a-t-il pas eu la terreur apres le renversement du Roi? Par la suite la France n'a-t-elle pas ete dirigee a nouveau par Napoleon? Puis a nouveau le Roi, puis ... Pour finir et apres 130 ans et deux guerre mondiale elle a finit par se calmer puis se developper. Les Etats Unis aussi ont du passe par la guerre de secession pour en arriver la ou elle se trouve aujourd'hui. Alors il faut etre patient et avoir peur de l'inconnu ne nous conduira a rien. Il faut aller de l'avant. Au diable les regimes du style Assad et avec le temps, les theocrates qui suivrons les l'y rejoindrons!

    Pierre Hadjigeorgiou

    09 h 16, le 02 octobre 2012

  • Vous avez dit ce que nous ressentons. PONCE PILATE n'est pas mort, hélas...

    G.F.

    15 h 39, le 01 octobre 2012

  • Que ce soit pour la bonne ou la mauvaise cause, je ne connais personne qui ait les mains propres dans la région. Si tant est d'ailleurs que l'on sache faire la distinction entre les bonnes et les mauvaises causes de nos jours. Les mains sales, oui malheureusement, tout le temps et toujours. Sartre l'a bien illustré dans sa pièce.

    Robert Malek

    08 h 06, le 01 octobre 2012

  • Le déni, c'est lui.

    Daniel Lange

    04 h 26, le 01 octobre 2012

  • Analyse superbe Monsieur Nagib Aoun. Félicitations. Mais les temps ont changés. Les bouleversements des insurrections dans le passé n'ont rien à voir avec celles d'aujourd'hui. Il n'y avait pas les fanatiques extrémsites religieux, arriérés, aux instincts animaliers, qui vivent psychologiquement au moins mille ans en arrière dans le temps. Quand à l'hydre, réveillée, elle a quitté son lac et sa grotte sous l'eau et non pas son antre. Je persiste à dire que de ces prétendus printemps ne fleuriront que des alcées empoisonnées. Le pire est à venir. Et dernièrement, mais pas les derniers, les débordements et déchaînements des tueurs animaliers au Bangladesh. Il y a intérêt, des Occidentaux tout comme des Russes et chinois, à ce que la situation dans tout le Moyen Orient, SOURCE DES GISEMENTS D'HYDROCARBURES, reste plongée dans l'incertitude et l'anarchie. Ainsi TOUS ces pourvoyeurs et marchands d'armes resteront dans la région troublée, jusqu'à épuisement total des gisements. Après ? ils s'en foutent de L'APRÈS !

    SAKR LEBNAN

    02 h 40, le 01 octobre 2012

  • Yâ ilâhi haïdal Soûry, ou yâ ilééhé haïdas Soûréh en dialecte libanais pur jus ! C’est le cri d'épouvante qui s'élève parmi eux, chaque fois que la menace d'un déferlement syrien se précise à nouveau. C'est à se demander quels "Syriens" ils avaient bien pu fréquenter ! Tout ceci n’est que tout à fait humain, après tout le mal que certains Syriens "Malsains ont fait aux Libanais Sains. Mais certainement pas aux autres Libanais "Malsains" qui eux, avaient entièrement Collaboré ! Mais, pour ce qui est d'une éventuelle réconciliation avec la Syrie, il faut y adhérer même si, ce faisant, on se sépare de certains de nos meilleurs amis. Tous ceux qui en Syrie ont peur, soit d'une progression du fondamentalisme, soit d'une reprise en main de la dictature "Assadique" ont compris qu'une réconciliation avec ce Grand Liban rendrait ces risques plus difficiles. Preuve en est que les exigences d'ores et déjà énoncées par la Révolution en Syrie ont provoqué des percées en matière de libertés. Certes, beaucoup reste à faire, mais c'est pour cela que la pression doit continuer. Ce sont les victimes des saletés baassyrienes qui l'affirment, dont les appels sont pathétiques et qui savent ce qu'elles risquent si les Sains Libanais de la Cédraie les rejetaient. D'où leur exigence d'une aide à personne en danger ! En tout cas, on voit bien ce que ces deux "frères" bafoués, dans une telle réconciliation, auraient à gagner....

    Antoine-Serge KARAMAOUN

    00 h 54, le 01 octobre 2012

  • "Mais est-on déjà dans l’automne arabe, comme se plaisent à le répéter autant les pervers de la mauvaise nouvelle que les néo-penseurs qui pataugent dans le déni ? Bien sûr que non ! Et le jour venu, tous les coupables regarderont leurs mains et se rendront compte, alors, qu’elles sont sales, terriblement sales...." ! Tout est dit par M. Nagib Aoun.

    Antoine-Serge KARAMAOUN

    00 h 10, le 01 octobre 2012

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