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Amères moissons

Mort comme il l’avait voulu, les armes à la main, le tueur de Toulouse emporte dans la tombe les secrets du processus qui a fait de ce jeune homme, abordant tout juste son existence d’adulte, un monstre hors-série : un monstre convaincu, de surcroît, qu’il n’était que l’instrument d’une mission divine.

Mais si la France, profondément traumatisée, respire désormais, elle n’en a pas fini pour autant avec le fantôme de Mohammed Merah. Déjà la polémique fait rage autour du dénouement de jeudi soir, comme des prestations de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), ce FBI à la française, née de la fusion de deux services en charge de la sécurité de l’Hexagone. L’assaut fatal donné par les unités d’élite de la police ne pouvait-il absolument être évité, ce qui eut permis d’interroger le forcené et de traquer ses éventuels complices ou mentors ? Mais surtout, comment n’a-t-on pas détecté à temps, en Merah, la véritable bombe à retardement qu’il était, alors qu’il était surveillé (mais pas d’assez près, apparemment) depuis ses séjours dans les camps d’entraînement terroristes d’Afghanistan et du Pakistan ?

Les motivations politiques – et même politiciennes – ne sont évidemment pas étrangères à la controverse : cela d’autant que celle-ci survient en pleine campagne électorale, que Nicolas Sarkozy est le père fondateur de la DCRI et que l’opposition socialiste voit volontiers dans cet organe une police politique au service de l’Élysée. La question dépasse largement cependant les intérêts spécifiques des deux principaux candidats à la présidence française. La gadgeterie technologique offre aujourd’hui aux barbouzes du monde entier des moyens de détection et de surveillance d’une inimaginable, d’une terrifiante efficacité, dont seule la justice peut, théoriquement, autoriser ou interdire l’irruption dans la vie privée des citoyens. Surgit dès lors ce vieux dilemme propre à toutes les démocraties : comment faire échec au terrorisme, ce fléau qui se joue de toutes les règles, sans s’octroyer à son tour une nouvelle règle du jeu, sans en venir à renier les mêmes libertés que l’on défend ? Là réside problème. Et parce que la démocratie est ainsi faite, l’arsenal juridique que s’est empressé de promettre Nicolas Sarkozy ne suffira sans doute pas pour clore le sempiternel débat.

Il n’empêche qu’en France comme partout ailleurs, c’est par le commencement qu’il faut commencer : par une jeunesse naturellement perméable à l’endoctrinement, au bourrage de crâne. Non moins redoutable que le terrorisme est, à la longue, le fanatisme, méthodiquement insufflé par d’aucuns aux jeunes esprits : l’un conduit souvent à l’autre, et c’est particulièrement vrai pour un pays aussi acrobatiquement pluricommunautaire que le Liban, qui, dans un passé récent, a considérablement souffert du terrorisme et qui n’est guère épargné par les extrémismes de toute sorte. Ainsi, ce n’est pas en recourant à la provocation, au défi, en s’adonnant sans crier gare à leurs prières dans l’enceinte d’une université explicitement catholique, comme ils l’ont fait lundi dernier au mépris du règlement de l’établissement, qu’un groupe d’étudiants chiites pouvaient servir la cause d’un œcuménisme cher pourtant à tous les Libanais. Et ce n’est pas en jouant les étonnés que le Hezbollah peut espérer dégager la responsabilité qui est la sienne dans cet incident.

Que ces étudiants aient obéi à la consigne d’un parti théocratique œuvrant à asseoir une communauté tout entière entre deux chaises, l’une libanaise et l’autre iranienne, serait déjà bien assez grave. Qu’ils aient agi de leur propre chef serait encore plus grave car on n’aurait alors là que la récolte d’un intense travail de conditionnement : rien d’autre en somme qu’un désolant gaspillage de blé en herbe.

Issa GORAIEB
igor@lorient-lejour.com.lb
Mort comme il l’avait voulu, les armes à la main, le tueur de Toulouse emporte dans la tombe les secrets du processus qui a fait de ce jeune homme, abordant tout juste son existence d’adulte, un monstre hors-série : un monstre convaincu, de surcroît, qu’il n’était que l’instrument d’une mission divine.Mais si la France, profondément traumatisée, respire désormais, elle n’en...